L’affaire Penchard ou la légitimité du clientélisme

par Deenye
jeudi 18 février 2010

Suite aux propos controversés de Marie-Luce Penchard, un certain nombre de ténors UMP sont montés au créneau, sur des arguments pour le moins discutables.

Rappelons d’abord les propos tenus par la ministre de l’Outre-mer :
 
"Je n’ai envie de servir qu’une population, c’est la population guadeloupéenne. (...)
Ca me ferait mal de voir cette manne financière quitter la Guadeloupe au bénéfice de la Guyane, au bénéfice de la Réunion, au bénéfice de la Martinique, et de me dire, enfant de la Guadeloupe, je ne suis pas capable d’apporter quelque chose à mon pays."
 
Le scandale est évident : la ministre a pour responsabilité de tout faire pour aider au développement économique de tout l’Outre-mer, et elle revendique son clientélisme envers la Guadeloupe, d’où elle est originaire.
Dans la deuxième phrase citée, elle va même jusqu’à expliquer qu’elle va tout faire pour...rendre le plus inefficace possible son action ministérielle vis-à-vis des autres départements et territoires d’Outre-mer.
 
Il est évident que tous les citoyens de ces autres départements et territoires d’Outre-mer savent désormais à quoi s’en tenir avec leur ministre...
 
Maintenant, venons-en à ce qui m’intéresse dans cette affaire, ou en tout cas, ce qui m’a fait prendre ma plume :
Les réactions des porte-flingues de l’UMP, avec dans leurs rôles habituels, MM. Chatel, Lefebvre, Fillon et Bertrand.
 
Je vous propose de les analyser une par une, commençons par celle de Luc Chatel :
 
"Il ne faut pas sortir ces propos de leur contexte. Marie-Luce Penchard était auprès des Guadeloupéens en campagne électorale. Allez assister à des meetings de responsables politiques de toutes sensibilité dans leur département : vous verrez ce qu’ils disent de la façon dont ils se sont battus pour leur département, de tout ce qu’ils ont obtenu."
 
Traduction : on est en campagne, tous les moyens sont bons, et vu les sondages, un peu de clientélisme, on n’est pas à ça près...
Imaginez maintenant une seconde que des propos de ce type soient tenus par un candidat PS : Chatel sera-t-il aussi indulgent ?
 
Passons à l’inénarrable, Frédéric Lefebvre, qui, il est vrai, cherche en permanence à dépasser sa caricature :
"Il faut que le PS arrête ses mensonges généralisés et ses manipulations en tout genre pour détourner l’attention du bilan catastrophique de l’ensemble de ses présidents de région en matière de fiscalité, de sécurité et d’emploi"
 
Voilà une parfaite non-réponse : Lefebvre, en réaction aux propos de Penchard, n’évoque même pas ce sujet !
En revanche, une tribune étant une tribune, il en profite pour débiter son discours de dénigrement gratuit habituel.
Sa phrase touche au sublime, car elle réussit le tour de force de contenir 5 mensonges !
Déjà, parler de "mensonges généralisés" et de "manipulation" est faux et grotesque, on voit bien que M. Lefebvre nous fabrique une théorie du complot...
Ensuite, la hausse de fiscalité dans les régions est directement liée au siphonnage de leurs fonds par l’Etat, lui-même se défaussant sur elles dans le même temps de pas mal de responsabilités...
Par ailleurs, les régions n’ayant pas le droit de présenter un budget en déficit (contrairement à l’Etat), tout manque à gagner est forcément répercuté sur les impôts.
En matière de sécurité, je rappelle simplement à M. Lefebvre que les ministres de l’Intérieur depuis 2002 sont Sarkozy, Villepin, Baroin, Alliot-Marie et Hortefeux : à ma connaissance aucun d’entre eux n’appartient au Parti Socialiste...
 
Le premier ministre s’est également exprimé :
 
"Cette petite polémique est dérisoire. Extraire d’un discours une phrase pour tenter de jeter le discrédit sur la politique du gouvernement outre-mer, c’est contraire à l’esprit que je me fais de la démocratie. La vérité c’est que Mme Penchard est la ministre de tous les outre-mers et elle y est d’ailleurs accueillie comme telle à chaque fois qu’elle s’y rend.
La vérité, c’est que le PS ne se pardonne pas de ne pas avoir nommé un ultra-marinaux responsabilités de l’outre-mer. Nous nous l’avons fait et c’est notre fierté"
 
Apparemment, le clientélisme correspond parfaitement à l’idée que M. Fillon se fait de la démocratie. J’en prends acte.
Je note que lorsqu’il affirme "qu’elle est la ministre de tous les Outre-mers", c’est l’exact contraire de ce qu’a dit Mme Penchard...
Ensuite, Fillon embraye sur un leurre : la ministre étant elle-même ’ultramarine’, la polémique viendrait de là.
Curieux raisonnement, aucun argument pour l’étayer, mais tant pis...
Personnellement, je dois dire que la seule chose qui m’intéresse chez un ministre, fut-il de l’Outre-mer, est qu’il soit compétent.
D’après M. Fillon, compétent serait synonyme de ’ultramarin’...
 
J’en termine avec le meilleur d’entre eux, j’ai nommé Xavier Bertrand :
 
"Avec le Parti socialiste, vous n’êtes jamais déçus. Une idée pour l’outremer ? Jamais. Une polémique sur l’outremer ? Toujours. C’est plus facile de créer des polémiques. Je connais bien Marie-Luce Penchard. L’esprit républicain, elle l’a bien à l’esprit et dans son action politique. Elle fait un meeting pour expliquer qu’il faut des projets pour la Guadeloupe, et que si elle est élue en Guadeloupe - elle a le droit de se présenter en Guadeloupe-, elle veillera à ce que ces projets puissent être accompagnés en Guadeloupe. Ca n’a rien à voir avec ce qu’a dit Mme Penchard. Le Parti socialiste n’est jamais en retard d’une polémique. Pour les idées, il faut attendre."
 
Là encore, Bertrand fait simple : d’abord mentir effrontément sur les faits, ("L’esprit républicain, elle l’a bien à l’esprit et dans son action politique."), ce qui là encore, est l’exact contraire des propos tenus par la ministre, puis créer une diversion pour fuir le sujet embarrassant.
En général, le bouc émissaire est le PS, et cette fois-ci ne fait pas exception à la règle.
Bertrand reproche au PS de ne pas avoir d’idées : cela n’a strictement rien à voir avec le problème !
Les propos de Mme Penchard sont scandaleux, et que l’on ait des idées ou pas, que l’on soit grand ou petit, que l’on soit noir ou blanc, ses propos sont toujours aussi scandaleux.
 
 
Je conseille à tous de lire "L’art de toujours avoir raison" d’Arthur Schopenhauer, vous y retrouverez toutes les petites combines rhétoriques et astuces de propagande de l’UMP, le tout dans un tout petit livre plus que centenaire...
 
 
 
 
 

Lire l'article complet, et les commentaires