L’affaire de l’Arche de Zoé : « Non, je ne connais pas cet homme », disent-ils en chœur !

par Paul Villach
mercredi 9 avril 2008

« Non, je ne connais pas cet homme ! », lit-on dans la Bible. Et quand pour la troisième fois, Simon Pierre nia toute relation avec le prévenu, le coq chanta. Est-ce une nouvelle version de cette scène biblique de « la Passion du Christ » que jouent M. Kouchner, Mme Yade et Mme Dati ? Les déclarations à divers médias de M. Éric Breteau, président de « L’Arche de Zoé », récemment gracié et libéré, conduisent à se poser la question.

Des moyens hors de l’ordinaire

On le suit en tout cas sans peine quand il soutient que pour mener à bien une opération de « sauvetage » ou d’ « enlèvement » - selon le point de vue - de 103 enfants supposés orphelins, aux confins du Tchad et du Darfour, il faut « bénéficier de soutiens politiques haut placés ».

1- Affréter un Boeing, le faire atterrir sur l’aéroport d’un pays africain, et disposer sur place des moyens de déplacement aériens de l’armée française, voilà qui n’est pas à la portée du premier « coopérant » venu.

2- Puis quand on est arrêté et emprisonné, voir le président de la République en personne se démener, y compris sur place, jusqu’à la libération des personnes incarcérées, n’est pas fréquent non plus.

3- Enfin, entendre annoncer à l’avance le déroulement chronologique des étapes qui conduisent à la solution du problème et en vérifier l’exactitude, depuis la tenue du procès avec la certitude d’une peine raisonnable jusqu’à l’octroi de la grâce du président du pays concerné, en passant par le rapatriement en France dès la fin du procès, pareil agenda ressemble fort à un protocole d’accord entre deux États, servant les intérêts de l’un et feignant de ménager les susceptibilités de l’autre.

Des portes ouvertes

Le responsable de « L’Arche de Zoé » paraît bien n’avoir pas été un inconnu pour les autorités françaises et leurs palais. Le moins qu’on puisse dire est qu’il y avait ses entrées. M. Éric Breteau est formel dans son interview au Figaro, le 7 avril 2008 : « J’ai été reçu, dit-il, par le conseiller politique de Bernard Kouchner, qui a trouvé l’idée très intéressante. Puis, je suis allé voir un conseiller de Nicolas Sarkozy à qui j’ai remis un dossier complet et qui m’a dit : "Banco, on va envoyer Cécilia Sarkozy". Par ailleurs, j’avais reçu un "feu vert" officieux du ministère de la Justice. Il était même prévu que, le 25 octobre 2007, Cécilia Sarkozy et Rachida Dati se déplacent en personne pour accueillir les 103 enfants à l’aéroport de Vatry. Pour moi, il est donc clair que l’État français était parfaitement informé de nos intentions.  »

Dans ce cas, pourquoi ces dénégations de Mme Yade, Mme Dati et de M. Kouchner qui se réserve même le droit d’engager des poursuites contre l’accusateur ? Est-ce une nouvelle application du principe de toute opération clandestine : « S’il vous arrive un problème, je ne vous connais pas » ?

"Une opération d’influence clandestine"

M. Breteau fait justement une deuxième révélation qui cadre avec cette hypothèse : cet enlèvement d’une centaine d’enfants prétendument abandonnés s’inscrivait dans une opération d’influence clandestine. Encore un complot ! diront les partisans de « la thèse du complot ». « Ce n’était pas, dit-il, un rapatriement organisé pour notre plaisir ou pour celui de quelques familles. En montant cette opération, nous avons voulu dénoncer haut et fort la passivité des autorités internationales sur le drame du Darfour. Certains pays, comme la France, loin d’être neutres dans ce conflit, sont en réalité complices, comme ils l’ont été au Rwanda.

Notre objectif était de créer une crise afin de susciter une prise de conscience de la communauté internationale. Contrairement à ce qui a été dit, il s’agissait d’une opération parfaitement légale et légitime, parce que conforme à la Déclaration universelle des droits de l’homme et à la Convention de Genève. » À quel article est-il fait allusion ? Ce n’est pas précisé.

Un rapprochement avec « l’affaire du Rainbow-Warrior » ?

Les autorités françaises auraient-elles donc approuvé le projet ? Éric Breteau souligne qu’en tout cas il n’a nullement été dissuadé de le poursuivre, y compris lors de son audition par la brigade des mineurs au cours de l’été 2007 : « Si on voulait m’empêcher de passer à l’acte, objecte-t-il, il était très simple de me faire mettre en examen et placer sous contrôle judiciaire puisque j’avais commencé à récolter de l’argent auprès des familles d’accueil. »

L’opération paraît s’être effectuée en tout cas selon les prévisions, avec l’appui de l’armée française stationnée au Tchad, jusqu’à l’arrestation des responsables. Et quand elle a capoté, le 25 octobre 2007, les autorités françaises, selon É. Breteau, les auraient « complètement lâchés ». Ce lâchage n’a pas toutefois été jusqu’à abandonner à leur triste sort ces humanitaires qui auraient joué, somme toute, le rôle d’agents spéciaux. Cinq mois après, non seulement ils sont en France, mais ils sont graciés.

On songe aux « faux époux Turange » qui ont eu moins de chance dans « l’affaire du Rainbow-Warrior ». Condamnés à dix ans de prison par la Cour d’appel d’Auckland (Nouvelle-Zélande), le 22 novembre 1985, les deux agents français impliqués dans le sabotage du bateau de l’organisation humanitaire Greenpeace qui a causé la mort d’un homme, Alain Mafart et Dominique Prieur, n’ont été transférés qu’en juillet 1986 sur l’atoll de Hao en Polynésie avant d’être rapatriés en France. Éric Breteau fait justement le rapprochement entre les deux affaires, promettant un livre pour la fin du mois intitulé L’Arche de Zoé, les dessous d’une affaire d’État.

Le coq est-il donc près de chanter pour les trois ministres ? Il faut reconnaître que le président de « L’Arche de Zoé » n’est pas sans argument. En un temps où le Parlement français apprend d’une déclaration faite par le chef de l’État devant un parlement étranger l’engagement de troupes françaises en Afghanistan, ne pourrait-il pas au moins, par une commission parlementaire, servir à faire la lumière sur cette curieuse affaire ? Seulement pour cela, il faudrait que la justice française n’en soit pas saisie.

Paul Villach


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