L’abolition du racisme par l’abolition des races

par L’apostilleur
jeudi 7 avril 2022

Depuis l’antiquité le concept de race s’est perpétré sous différentes acceptions chacune avec la même intention, différencier les individus. 

Au VIIIe s. av JC, Hésiode racontait dans son « mythe des races » l’existence de cinq races successives qu’il avait hiérarchisées en leur attribuant une correspondance métallique, de l’or… au fer.

Aristote caractérisera plus tard les hommes en fonction des climats à l’est et à l’ouest, et justifiait la supériorité de la race grecque par sa situation géographique.

Au XIVe s. Ibn Khaldoun décrivait dans son "livre des exemples" la perception arabo-musulmane des africains « … les seuls peuples à accepter l'esclavage sont les nègres en raison d'un degré inférieur d’humanité… »

En 1861 Napoléon III agrégera des théories politiques, sociales et raciales pour justifier son soutien aux races latines pour son intervention au Mexique contre les races anglo-saxonnes.

Au XXe s. les allemands antisémites et nazis différencieront avec Hitler la race pure, notamment de celles des populations juives multi-ethniques d’origine diverses, Europe centrale, hispano-maghrébine, Falashas d’Afrique noire… Depuis parler de race renverra plus ou moins consciemment au traumatisme qui suivit. Toute recherche anthropologique devenait suspecte.

Quelques années plus tard on n’utilisera pratiquement plus le mot race, sauf pour dire qu’il ne veut rien dire ou condamner une utilisation contraire à une bien-pensance qui voulait s’imposer. Rarement un vocable aura autant fleureté avec l’histoire, la politique, la sociologie et la biologie, chacun lui attribuant une interprétation au gré de ses intentions. 

La France héritière des humanistes, soucieuse de l’entretien de son aura, aura bien du mal à se dépêtrer de ces complications. Scientifiques et politiques prendront la main pour argumenter une même intention par une seule voie ; combattre un racisme indéfini en supprimant les races. 

Les premiers seront des scientifiques engagés qui inventeront deux conceptions de la race, pour en éliminer une.

La première, « race domestique », s’entendait pour une « sous-espèce » créée par des croisements provoqués par les humains, comme des chiens ou des vaches afin d’en modifier certains critères comme les races canines, bovines…

La seconde, « race naturelle », s’adressait à l’espèce humaine dont les individus se distinguent avec des critères physiques ou génétiques propres à eux-seuls. Cependant, au motif qu’ils n’organisent pas leur reproduction et que les différences génétiques pour une population donnée sont plus grandes qu’entre diverses populations, alors la classification par race devenait impossible. Cela suffisait à démontrer qu’il n’existait qu’une seule race humaine.

Ainsi, depuis cinquante ans les généticiens avaient tracé cette route en cul-de-sac ; pas de fondement biologique donc pas de distinction raciale entre les hommes. Les critères physiques et culturels n’entraient pas dans la démonstration. La pensée passait par l'orifice du microscope.

Partant du constat que 99,9% de notre adn est commun à tous les hommes, on comprend alors que la différenciation raciale supposait des investigations biologiques avancées pour l’étayer. Avec eux, la race humaine n’avait pas de critères suffisants pour se subdiviser et décrétaient « …un constat sans appel. S’il y avait réellement des races humaines, comme il y a des races de chiens, on s’attendrait à ce que certains variants soient exclusivement chez certaines personnes, dans certaines populations, et d’autres variants, exclusivement chez d’autres personnes. C’est bien ce qu’on trouve d’ailleurs chez les chiens de race… »

 

 

 

On est toujours trahi par les siens.

Dans la continuité des recherches génétiques qui avaient cautionné l’absence de races chez les humains, le sens des conclusions allait s’inverser. La biologiste Evelyne Heyer (*) a expliqué depuis que les travaux sur le génome humain depuis 2002/2005 ont révélé dans le cadre « d’une recherche de structure à partir de cinquante populations, les caractéristiques de celles raciales qui se retrouvent sur les cinq continents d’Afrique, d’Eurasie, d’Asie de l’est, d’Océanie et d’Amérique.  »

Résultat des recherches génomiques - Répartition de la diversité génétique

 

Si comme elle le rappelle « la génétique est politiquement incorrecte », doit-on pour autant taire ce que les enfants perçoivent devant la cascade de têtes humaines de notre remarquable musée de l’Homme à Paris choisies par les anthropologues pour illustrer les différences humaines et les origines géographiques des populations ?

 

 

Imprégnée d’une retenue compréhensible pour aborder ce thème, Evelyne Heyer révèle le motif pour lequel les généticiens n’utilisent pas le mot race dans leur classifications, « …il pourrait supposer une hiérarchie entre-elles. »

Plus direct, Wiktor Stoczkowski chercheur au laboratoire d’anthropologie au Collège de France dénonce la déclaration ancienne (2000) de ses confrères qui considéraient que «  la notion de race n’a aucun fondement scientifique ni génétique  », et confirme à l’aide des travaux plus récents sur le génome humain, la caractérisation des cinq races sur les cinq continents comme Evelyne Heyer.

Il raconte comment l’industrie pharmaceutique a utilisé ces résultats pour prévenir les populations asiatiques quant à l’utilisation de médicaments (CRESTOR) ou les populations d’origine africaine pour d’autres (BIDIL) aux Etats-Unis. Par là il démontre sans ambages avec le même raisonnement scientifique l’existence des races distinctes.

Ces scientifiques respectables précisent évidemment qu’elles ne conduisent à aucune forme de hiérarchisation.

 

Qu’en pense l’intelligentsia ? Faut-il tuer le nom de la maladie pour la soigner ?

Preuve de ces hésitations politico-philosophiques, la France des droits de l’Homme tâtonnera avec ses modifications législatives successives au prix d’un paradoxe.

Pendant que nos généticiens engagés tentaient de démontrer l’inexistence des races humaines, poursuivant le même objectif le législateur les conservait pour les protéger, « Toute discrimination fondée sur l'appartenance ou la non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion est interdite.  »

La loi du 13 juillet 1990 comme la proposition de loi constitutionnelle du 10 mai 2004 conservaient encore la trace de « race » (**).

 

Changement de cap le 12 juillet 2018, quand 119 députés présents à l’Assemblée nationale portés par une intention louable, entérineront par un vote à l’unanimité des présents (sur 577), un amendement prévoyant la suppression du mot "race" dans la Constitution ; « La France une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction de sexe, d’origine ou de religion ».

Depuis, le législateur probablement informé de l’inexactitude des conclusions anciennes des généticiens, n’a toujours pas modifié la Constitution et reconnaît implicitement les races pour condamner un racisme, qu’en l’absence de codification seul un procureur est capable d’instruire le procès.

 

Le racisme, et sa déviation étymologique.

Les généticiens du XXe s. avaient raison malgré eux en décrétant l’inexistence des races parce que «  constructions sociales ». Disant cela ils touchaient du doigt la réalité du racisme dont la cause raciale devenait moins prégnante que la diversité et les origines culturelles des populations. 

Convaincus aussi, de sérieux opposants parlent d’un racisme dont les tenants dépendent moins de la race de chacun que de cette construction sociale, résultat d’une discrimination objective entre les peuples sans connotation péjorative. Qui reprocherait aux Inuits (Inuit se traduit par peuple) leur choix de s’être différencié des autres peuples … ?

Pour l’UNESCO réaliste, « …les problèmes que soulèvent la discrimination et le préjugé de race n’appellent pas seulement un examen scientifique. Il serait trop optimiste de croire qu’il suffit de porter les résultats des recherches scientifiques modernes à la connaissance du public pour résoudre les conflits raciaux et mettre un terme aux tragédies qu’ils provoquent… ».

Le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres élargi le champ du racisme « nous devons élever la voix contre toutes les expressions de racisme et les cas de comportement raciste ».

 

Ces grandes âmes ont devant elles un long chemin de croix à en croire ceux qui pérennisent un mépris racial primitif comme ce Conrad … « Je rentre dans les crèches, je tue des bébés blancs, attrapez-les vite et pendez leurs parents. » 

 

 

(*) Évelyne Heyer Commissaire scientifique du musée de l'Homme, spécialiste en éco-anthropologie et génétique des populations humaines

 

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