L’accès à la vérité du monde est accessible mais masqué. Je vais faire un petit reset

par Bernard Dugué
mardi 17 janvier 2023

 1) Depuis un bon moment, disons trois décennies, l’opinion publique est désemparée face à la compréhension du monde et se contente le plus souvent de suivre les invectives des chasseurs de voix, propagandistes et autres agités complotistes. Une modeste expérience sur ce thème m’a fait comprendre que la plupart de nos contemporains français ne cherchent pas à confronter des thèses, des idées, des opinions contraires, pas plus qu’ils ne cherchent à trouver des faits capables de nuancer la vision étriquée qu’ils produisent en usant du biais de confirmation cristallisé dans leur cerveau. L’objectif des contemporains n’est pas tant de construire une vérité ou se la révéler en suivant une voie mais plutôt de choisir son camp idéologique comme on rejoint un club de supporters. Cette évolution est récente, les réseaux sociaux n’ont fait que l’amplifier.

 

 2) Le sens de l’histoire prend des décennies voire des siècles pour se révéler. Les séquences historiques ne sont pas successives, elles se fondent les unes dans les autres. La séquence qui a conduit à l’éclatement de la droite et de la gauche entre 2007 et 2017 était déjà en germe si l’on regarde avec un œil averti les législatives de 1967. Qu’Emmanuel Macron ait raflé la mise en 2017 n’a rien d’étonnant et s’inscrit dans une continuité idéologie avec des partis soumis aux forces tectoniques et destinés à se fragmenter. Réduire cette prise de pouvoir à un « complot » de banquiers n’a pas de sens. Les historiens des civilisations avertis comme Jean Bottéro savent que les apparentes ruptures dans le cours des civilisations ne s’expliquent pas comme une émergence soudaine d’un ensemble culturel mais comme un achèvement sur lequel les civilisations s’appuient pour passer à une étape suivante ou supérieure. Macron n’a rien ouvert, il n’a fait qu’achever un processus devenu complexe avec la mondialisation technologique et l’arrivée de nouveaux outils à usage social. Ce qui s’ouvre n’est pas encore lisible.

 

 3) La séquence historique française est prise entre deux feux, la mondialisation technologique accentuée par les agents du système européen et les manœuvres géopolitiques présentées de telle manière que l’opinion publique n’y voit que des vagues superficielles et des explications tronquées. Du côté de l’Ukraine, du Caucase et des partenaires de la Russie, une séquence s’est déclenchée. D’aucuns pensent qu’une guerre entre Russie et bloc de l’Otan aurait commencé lors de la crise géorgienne en 2008. Une guerre à bas bruit, avec des mouvements de troupes limités (eu égard à ce qui se passe actuellement) et un nombre conséquent de victimes civiles, plus de mille dans la crise géorgienne selon les autorités russes. 2008 c’est aussi crise financière, puis crise grecque et printemps arabes.

 

 4) Cette séquence géorgienne s’est poursuivie mais cette fois, en se déplaçant en Ukraine avec les événements du Maïdan en 2014, suivis par les velléités nationalistes ukrainiennes à l’égard des russophones, des combats au Donbass et les accords de Minsk. Sans doute des détails, ou pas. Il est assez étrange qu’aucun récit n’a été proposé pour la partie ukrainienne depuis 15 ans, ou du moins, depuis les événements de 2014. Alors que nos médias ont diffusé à profusion des documentaires sur la Russie et le fonctionnement du Kremlin autour de Poutine, ses sbires, ses généraux, ses oligarques. Je n’ai fait que signaler une zone d’ombre qui fausse l’interprétation de l’histoire. Ce n’est pas pour autant que je m’en remettrai aux thèses complotistes. Nous avons assez de reporters et de spécialistes en géopolitique pour nous livrer ce récit vu de l’autre côté et si possible, d’un point de vue russe. Ce n’est pas en sautant comme des cabris en criant Poutine agresseur que l’on comprendra cette séquence historique.

 

 5) Le rôle de l’information doit être généralisé à d’autres faits et interprétations dépassent largement le conflit actuel. Depuis quelques années, les médias présentent des points de vue exacts et censés mais en masquant des zones du réel pour des tas de raison. Rien de neuf, l’ordre bourgeois moderne, devenu ordre systémique, repose sur un enrobage sémantique permettant entre autres choses de défendre les intérêts particulier de groupes bien placés dans le système. Aucune enquête sur les niches fiscales par exemple. La vérité du système n’est pas dans les analyses les plus courantes mais elle reste accessible. Les anticapitalistes ne regardent pas au bon endroit.

 

 6) L’autre nuit, je ne sais si le nerf vague enflammé y est pour quelque chose, j’ai eu quelques difficultés à passer un sommeil serein. Réveillé à maintes reprises, non pas quelque rêve facétieux et régénérateur, mais par une submersion de datas sans intérêt dont je ne me souviens pas. En revanche, je me souviens avoir prié pour que mon cerveau oublie, se désintoxique. Oublier non pas le lointain passé mais toutes ces infos glanées sur le Web et dans les chaînes en continu, des infos qui ont eu le plus souvent le don de m’énerver car j’y ai décelé dans toute sa splendeur les signes d’un travail bâclé et orienté se superposant à des analyses censées mais sans grand intérêt.

 

 7) Je ne vois pas d’autre solution qu’un petit reset effectué à mon niveau visant à reprendre la main sur mon cerveau et trier voire ignorer ce qui est exprimé par les habilités à parler du système. Bref, une désintoxication en sachant que l’accès à la vérité est maintenant barré sauf dans quelques lectures alternatives. Le mensonge du régime se confronte aux mensonges des agitateurs populistes haranguant les troupes pour des jeux suspects. Que mon cerveau oublie tout cela ! Le reset vise à faire barrage aux médias sauf événement impérieux. Le petit reset est simple dans son principe, il suffit de créer dans son cerveau un bloqueur d’infos, à l’image des Ad Block éjectant les publicités. Plus facile à dire qu’à faire tant nous sommes devenus addicts à cette drogue d’infos et de commentaires. 


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