Julian Assange : pas d’asile politique en France

par Rémy Mahoudeaux
lundi 7 février 2022

Tenir certaines informations secrètes est nécessaire. « Si l'ost [l'armée, à l'époque féodale] sait ce que fait l'ost, l'ost bat l'ost », disait Blaise de Monluc, fait maréchal de France en 1574. Le respect de la confidentialité est nécessaire au bon fonctionnement des armées. Les affaires, la politique et la diplomatie ont vite copié les militaires et leur engouement pour la discrétion. Parfois, cette discrétion sert à camoufler des faits scabreux, des actions glauques, des ratages malsains - bref, des saloperies, pour ne pas mâcher ses mots.

Julian Assange, fondateur de WikiLeaks, a contribué plus que largement à la fuite puis à la publication d’une grande quantité de documents confidentiels mettant en évidence la saleté de la guerre menée par les États-Unis d’Amérique en Afghanistan et en Irak. L’exécutif américain nourrit contre lui un certain ressentiment et affirme que ses révélations ont mis en danger la sécurité nationale. Exagéré ? Il souhaite le traduire devant des tribunaux locaux. La suite est connue : un pataquès sexuel suédois assez tordu sert de prétexte à l’émission d’un mandat d’arrêt international. Assange est mis en liberté sous caution au Royaume-Uni en attente d’une éventuelle extradition et se réfugie à l’ambassade d’Équateur du 19 juin 2012 au 11 avril 2019 qu'il ne peut quitter. Lâché par le nouveau pouvoir équatorien, il est mis en prison et condamné par la Justice britannique pour violation de sa liberté conditionnelle et y est maintenu tant que ne sont pas définitivement purgées les demandes d’extradition de la Suède et des États-Unis. Sa santé se dégrade et ses partisans n’hésitent pas à affirmer qu’il serait privé de soins et subirait des tortures. La Suède abandonne toutes les poursuites. Julian Assange gagne contre les États-Unis en première instance en janvier 2021 mais n’est pas remis en liberté. Il perd en appel en décembre 2021 et se tourne vers la Haute Cour de justice de Londres, l'une des instances supérieures d'Angleterre et du pays de Galles.

Mais l’acharnement judiciaire américain laisse planer un soupçon : s’agit-il d’une vengeance ou d’une œuvre de justice ? Donald Trump aurait été bien inspiré de succomber à sa tentation de gracier Julian Assange avant son départ.

Il y a, à l’Assemblée nationale, des niches parlementaires où l’agenda est laissé à l’initiative de groupes minoritaires. Ces textes ne sont pas soumis à amendement. Le 4 février, le groupe Libertés & Territoires (rassemblant des députés du centre gauche et du centre droit) a demandé un vote symbolique et non contraignant. Son objectif : demander au gouvernement d’accorder l’asile politique à Julian Assange et entamer les démarches pour étendre le statut de réfugié aux lanceurs d’alerte étrangers. Le pays dont la devise commence par Liberté devrait s’empresser de voter un tel texte ; mais non, il a été retoqué par 31 voix contre et 17 pour.

En février 2020, l’avocat français de Julian Assange, un certain Me Éric Dupond-Moretti, avait déposé auprès des autorités françaises une demande d’asile politique. En janvier dernier, l’Assemblée nationale votait à l’unanimité la transposition d’une directive européenne visant à protéger les lanceurs d’alerte. Faut-il déplorer l’hypocrisie de ceux qui nous gouvernent ou leur incohérence ? Baroud d’honneur des partisans de la liberté, baroud du déshonneur pour les cabots serviles d’un alignement atlantiste insane.

(paru auparavant chez Boulevard Voltaire - illustration Hafteh7 via Pixabay) 


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