L’Agence De Notation : Une Arme De Destruction Massive

par Philippe Sage
mercredi 18 janvier 2012

Bien sûr, on pourrait en rire. Imaginez ! Ils – mais qui sont-ce ? – voulaient « moraliser » le capitalisme, « réguler » le monde de la finance, et les voici accablés, acculés, sanctionnés pour mauvaise gestion par des agences de notation. Pan dans la gueule ! Effet boomerang…

Et voyez-les, désormais, déloqués, Gros-Jean comme devant. Se renvoyant la balle perdue. Grotesques, pathétiques. Pauvres pantins, pauvres Tartuffes.

Ah oui, c’que c’est drôle, en surface, je veux dire d’un point de vue strictement médiatique ; c’est Guignol tous les jours. Les uns accusant les autres, les autres vilipendant les uns. Et tout y passe. Les « années Mitterrand », les 35 heures, le sarkozysme et j’en passe ; tout est bon dans l’argument de cochon pour trouver le grand fautif de la dégradation...
Nous savions ô combien cette époque était celle de la médiocrité, nous découvrons, atterrés, que c’est bien pis encore…

Car bon sang de merde, qu’est-ce donc que ces agences de notation ? On nous dit : des thermomètres. Des médecins. Des légistes. Foutaises ! Ce sont, en réalité, les meilleurs alliés du système. Ce sont, en vérité, les gardiens du temple. Leurs culs, leurs chemises, appartiennent, corps sans âme, au néolibéralisme. Leur crédo, c’est le chiffre. Que nos dirigeants, ces courbés, suivent à la lettre. Mais pour les peuples, oubliez vos doléances, oubliez même jusqu’à votre existence. Nous sommes, nous le peuple, dans ce magma de chiffres, l’être anonyme.

Une agence de notation, en somme, c’est un gros, un énorme MEDEF planétaire. Ça y cause de croissance, de compétitivité, de désendettement, mais jamais ne se soucie de ceux qui, de la Chine à l’Argentine en passant par Gandrange, turbinent, sont sacrifiés pour des cacahuètes, pauvres variables d’un système qui, sur leurs dos et jusqu’à l’os, engrange... Il ne s’agit pas (plus) de travailler, vous comprenez, il s’agit d’être compétitif. Voilà le mot-clé. Et en son nom, tout sera fait, tout sera détricoté : acquis sociaux, droits du salarié, code du travail, etc.
Quant à la protection sociale ? Il conviendra de la réduire à zéro ! Ou proche de. Le minimum. Même pas syndical.
Dans ce monde-là, tout se paye. Au prix fort.

Ah, la belle revanche ! Le grand cocufiage ! Voyez-moi ça ! Ces agences de notation, si laxistes, gratifiant d’un AAA, et de concert, les Etats-Unis d’Amérique, y compris pendant la Grande Dépression (vous le croyez ça ?) ces complices avérées des subprimes, voilà qu’elles se rebiffent, et dégradent à tout-va !... La crise est passée par là, nous dit-on... Ben voyons ! Mais cette crise ne date pas d’hier, elle est structurelle ! Elle est dans l’ADN même du capitalisme depuis qu’il n’a plus de rivaux, depuis qu’il est devenu LE système unique et la pensée qui va avec.
Et quand bien même ! Depuis lustres, tous les Etats du monde vivent à crédit, et par milliards, au seul profit des financiers, des banquiers, des marchés, et d’un coup, comme ça, tiens donc ! Ce ne serait plus convenable. Ca n’irait plus. Faut désendetter, les mecs ! Sinon, on vous saque votre AAA. On vous donne du BBB. Et pire, si vous n’obtempérez point… De qui se moque-ton ? Pour quels cons finis nous prend-on ?



Mais dites-moi, cela n’aurait-il pas plutôt à voir avec ces petits chefs d’Etat, sans grande envergure au demeurant, qui, t’en souvient-il, se seraient mis en tête, et Martel avec, de « moraliser » ce merdier, « réguler » cette escroquerie grand format, en finir (prière de ne pas rire …) avec les paradis fiscaux. Sus à Monaco, aux Caïmans, tout en épargnant, vous en comprendrez fort aisément les raisons, nos « amis » du Luxembourg, de la Suisse et de la Belgique. Si accueillants avec nos fiertés nationales que sont les Aznavour, les Delon, les Prost et les Hallyday...

Vous voulez « moraliser », « réguler », « déparadiser » fiscalement ? Vous voulez jouer les purs, la Sainte-Nitouche, le gros dur ? Bref, foutre le boxon dans une affaire juteuse qui vous a permis de vivre à crédit pendant des décennies entières ? Eh bien, soit ! Mais nous allons commencer, si vous n’y voyez pas d’inconvénients, par nous préoccuper de ce crédit, justement, sur lequel jusqu’ici, nous n’avons pas été trop regardants.
Autrement dit, chers « moralisateurs » vous allez d’abord régler vos dettes et vos déficits abyssaux, et fissa, sinon, dégradation(s) et, par ricochets, taux d’intérêts velus de chez copieux.
Allez hop, au boulot !

Et qui se réjouit, s’en retrouvent tout ébaubis ? Mais les marchés, pardi ! Nos financiers ! Même pas mal la dégradation des USA. Pas plus que celles en chaîne s’abattant sur ce nain économique qu’est la zone euro ! Agences de notation, marchés et financiers, c’est du kif...
T’as voulu jouer au vertueux, on t’envoie la facture, et ce n’est qu’un début ! On va mettre tout le monde au pas. Soumis au même régime. Une seule règle : la nôtre ! Et plus une tête qui dépasse ! Compris ?

Or donc, c’est drôle, oui, mais en surface. Parce qu’en creusant, et pas longtemps, c’est d’une médiocrité sans nom, d’une bassesse rarement atteinte. On touche pas le fond, non ! On l’explose ! Avec ces Hollande, Bayrou, Villepin, Sarkozy et tutti, pauvres pantins, et cette baudruche de Le Pen, qui se renvoient pathétiquement la balle. S’accusant les uns, les autres. Mais jamais, ô grand jamais, se dressant contre cette saloperie, cette grande fumisterie ! Aucuns d’eux n’appellent à la résistance, seuls Mélenchon, Poutou, Arthaud !

Mais le tableau ne serait pas complet, sans les valets, ces êtres qui se prétendent journalistes et ne sont, en vérité, que des perroquets AFP, voix de leurs maîtres, ceusses du Siècle, chiens de garde du bipartisme, autres alliés objectifs, obséquieux du système, du AAA, de toutes ces fadaises. Les avez-vous entendus nous expliquer que peut-être, oh-là-là, cette perte du Triple A pourrait profiter aux candidats « anti-système » que sont – je cite – Mélenchon, Le Pen, Bayrou
Bayrou, un candidat « anti-système » ? C’est-y pas cocasse ? C’est-y pas, surtout, un énorme foutage de nous autres ? Bayrou n’est rien d’autre qu’une synthèse. Je prends à droite, je prends à gauche, « Acabi, Acaba, et voilà », votez pour moi ! Et tu le retrouveras ton AAA…
Bayrou n’est certes pas LE système, nonobstant, il en est une composante, elle est tristement centripète.

Mais revenons à nos laquais !... Non messieurs, cette dégradation ne bouleversera pas votre satané échiquier, au contraire ! Elle va le renforcer. Parce que le peuple français est un poltron, aussi un cocu consentant !... Ah mon dieu, on a paumé notre triple A ! Mais alors, si je vote Mélenchon, on va en perdre combien d’autres, de A ?... Voilà ce qu’il pense, le quidam. Il ne voit pas plus loin que le bout de son tarbouif. Il rentre la tête, et le reste, alouette !... Il pète de trouille, le Français. Y’a qu’à voir, tout ce qu’il a gobé jusqu’ici. Du musulman qui le coloniserait aux Roms qui le dépouilleraient... Le tout-sécuritaire, il en redemande, tellement il est pétrifié... C’est un petit bourgeois qui s’ignore, l'électeur français. Un bobo en gestation. S'indignant devant sa p'tite télé... Il a que la gueule, le Français. Il est Lepénisé jusqu’au trognon. Ne sachant même plus faire la différence entre des torchons et des serviettes. Il aura même pensé – c’est dire ! – que DSK pouvait le tirer de son inconfort relatif. 

Et voilà pourquoi, tout bien pesé, exposé ci-dessus, l’agence de notation est une arme de destruction massive. Elle vient finir le boulot. Anéantir toute résistance. Toute révolte... Ah c’est une œuvre d’art, j’en conviens ! Tant elle laisse croire qu’il n’y a pas d’autre issue possible.
Tu votes pour le système, ceux qui le défendent, or donc, Sarkozy/Hollande/Bayrou, sinon il va t’en cuire ! Tu connaîtras le même sort que les Espagnols, les Portugais, ou pis encore : les Grecs ! Imparable, non ?

Ce qu’ils ne disent pas, c’est que le choix Sarkozy/Hollande/Bayrou, c’est : adieu la protection sociale, bye-bye tes acquis chèrement conquis, terminés les droits du salarié. La seule différence entre ces trois-là (dont un qui est clairement devenu, en quelques mois, un social-traître), c’est le temps que ça prendra... Bref, en une question comme en cent : préfères-tu te faire mettre rapidement ou lentement ? Voilà l’histoire…
Bien sûr – j’allais oublier – tu peux, aussi, faire le choix de Marine Le Pen. Avec dans l’idée, que ça provoquerait une sorte de « chaos », un électrochoc salutaire. Mais depuis quand, dis-moi, un suicide collectif est de nature à émouvoir un financier ?

Procédant par élimination, il ne reste donc plus, dans ce naufrage, que trois possibilités : Mélenchon, Poutou, Arthaud. Et puisqu’ils nous assomment avec leur « vote utile », cette autre fumisterie, eh bien appliquons-le, mais à leurs dépens, en favorisant, de ces trois-là, le mieux placé : Mélenchon. Et avec lui, résistons. Aux agences de notation, aux banquiers, aux marchés, préférons le peuple. Dussions-nous chèrement le payer.
Mais qu’est-ce qu’un prix à payer quand il s’agit de recouvrer sa dignité ?


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