L’accord Energie Union Européenne - Azerbaïdjan

par Alain Roumestand
mardi 9 août 2022

A peine signé par la présidente de la Commission Européenne Ursula Von Der Leyen et le président de l'Azerbaïdjan Ilham Aliyev, l'accord "énergie" indispensable pour l'économie européenne face à l'invasion de l'Ukraine par les troupes russes, est sujet à une polémique orientée, univoque et... française.

L'accord U.E. - Azerbaïdjan signé à la mi-juillet et concernant l'énergie a pu surprendre les non-informés mais n'a pas semblé étonnant à ceux qui suivent l'actualité européenne et azerbaïdjanaise.

Revenons sur les présupposés des autorités européennes. Sur twitter la Commission déclarait : " Au milieu de la militarisation continue des approvisionnements énergétiques de la Russie, la diversification de nos importations d'énergie est une priorité pour l'UE... La présidente Von der Leyen et le commissaire à l'énergie Kadri Simson seront.... en Azerbaïdjan pour renforcer encore la coopération".

Et cette visite a abouti à un accord indispensable aux 27 pays qui, avec des politiques certes différentes, depuis longtemps jouent la diversification intelligente de leurs sources d'énergie.

Le site "ZoneBourse" nous éclaire : "Selon un projet de document vu par "Reuters" le 14 juillet, la Commission a proposé aux pays de l'UE un accord avec l'Azerbaïdjan pour augmenter les importations de gaz naturel et soutenir l'expansion d'un gazoduc pour ce faire... Les gouvernements de l'UE ont déjà convenu d'un embargo pétrolier progressif sur la Russie".

En effet peut-on lire sur le même site :"Le transit de gaz russe via la Pologne a cessé cette année et les livraisons de gaz via l'Ukraine ont été réduites par l'invasion de l'Ukraine par Moscou le 24 février. L'Allemagne ... se prépare à tous les scénarios".

A peine signé, cet accord est violemment critiqué par le député socialiste Olivier Faure dans une surenchère verbale dans le cadre de la NUPES : " Il y a comme une absurdité à refuser le gaz russe pour ne pas armer le bras qui frappe l'Ukraine, pour lui substituer le gaz azéri qui finance la guerre contre l'Arménie". Ce député devrait savoir que la guerre est terminée, depuis presque 2 ans, entre ces 2 pays, malgré des incidents de frontière sporadiques.

Une tribune collective d'élus qui se déchirent par ailleurs dans les assemblées dans tous les domaines au quotidien, LFI ( Clémentine Autain), PCF, PS, EELV ( Yannick Jadot), Renaissance, Modem, LR ( Bruno Retailleau) va dans le même sens : "En choisissant l'Azerbaïdjan comme fournisseur de gaz, Ursula Von der Leyen affaiblit l'Union Européenne. Un accord avec Bakou aurait pour effet de substituer à la dépendance du gaz russe, une dépendance au gaz azerbaïdjanais..."

Le "Journal du Dimanche" donne aussi une critique en règle de l'accord : "Avec l'ambition de doubler d'ici quelques années ses importations de gaz naturel, l'UE a signé un accord exceptionnel avec l'Azerbaïdjan à la mi-juillet. Cependant le projet dérange pour plusieurs raisons... Cette ancienne république soviétique participe... à la course effrénée pour les financements en matière d'armements...L'accord avec l'Azerbaïdjan est aussi remis en cause du point de vue écologique..."

Les opposants à cet accord s'appuient presque tous, pour le dénoncer, sur les conflits passés entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan.

Or qu'en est-il de la politique étrangère azerbaïdjanaise et des relations avec l'Arménie ?

La guerre entre les 2 pays en novembre 2020 s'est terminée par un cessez-le-feu garanti par la Russie. Des pourparlers ont été organisés, des rencontres au plus haut niveau ont eu lieu. Des négociations ont débuté, devant permettre aux 2 états de vivre en bonne intelligence dans des frontières clairement établies et en coopération économique, même si le chemin à parcourir peut sembler long.

Le président azerbaïdjanais Ilham Aliyev avait remercié début juillet le Mouvement des pays non-alignés ( 137états) pour son soutien lors de la deuxième guerre entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan au Karabakh. Cette deuxième guerre ayant consisté pour l'Azerbaïdjan à la récupération des territoires conquis par l'Arménie sur le territoire de l'Azerbaïdjan,en 1994. Pour le gouvernement de Bakou le problème du Karabakh est réglé. Les organisations internationales (dont l'ONU) avaient d'ailleurs demandé que ces territoires soient rendus à l'Azerbaïdjan, dans de multiples résolutions.

Qu'en est-il de la position de l'Arménie face au Karabakh ?

Le journal "Le Nouvel Economiste" insiste sur la diaspora arménienne qui a toujours joué un rôle dans le combat de l'Arménie contre l'Azerbaïdjan : " Souvent présentée comme un bloc monolithique et soudé, la diaspora arménienne est en réalité parcourue de clivages, entre une minorité qui exprime ses désaccords face à une normalisation sans préconditions, et une majorité silencieuse qui, au mieux, souscrirait volontiers au compromis, au pire se mure dans l'indifférence. Faute d'une organisation véritable et d'une réflexion politique, la diaspora conserve donc une influence marginale sur les destinées de l'Arménie".

Alors pourquoi ce tir de barrage contre l'accord "énergie" entre l'UE et l'Azerbaïdjan ? Cet accord peut aussi permettre à ce pays du Caucase de s'arrimer à l'Europe. Cela a toujours été le souhait de l'Azerbaïdjan, état musulman laïque ( visité par le pape François ) de constituer une passerelle entre l'Orient et l'Occident,depuis son indépendance, à la disparition de l'Union soviétique. L'Azerbaïdjan est situé aux confins de l'Europe et de l'Asie occidentale, à la charnière de 2 continents, avec de puissants voisins, Russie, Iran, Turquie.

L'Azerbaïdjan a aboli la peine de mort en 1998, est devenu membre du Conseil de l'Europe, et s'est soumis à la Cour Européenne des droits de l'homme.

" Jeux européens", "Concours Eurovision de la chanson", "Forum mondial des Nations Unies", " Grand Prix de Formule 1" , " Euro de foot" se sont succédés à Bakou ces dernières années.

On ajoutera que les entreprises françaises sont présentes en Azerbaïdjan dans les domaines de l'énergie, de l'aviation ; de l'industrie spatiale, du transport, de l'approvisionnement en eau, de l'agriculture.

Alors... pourquoi cette polémique française ?

 


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