Kafka aux prud’hommes

par Benco
lundi 8 décembre 2008

Récit d’une électrice qui tient coûte que coûte à remplir son devoir électoral pour les Prud’hommes le 3 décembre 2008.

N’ayant rien reçu pour les élections prud’homales, je me renseigne auprès du Cabinet X qui gère notre comptabilité et l’administratif de notre microstructure.

Ils ne retrouvent rien ; j’insiste pour apprendre qu’un « bug informatique » a supprimé toutes leurs entreprises clientes de la liste des Prud’hommes. C’est fou ; c’est toujours la faute à l’informatique.
 
Tenace, je veux voter. J’arrive le 3 décembre 2008, jour du vote à la mairie où je sais que je devrai demander une autorisation du juge pour pouvoir voter.
 
Et là commence le parcours du combattant.
 
L’agent d’accueil me dirige vers le bureau au fond de la cour. Là le responsable m’explique que je dois me rendre au 1er étage au bureau de centralisation.
 
En haut des escaliers ce fameux bureau n’est pas fléché. Je demande – poliment – à un groupe de fonctionnaires qui discute de son prochain week-end où se trouve ce bureau. Me toisant, une femme me répond que bien évidemment c’est le Tribunal d’instance. Merci Madame.
 
Tribunal d’instance. Après quelques minutes une femme écoute ma demande et m’explique que je dois d’abord aller au Bureau des élections pour vérifier que je ne suis pas déjà inscrite et me faire faire un certificat.

 
Les mairies sont vastes et il faut du temps pour atteindre ce bureau, bien sûr à l’opposé.
 
8 personnes dans un grand bureau discutent ou travaillent. Pas une n’est disponible pour moi. Ah, enfin. Une femme arrête sa discussion et me fait signe de m’avancer. Je lui explique que je viens m’inscrire sur les listes pour pouvoir voter, sors ma carte d’identité et le bulletin de paye de décembre 2007 comme requis. Elle le regarde avec circonspection et me demande si je n’aurais pas plutôt une quittance de loyer ou une facture EDF. Ce serait mieux. Mais alors pourquoi m’a-t-on demandé spécifiquement ce document ? Ah, répond surprise la dame, vous ne voulez pas vous inscrire sur les listes électorales classiques, mais pour les prud’hommes.
 
Aujourd’hui, 3 décembre, jour des élections prud’homales, elle ne sait pas qu’elles ont lieu. Heureusement, dans un bureau de l’administration française, il y a toujours un chef et le chef sait. Après avoir reçu les consignes, la dame vérifie très minutieusement sur son écran mon absence sur les listes, va faire 3 photocopies de chacun de mes papiers, remplit et me fait remplir deux formulaires, là aussi photocopiés après signature du chef.
 
Retour au Tribunal d’instance auprès du juge où je dois encore remplir et signer d’autres papiers et récupérer ce qui fera office de carte électorale.
 
Munie du précieux sésame, je redescends comme me l’explique la juge au premier bureau, lieu de départ de mon marathon.
 
Après avoir pris mon papier, une dame me montre 1 pile de papiers. Devant ma mine étonnée, elle m’explique qu’il n’y a qu’une liste patronale. Mais je suis un salarié. Ah, ce n’est pas là que la juge aurait du m’envoyer. Très obligeant, le président du bureau de vote m’emmène dans les étages rejoindre le bureau de vote des salariés, installé dans la salle des fêtes, et cela continue à être la mienne, de fête.
 
Il me confie à une sympathique jeune femme qui m’explique que mon calvaire est terminé, que je suis arrivée au bon endroit puisque c’est là que votent les cadres.

Ah oui. Mais non, parce que je ne figure pas sur les listes. Un émissaire est envoyé pour qu’un chef-chef vienne résoudre le problème. Ne vous inquiétez pas, Madame, elle connaît très bien.
 
Après que j’ai eu le temps de manger 3 délicieux bonbons, la chef-chef me prend moralement par la main pour m’emmener à l’autre bout de la vaste salle. Là elle me laisse entre les mains d’un tandem de charmants messieurs qui écoutent avec attention le traitement à infliger à des salariés extra-terrestres tels que moi.
 
Ils me remettent donc un papillon : pour que vous alliez chercher les bulletins là-bas Madame. Echaudée, je regarde avec soin et constate qu’un numéro de votant doit y être porté. Mais je n’en ai pas puisque je ne suis pas sur les listes. Perplexité de mon tandem. Heureusement, la chef-chef leur explique qu’il faut me rajouter à la fin de la liste électorale et me donner un numéro.
 
Je saisis le papillon enfin en règle, vais chercher les bulletins de vote, vote dans l’isoloir et me présente au Président du Bureau de vote. Il vérifie ma carte d’identité, entrouvre le clapet de l’urne et je laisse tomber mon enveloppe. A voté !
 
Oui, mais pourquoi mon enveloppe est-elle rose alors que les autres sont orange ? Pourquoi les roses sont-elles dans une autre urne ?
 
Cela fait plus d’une heure et demie que j’erre dans une mairie pour remplir mon devoir de citoyen et tout est balayé par l’inattention du président du bureau de vote.

Je demande ce que je dois faire. Rien, on verra ce soir au moment de dépouiller.

Je me doute bien de ce qu’on a vu le soir. Mon bulletin a dû être considéré comme nul.
 
Voilà mon expérience et j’espère bien ne la partager avec personne !

Lire l'article complet, et les commentaires