L’Agriculture future : Ce qu’on sait et ce qu’on doit encore savoir - LOME Concept : Légumineuses, Oléagineux, MEthanisation

par Triboi Eugeniu
samedi 27 mars 2021

La France un pays parmi les plus développés prête à faire face à la 3ème révolution "industrielle", la numérisation, et aussi le plus grand pays agricole d'Europe, voit un paysan se suicider tous les 2 jours, malgré la croissance fulgurante de la productivité en agriculture qui a été multipliée par 5. Cependant sa contribution au PIB diminue continuellement, étant d'environ 1.6%. Dans le temps c’etait l’agriculture qui a contribué au développement même industriel du pays. Ce n’est plus le cas et l'agriculture aujourd’hui est considérée comme "monnaie d'échange ou d'ajustement" pour pouvoir développer les nouvelles technologies désormais prioritaires. Donc la question essentielle est : que faire pour qu’elle redevienne une activité prioritaire dans le pays, donc qu’elle réponde aux défis majeurs de la société actuelle et future, la croissance (productivité), l’environnement et l’énergie  ?

L'AGRICULTURE FUTURE : Ce qu’on sait et ce qu’on doit encore savoir

LOME Concept : Légumineuses, Oléagineux, MEthanisation.

E Triboi, triboi63@gmail.com, Tel.04 73 70 20 56

 

A. Diagnostic sur la crise de l'agriculture en Europe,

 Le 20 - 30 novembre 2019 a eu lieu à Balti en Moldavie, à l'est de la Roumanie donc de l'Europe, une Conférence internationale scientifique ayant comme sujet "Vers une agriculture durable. Que manque-t-il ? Qu’est-ce qu'on doit encore savoir

 (International Scientific Conference, "Towards Sustainable Agriculture - What's missing ? What do we still need to know ?" ). Une centaine de participants depuis les Etats - Unis et Canada, l'Europe, l'Ukraine, la Russie jusqu'au anciennes républiques indépendantes de l'Union soviétique de l'Asie Centrale (Kazakhstan, Ouzbequistan, Turkménistan...) ont échangé leur savoirs et réflexions sur l'agriculture future.

 Dans l'Europe Occidentale et dans l'Amérique, après une croissance fulgurante de la productivité agricole, multiplication par 5 des rendements, on est arrivé à un plafonnement et même à une crise de l’agriculture. Ainsi dans la France un pays parmi les plus développés prête à faire face à la 3ème révolution "industrielle", la numérisation, et aussi le plus grand pays agricole de l'Europe, un paysan se suicidé tout les 2 jours.

 A l'Est, l'agriculture reste encore une activité économique principale même si elle est loin d'atteindre son potentiel car la destruction de "l'esprit paysan" et son remplacement par une dictature étatique, a empêché son développement. Cependant, même "sous-développés" les grandes surfaces de l'est constituent "un grainier" important à l'échelle planétaire. Ainsi en 2018 l'exportation de blé (en millions de dollars) des 3 majeurs producteurs de l'Est, l'Ukraine, Russie et Kazakhstan, (12365), dépasse celle des Etats -Unie et Canada (11200). Quand à l'Europe, la France et l'Allemagne avec 4100 et 1200 respectivement, ont du mal a résister à la concurrence des blés de l'Est étant donné que les standards économiques et sociaux dont dépende le coût de production sont très différents.

Soulignons aussi que cette situation n'est pas induite par un manque de la "disponibilité" car la production mondiale totale pendant les derniers 10 ans a augmenté de 95 millions de tonnes qui compense la hausse de la demande évaluée à 100 millions de tonnes. Mais, la libération du commerce international, notamment l'accord d'association de 2014 entre l'UE et l'Ukraine qui prévoyait une diminution des droits de douanes, a augmenté les exportations des produits agroalimentaires d'Ukraine vers l'Europe, notamment des céréales, et ainsi à induit une concurrence directe aux producteurs français car le prix de production à l'est est de 10 à 20% moins cher. En plus les contraintes environnementales sont différents, comme par exemple certaines produits phytosanitaire interdits en France sont autorisés à l'est, comme l'atrazine qui d'ailleurs est importé depuis la France, et des nombreux autres produits phytopharmaceutiques originaire de Chine dont 15 à 20% sont contrefaits ! De même à l'extérieur cette concurrence accrue a provoqué une diminution par 2 des exportations de la France vers ses zones traditionnellement acquises de l'Afrique du Nord et du Moyen Orient. En revanche, c'est le contraire pour le maïs dont l'importation est évaluée comme bénéfique par les éleveurs et par les transformateurs car l'UE est déficitaire. Ca nous amène aussi à mettre en cause les traités de libres échanges avec le Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay) et le CETA (avec le Canada) qui cette fois-ci ferait disparaitre 30000 éleveurs ! Ces effets "collatéraux" imposent donc aux agriculteurs et aux filières une capacité d'adaptation rapide.

 Donc, la réflexion "vers une agriculture durable" ne devrait pas se contenter seulement au mode de production mais aussi à la valorisation de la production agricole dans un contexte international concurrentiel renforcé. Cependant la priorité devrait rester nationale. Si le blé "ça eut payée" alors produisons quelque chose que le pays a besoin, comme l'énergie !

Il, résulte donc que la crise de l'agriculture a un triple visage, celui

Pour sortir de la crise différents moyens et aides ont étaient accordés mais sans une efficacité durable sur le mode de production dit "conventionnel ou intensif "qui à priori ne correspond plus à la société future.

 

B. Missions et la place de l’agriculture dans le développement durable de la société.

 Paul Romer et William Nordhau, les prix Nobel pour l'économie 2018, dans leurs travaux ont mis en évidence un conditionnement multiple de tout développement futur d'une société. Hormis le besoin des capitaux et des connaissances le développement futur nécessite un surplus d'énergie et la prise en compte des effets sur l'environnement et les ressources. Dans le contexte d'un futur changement climatique, la priorité est accordée à l'énergie renouvelable.

Il résulte donc que le développement futur serait conditionné par 3 défis majeurs :

 L'Europe d'aujourd'hui n'est pas un continent homogène car les pays qui la composent ont eu des trajectoires de développement différent.

Au 15ème siècle Constantinople tombe mais il réussi à transmettre à l'Ouest ses savoirs. C'est l'origine de la Renaissance qui en suite a conduit aux 2 révolutions industrielles du 18 et 19 siècle. Ceci a produit un développement économique rapide, d'abord basé sur l'agriculture et ensuite sur l'industrie.

A l'est, la domination ottomane a empêché cette évolution, il n'y a pas eu une Renaissance, donc non plus du développement industriel. En conséquence l'agriculture est restée la principale activité à la base du développement économique.

Ceci explique le fait qu'aujourd'hui le PIB des pays à l'Ouest de l'Europe est 30 - 40.000 euros dont l'apport de l'agriculture est environ 1% (France 1.6%, Allemagne 0.7%) tandis qu'à l'est il est autour de 20.000 euros dont plus de 3% proviennent de l'agriculture (Roumanie 4.3%, Moldavie 10.3), malgré la croissance fulgurante de la productivité en agriculture, qui a été multipliée par 5.

Ainsi l'agriculture n'est pas un secteur important conditionnant le développement futur, qui actuellement rentre dans une nouvelle révolution, les hautes technologies, tel le numérique, la robotique, l’intelligence artificielle, etc. Il résulte que la croissance future de PIB nécessite des capitaux et des connaissances que l'agriculture ne pourrait pas fournir. Dans ces conditions souvent l'agriculture est considérée comme "monnaie d'échange ou d'ajustement" pour pouvoir développer les nouvelles technologies désormais prioritaires.

L'agriculture peut répondre à ce défi, non seulement en éliminant ses effets négatifs sur l'environnement, mais aussi étant responsable de sa gestion. Produire tout en préservant et améliorant l'environnement voilà une mission prioritaire pour l'agriculture et pour la société.

 Ainsi la bio-économie avec sa branche bioénergie est devenue un secteur d'avenir.

 

C. Agriculture, Biomasse et Bio-économie

 L'agriculture a un rôle essentiel dans la production et d'utilisation de la biomasse végétale car c'est la seule activité capable de capter et stocker l'énergie solaire sous forme de biomasse. Récemment une première évaluation de la biomasse produite et consommée en l'UE28 vienne d'être réalisée (Camia A. et al, 2018). L'étude met en évidence que : "l'agriculture occupe la moitié du territoire de l'Union européenne. Bien qu'il n'occupe que 4,5% de la population active de l'UE-28, il fournit à l'économie européenne une diversité de produits et services essentiels tels que l'alimentation humaine, animale, matérielle et énergétique."

 Globalement, l'agriculture produit 956 Mt de matière sèche et la sylviculture 510Mt. Dans l’agriculture 54% de la biomasse est destinée à alimentation humaine et animale et 46% correspond à des résidus des cultures dont environ un quart sont collectés. La production de bioénergie élargis la sphère d'utilisation de la biomasse car même les résidus de culture pourront être utilisés comme source de C-renouvelable.

Les céréales (156 Mt, 30%), les plantes récoltées en vert (156 Mt, 30%), les plantes à sucre & amidon (40Mt, 7.8%) et les oléagineux (27 Mt, 5.1%) sont les principales cultures. Je note que la production de biomasse de luzerne, source protéique pour l'élevage, n'est que de 12 Mt et que 119 Mt de biomasse sont pâturées dans les pâturages et les prairies. Les cultures énergétique avec 0.19 Mt ne représentent que 0.04% de la biomasse totale..

La biomasse agricole est principalement utilisée comme aliment pour l'homme et en alimentation animale (environ 75% en équivalent biomasse végétale) et environ 12% est exportée.

En plus de la production propre, environ 121 Mt d'équivalents biomasse végétale sont importés, 60% sous forme de produits alimentaires, 30% sous forme de produits végétaux (non manufacturés) et le reste sous forme de produits biosourcés (environ 10% ).

Ainsi l'approvisionnement de l'UE en biomasse est principalement composé de glucides (sucre et amidon) et de cellulose provenant des céréales, des cultures fourragères et de la biomasse pâturée, tandis qu'on importe 37% des glucides et 34% lipides avec les oléagineux principalement.

La France et l'Allemagne sont les principaux producteurs et exportateurs de biomasse. En France l'alimentation animale est basée principalement sur les prairies temporaires alors qu'en Allemagne le maïs prédomine à 80%. Contrairement à la France, l'Allemagne importe une grande partie de sa biomasse sous forme de produits d'origine animale. Ainsi, en équivalent végétal la France exporte de la biomasse tandis que l'Allemagne est un net importateur.

 En France la stratégie nationale de mobilisation de la biomasse (SNMB) découle de la "Loi sur la transition énergétique" du 2015 (LTECV), applicable du 16 mars 2018. Elle est interministérielle et transversale forte étant donné qu'elle a été co-élaborée sous l'égide des ministères chargés de l'agriculture, de la forêt, de l’environnement, de l’énergie, de la mer, de la construction et de l’industrie. Elle participe à la volonté de développer une économie décarbonnée, non dépendante des énergies fossiles, plus circulaire et plus soutenable.

 Les objectifs nationaux de mobilisation de biomasse sont qualitatifs et quantitatifs. Pour cela elle identifie et promeut les bioénergies et précise la participation de chaque région aux objectifs nationaux de l'offre et de la demande en biomasse-énergie. En élaborant des schémas régionaux biomasse elle vise la complémentarité avec d’autres actions (changement climatique, économie circulaire, déchets, biodiversité, transition écologique vers un développement durable, ...) pour atteindre les objectifs énergétiques. Elle identifie et mobilise les ressources de biomasse disponibles pour la production d'énergie et assure l'approvisionnement des installations de production.

 

D. L'énergie en France

 La France a tout, sauf du pétrole ! Or aujourd'hui "le pétrole" est devenu indispensable pour le développement économique. En 2017, pour satisfaire les besoins en énergie la France a dépensé 153,5 Md€ ce qui représente 2% de sa valeur ajoutée. Mais, la plus grande partie d'énergie étant importé le déficit commercial du secteur est devenu important, depuis 45 Md€ en 2018 à plus de 70 Md€ en 2013, selon le prix du pétrole. Au niveau des ménages la dépense énergétique représente 1519 € pour son logement, dont un peu moins d’un tiers de taxes, et 1386 € en carburants, dont 59% de taxes.

 Pour ne pas être "esclave" à ceux qui possèdent "du pétrole" il a fallu inventer. Euréka ! C'est l'énergie nucléaire qui nous a permit d'exister. D'après le Commissariat général de développement durable, "depuis 1990, les consommations de charbon et de pétrole ont reculé respectivement de 54 % et 17 %. À l’inverse, celle de nucléaire a augmenté de près d’un tiers, celle de gaz de 44 %". Il résulte aussi que cette dépendance énergétique du pétrole et du gaz importés justifie pleinement le développement des énergies renouvelable (EnR), objectif majeur pour l'Europe et pour la France. En France leur développement initial d'environ 15Mtep de production primaire représentant moins de 7% du total, a été basé principalement sur deux sources, le bois - énergie et l'hydraulique. Seulement après 2005 d'autres sources ont été développées (biocarburants, pompes à chaleur, éoliennes, photovoltaïque, biogaz..) atteignant ainsi près de 11% de la production primaire d'énergie..

En 2018 le mix énergétique était composé de 41 % énergie nucléaire, 29 % de pétrole, 15 % de gaz naturel, 11 % d’énergies renouvelables (EnR) et déchets et 4 % de charbon. Le bois-énergie utilisé principalement pour le chauffage, représente la première source d’énergie renouvelable.

 Les principaux consommateurs d'énergie sont le résidentiel-tertiaire (46 %) et les transports (32 %). L’industrie ne représente que 19 % et l’agriculture seulement 3 %. C'est le transport et l'agriculture qui sont les secteurs les plus dépendants des produits pétroliers : 91 et 74% respectivement.

 Concernant l'électricité notons une croissance rapide de la production dans la période 1980 - 2000, depuis environ 200 à 500 TWh pour se stabiliser ensuite vers 550 TWh (557 en 2018) dont environ 70% (393 TWH en 2018) provienne de l'énergie nucléaire. Notons que la transformation de la ressource d'énergie nucléaire (107.6 Mtep) en électricité conduit à une perte de 95 Mtep d'énergie principalement par la chaleur. Le restant de 158 Mtep représente la consommation finale dont 144 Mtep à usage énergétique, 137.4 d'électricité et 14 non-énergétique majoritairement du pétrole.

Le restant électrique ( 40 Mtep) est assurée par la filière thermique classique, surtout au gaz, qui sert aussi à ajuster l'offre à la demande. Soulignons qu'en 2018 la dernière grande unité de production d’électricité au fioul de Cordemais a cessé de produire.

 Quant aux énergies renouvelables leur production brute d'électricité est 93 TWh dont 54% l'hydraulique, 27% l'éolien, 10% photovoltaïque, 3.6% biomasse solide, 2.4% déchets renouvelables, 2.3% le biogaz et 0.6 l'énergie marémotrice. Notons qu'après des pertes, seulement 25.9 Mtep sont offertes à la consommation primaire. D'autres 2.3 Mtep de la production primaire brute sont utilisés en interne (pertes, ajustement ..) et que seulement 23.5 Mtep sont finalement utilisés dont 7.1 Mtep comme électricité. 

Ainsi la situation de la France est paradoxale : elle émet peu de CO2 parce qu’elle n’a pas de centrales à charbon et se repose sur le nucléaire, 41% d'électricité brute, mais elle est très en retard sur les énergies renouvelables, qui stagnent en dessous de 20% du mix énergétique, soit deux fois moins qu’en Allemagne. Quant à l’éolien en mer, qui se développe désormais un peu partout, la France en est toujours au point zéro, malgré son immense façade maritime.

 En 2017 la production primaire d'EnR a atteint 25.9Mtep, ou 10.2% de la consommation totale de l'énergie primaire (251.4Mtp). Elle étais la 4ème source après le nucléaire (40.0%),le pétrole (28.9%) et le gaz (15.7). Le bois énergie avec 39.6% est la 1ère source de EnR, suivi par l'hydraulique (16.7%) et les biocarburants (10.2%). L'électricité renouvelable (7.1Mtep) provienne d'un total de 7.3 Mtep énergie primaire produite par hydraulique (4.3), l'éolien (2.1) et le photovoltaïque (0.8).

A partir du bois, pompe à chaleur et des déchets on produit 13.0 Mtep d'énergie finale thermique. En fin le biocarburants atteint 3.3Mtep.

Pour lé développement des EnR, 6,74Md€ on été investi en 2016 principalement en pompe à chaleur (27%), éolien terrestre (26%) et bois - énergie (18%). EDF a investi 4.6 Md€ dans la production d'électricité renouvelable principalement en photovoltaïque (61%) et éolien (25%). En plus, 33 M€ ont été alloués à l'injection du biométhane. Autres 126 M€ représentant 13% de la dépense publique totale de la recherche & développement sur l'énergie, ont étés investi dans des programmes R&D principalement dans le solaire (43%) et la biomasse, essentiellement les biocarburants (41%).

Finalement c'est l'éolien, les biocarburants et la biomasse solide qui seront capable d'atteindre les objectifs fixés pour 2020. Notons que le photovoltaïque et les pompes à chaleur ont largement dépassé (> 20%) les prévisions pour 2017 alors que l’éolien, le solaire thermique, la géothermie, la biomasse solide et le biogaz présentent des retards importants du -20 à -1307 ktep. Le retard de l’éolien est principalement imputable à l’éolien en mer.

 En juin 2018, la Commission, le Conseil et le Parlement de l'Europe sont parvenus à un accord pour fixer l'objectif de 32% de renouvelables dans la consommation finale brute en 2030, ainsi qu'un objectif de 14% d'énergies renouvelables dans les transports en 2030. Les agrocarburants de première génération seront gelés au niveau de leur production de 2020 et ne doivent en aucun cas dépasser 7% de la consommation finale du transport. Ceux à base d'huile de palme devront disparaître d'ici 2030, et pour commencer, leurs importations seront gelées au niveau atteint en 2019. La part des biocarburants avancés et du biogaz doit être d'au moins 1% en 2025 et d'au moins 3,5% en 2030. Ces objectifs ont été traduits par la directive 2018/ du 21 décembre 2018.

 Les biocarburants, la troisième source renouvelable derrière la biomasse solide et l’hydraulique, représentent 10,1% de la production primaire d’énergies et 3335 ktep d'EnR finale, dont 84% de biodiesel et 16% de bioéthanol. La taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) et le prix du pétrole ont incité leur développement à partir de 2009. L’incorporation de biocarburants dits conventionnels (élaborés à partir d’une matière première en concurrence avec l’alimentaire) est plafonnée à 7% de l’énergie contenue dans les carburants.

Pour la filière gazole en 2018 la matière première était le colza 53%, la palme 22%, le soja 14% et le tournesol 2.8%. Cependant la France avec un solde importateur de 425M€, est globalement importatrice d’esters méthyliques d’huiles végétales (EMHV), qui représentent 84 % de la consommation française de biodiesel (et 70 % de celle de biocarburants).

Dans la filière essence en 2018 on a incorporé 1084 ML biocarburants principalement de l'éthanol (57%) et d'éther éthyle tertio butyle (ETBE, 35%). Ils étaient produits à partir du blé (32%), maïs 29%) et betterave (25%) d'origine à 92% la France et du palme (8%). Dans les échanges internationaux la France est globalement importatrice d'ETBE avec un solde de 170 ML.

 En ce qui concerne le biogaz la progression a été relativement lente, d'environ 300 ktep sur les derniers 5 ans. mais avec une accélération de 27% entre 2016 et 2017. Les puissances installées annuellement ont variées entre 30 et 50 MW. En 2018, plus de 60% des installations avaient une puissance inferieure à 0.5MW et représentés moins de 20% de la puissance totale. En revanche les installations d'au moins 1 MW n'était qu'environ 20% et représentaient presque 70% de la puissance totale. L'injection après l'épuration sur forme de biomethane contribuera certainement à augmenter l'efficacité de la méthanisation par la récupération de la chaleur dégagée par la cogénération. En 2018, 713 GWh ont étaient injectés dans le réseau de gaz publique. et fin 2018, 76 installations d’une capacité totale de 1218 GWh/an étaient en service et 661 projets d’une capacité de près de 14 TWh/an, sont en cours de réalisation. Les petites installations, produisant moins de 15 GWh/an, représentent 60 % en nombre et environ 40 % de la capacité d’injection totale.

 Pour le développement des EnR, hormis l'investissement des acteurs industriels (EDF, ..), en 2017 le secteur "recherche et développement (R&D) publique" a consacré 126 M€ ou 13% de la dépense publique totale principalement pour le solaire (43%, 55M€) et la biomasse (41%, 52 M€). C'est la filière biocarburants qui a été privilégié au détriment du biogaz. Pour ce raison les biocarburants avait déjà réalisé 91% des objectifs fixés pour 2020 tandis que le biogaz électricité ou chaleur se trouve à 57 et 60% respectivement.

Soulignons aussi que dans le passé, 90% de l'augmentation de 10,2Mtep de la consommation finale brute d’énergies renouvelables entre 2005 et 2017 est du à 4 filières : biocarburants, la biomasse solide, les pompes à chaleur et l’éolien. Le biogaz ne représentait que 1.4 et 2,8% pour l'électricité et la chaleur respectivement. Cependant ce faible développement correspondent à 76% et 88% de l'objectif 2017, ce qui démontre que cette filière n'a pas été prioritaire au niveau national. Si on compare avec les objectifs d'électricité et chaleur prévus en 2023 (71480 à 78243 MW puissance) la méthanisation représente moins de 0.4% alors que le trio l'hydraulique, l'éolien et le photovoltaïque dépasse 90.

 Le biogaz produit suite à la méthanisation contient 50 à 60% du méthane (CH4) et d'autres gaz, surtout du CO2. Aujourd'hui il peut être épuré pour obtenir de bio-méthane qui contient plus de 98% du méthane et donc peut être injecté dans le circuit du gaz de ville. Le raccordement au réseau est en grande partie subventionné par l'EDF. C'est la voie d'utilisation et de stockage la plus efficace. En 2018 environ 713GWh de bio-méthane ont été injecté dans le réseau publique de gaz naturel.

 Concernant l'agriculture, l'étude "Prospective Agriculture Energie 2030" (Vert J et Portet F) démontre qu'indifférent de type d'agriculture (intensive, multifonctionnelle, biologique, écologique, ...) l'énergie directe (carburants, électricité, ...) et indirecte (engrais, ...) représente la dépense majeure en agriculture. Etant essentiellement d'origine fossile importée elle est un facteur majeur conduisant à l'externalisation de l'agriculture, à sa vulnérabilité et à son futur développement. Ainsi l'autonomie énergétique est un objectif majeur pour une agriculture durable. Il est réalisable en utilisant la biomasse agricole comme source d'énergie renouvelable. Cependant l'agriculture consomme moins de 5% de l'énergie totale donc son autonomie aurait un faible impact sur l'autonomie énergétique du pays. En revanche en utilisant une partie de la biomasse pour produire de l'énergie elle pourrait apporter une contribution importante à l'autonomie du pays et ainsi devenir une activité prioritaire. Il s'agit donc d'une nouvelle agriculture ou la "Bioénergie" devine une activité agricole. Soulignons aussi que la production de biomasse stocke plus d'énergie renouvelable qu'elle consomme pour sa synthèse. Ainsi nous avons intérêt à augmenter la productivité agricole car la biomasse a de multiples utilisations : alimentation humaine et animale, énergie, chimie verte.."

"Elle recèle toute la richesse moléculaire nécessaire à l’industrie pour développer de nouveaux intermédiaires et produits finis en complément ou en substitution de ceux aujourd’hui issus des ressources fossiles... Elle est donc une des solutions phares pour soutenir le développement d'une économie décarbonée. (http://www.ifpenergiesnouvelles.fr)

 

E. Les bases historiques, techniques et scientifiques du changement

 En France, parmi les nombreux actes de modernisation de l'agriculture réalises dans le passé, celui du Maréchal Bugeaud (1784-1849) mérite d'être mentionné. Bugeaud, ou « le soldat ouvrier », a remplacé les jachères non cultivées par des cultures de légumineuses, en particulier le trèfle, car il considérait que « la pauvreté des paysans vient de la généralisation des jachères ». Il entreprend ainsi une modernisation de la rotation des cultures, introduit l'élevage, car « un pays sans bétail est un pays pauvre », et crée une ferme expérimentale pour, entre autres, la fabrication d'engrais organique. D'ailleurs jusqu'au la synthèse de l'ammoniaque (début du 20ème siècle) et la fabrication des engrais minéraux surtout après la 1ère guerre mondiale, le principal engrais utilisé en agriculture était le fumier de ferme, voir le guano importé du Pérou et du Chili. Le XIXe siècle est aussi la période durant laquelle des essais à long terme ont été mis en place pour étudier les engrais minéraux et organiques, l'évolution des sols, comme les expériences de Rothamsted (1852) et Grignon (1875).

La présence des engrais azotés très bon marchand associée à la mécanisation et au progrès génétique a radicalement changé l'agriculture.

 Tout d'abord l'intensification a été réalisée en grand partie grâce à des connaissances issues des approches mono-factorielles, comme les recherche sur la fertilisation des cultures. La première approche c'était l'expérimentation au champ avec des doses et de combinaison différentes des éléments nutritifs, éventuellement dans différents rotations. De telles expérimentations existent encore pour mettre en évidence les effets à longues termes.

Cependant, les doses dits "optimum économique" ont été souvent dépassées car l'énergie étant très bonne marché le prix de l'azote n'incitait pas à des économies et au contraire on utilisait des surfertilisations en espérant à un potentiel climatique favorable. Donc le devenir de l'azote apporté comme engrais est devenu un objectif majeur dans la recherche agronomique.

 C'est la raison de la mise en place des dispositifs expérimentaux comme les cases lysimétriques pour évaluer les flux des éléments dans des différents systèmes de culture dont une synthèse a été publié en en 1969. (Trente ans de lysimétrie en France (1960-1990)", Collection "Un point sur ...", Edition INRA, Comifer, Paris)

Avec L Gachon, nous avons été parmi les premiers à mesurer l'effet des systèmes de culture et à proposer des règles de conduite. En comparant 3 systèmes de culture (CA : cultures annuelles, PT : prairie temporaire + cultures annuelles, PP : prairie permanente) à différents niveaux de potentiel productif différentié par la profondeur du sol (réserve en eau) et par l'irrigation, nous avons mis en évidence des pertes d'azote importantes dans les systèmes CA et PT, directement proportionnelles au bilan apport – export, et essentiellement dans la période sans culture. Par contre, sous prairies, même en apport excédentaire d'azote, les pertes sont négligeables, à l'exception des sols très minces d'épaisseur de 20cm. Notons aussi que ces pertes importantes d'anions, nitrate d'une part et chlorure (origine engrais) d'autre part, augmentent les pertes des autres minéraux, notamment du Ca et Mg, qui peut conduire à une dégradation de la fertilité du sol dont la baisse du pH est un premier indicateur. Ceci explique la baisse du pH enregistrée dans des essais de longue duré en présence d'un drainage et des anions (HCO3-, NO3, Cl-) indifférent de leur origine et même la pédogénèse. Dans ces conditions, la durabilité passe par le devenir des anions !

 En utilisant des engrais marqués, nous avons précédemment vu que l'azote apporté comme engrais contribue non seulement à l'entretien continuel d'un pool organique générateur à son tour d'azote minéral, mais il augmente aussi les pertes naturelles par lixiviation et ainsi, à long terme sa contribution à l'azote perdu par lessivage pourrait devenir importante, malgré les faibles quantités lessivées annuellement. En utilisant un engrais azoté marqué par l'isotope 15N nous avons comparé le devenir de l'azote pendant 12 ans dans les deux systèmes de culture, CA et PT. Ainsi nous avons pu calculer un temps de résidence de l'azote dans le sol de 43 ± 5ans, ce qui nous conduit à augmenter avec le temps d'une part le coefficient réel d'utilisation de l'azote apporté (CUR cumulé), depuis environ 40% à 80% en 20 ans, mais aussi sa contribution au lessivage vers 20% ! Dans ces conditions avec un drainage hivernal annuel, gérer l'azote (et les autres anions) en absence d'une couverture végétale n'est pas évident ! Dans ce cas il s'agirait de minimiser les pertes, qui se produisent même en absence de tout apport d'engrais azoté !

 Citons aussi la meta-analyse de 217 essais au champ dans lesquels l'azote de l'engrais était marqué par l'isotope 15N montre clairement que la quantité d'azote retrouvé dans les plantes et dans le sol augmente seulement de 3 à 31% quand N et C ne sont pas couplés, tandis que dans le management complexe où N et C sont couplés on augment la quantité retrouvé à 30 et 42 % (Gardner JB et Drinkwater LD, (2009)

Ainsi c'est les approches complexes qui seront le plus efficaces pour la mise en place d'une nouvelle agriculture. Elles seront une synthèse de l'agro écologie et de la bio-économie.

 

F. Le chemin vers la future agriculture.

 Une 1ère approche vise le remplacement les engrais azotés de synthèse qui nécessitent pour leur synthèse deux à trois plus d'énergie fossile (1.8 tep/t N) que l'azote symbiotique et en plus dégagent 5.3 kg équivalente CO2/kgN, par de l'azote fixé par les légumineuses. Ainsi les recherches ont portés sur la comparaison des systèmes de culture conventionnels, intensifs, et sans légumineuse, aux systèmes de culture comportant des légumineuses en culture principale et/ou en interculture.

Ces recherches mettent en évidence la supériorité écologique, énergétique et même pour la sécurité alimentaire des systèmes de culture avec des légumineuses (L. Gachon, 1973, T.E. Crews, M.B. Peoples, 2004, C. Tonitto et al. 2006, E.S Jensen et all. 2012, B Boincean et al, 2014)

En présence des légumineuses la quantité d'azote minéral utilisé comme engrais diminue car les légumineuses ne sont pas fertilisées d'une part et en plus enrichissent le sol en azote utilisable par les cultures suivantes. Cependant cet effet rémanent n'assure pas une autonomie totale en azote mais il diminue la quantité d'azote minéral utilisé dans l'assolement.

 Par exemple l'essai de très longue durée (30 ans) effectué à la Station de recherche agronomique INRA de Clermont Ferrand (France, L Gachon 1973) dans lequel nous avons comparé un système de culture classique, sans légumineuse en culture principale, avec un system comportant 20% d'une légumineuse-luzerne. (E Triboi, AM Triboi-Blondel, 2014)

Dans cette expérimentation une luzerne pendant 2 ans contienne environ 700 Kg d'azote dans la biomasse aérienne. En plus dans les 4 cultures successives à la luzerne on retrouve encore 200kgN provenant de luzerne : 83, 47, 48, et 25 kgN respectivement pour les années 1 à 4. Si le coefficient d'utilisation du pool qui fournit cet azote est de 50%, alors ce pool contienne 400 kgN. En plus l'introduction d'une culture intermédiaire de vesce après un blé, apporte encore 50 à 100 Kg N selon le climat par la biomasse aérienne enfouie au sol. Ainsi ces deux sources d'azote contribueront à diminuer les dosse d'engrais minéral apporté chez les non-légumineuses .

 Une 2ème approche vise a remplacer totalement l'azote minéral par l'azote symbiotique en utilisant en plus de l'effet rémanent la biomasse de luzerne comme engrais. Dans notre expérimentation l'apport des légumineuses dépasserai 1300 kgN /ha dont 600 seront utilisés par les cultures successive et 700 sont contenue dans la biomasse aérienne. Dans ce cas, la biomasse de luzerne produite sur 20% de la surface contenant 13780 kg N est utilisée comme engrais organique sur le restant de 80ha de la surface ce qui corresponde à un apport de 172 KgN/ha. Ce système nous l'avons vérifié dans un 2ème essai dans lequel la biomasse de la luzerne a été utilisée comme engrais. De même ARVALIS – Institut du Végétal en 2012 et 2013 s’est penché sur ses travaux dans l’optique d’approfondir la piste d’utilisation de la luzerne comme engrais dans le contexte de production céréalière biologique du bassin parisien. (https://www.arvalis-infos.fr/valoriser-la-luzerne-comme-engrais-de-ferme-@/view-12345-arvarticle.html). L'ensemble de ces essais nous a montré que la réalisation d'une autonomie en azote n'est pas une utopie mais en perdant le revenu de par la non-vente de la biomasse de luzerne elle n'est pas économiquement rentable.

 Une 3ème approche consiste dans la création d'un agro-écosystème combinant la production de l'énergie (Bio-économie) à la production des aliments, en réservant une certaine surface pour les cultures énergétiques. Si l'énergie est produite dans des installations industrielles au niveau national à partir de la biomasse produite en agriculture, comme c'est le cas des biocarburants, alors l'impact sur l'évolution des systèmes de culture est faible car cette biomasse est produite dans des systèmes de culture intensifs et soumise à la concurrence internationale. En revanche si l'énergie produite est utilisée localement au niveau de l'exploitation agricole, alors elle doit être considérée comme activité agricole. Par exemple avec des oléagineux on peut aussi produire des huiles végétale pure et les utilisés comme carburant sans passer par des installations industrielles complexe. Les tourteaux résultant seront utilisés par exemple dans la nutrition des animaux de ferme. Cependant, étant donné que l'agriculture n'est pas un "gros" consommateur d'énergie, l'impact sur l'autonomie du pays est relativement faible.

 Une 4ème approche, c'est l'agro-écosystème expérimenté par J Porter dans lequel 10 % de la surface est réservée pour la production de bois - énergie consommé à la ferme avec des espèce légumineuses et non-légumineuses récoltés tous les 5 ans ( Porter et all (AMBIO A Journal of the Human Environment 38(4):186-93 · July 2009). Le restant de 90% est partagé entre les céréales et une prairie avec légumineuses. Dans ce nouveau système hormis les produits classiques commercialisables comme la biomasse (céréale, herbe, bois) il y a des services écosystémiques (SE) comprenant les effets "environnementaux" positifs ou négatifs, non pris en compte actuellement dans la valeur des produits commercialisés. C'est le cas de l'effet sur les maladies et les ravageurs, sur les vers de terres, sur la pollinisation, le cycle de l'azote et du carbone (minéralisation, stockage, etc), pollution des nappes et de l'air et même sur le paysage. Leur quantification apporteraient une plus value importante au système égale à 81, 48 et 48% de la plus value globale (commercialisable + non commercialisable) respectivement pour la prairie, les céréales et le bois énergie. Extrapolé au niveau européen, la valeur non marchands du système dépasserait les subventions agricoles actuelles de l’Europe .

Cependant les SE ne sont pas prise en compte dans la société humaine actuelle basée sur la relation instantanée entre l'offre et la demande dans un cadre mondialisé. Les difficultés rencontrées pour l'instauration d'une "taxe Carbone" sont un exemple.

 une 5ème approche prend en considération que la méthanisation de la matière organique a été déclarée activité agricole et donc peut-être intégrer dans un système de production. C'est le concept LOME, Légumineuses, Oléagineux et la thanisation, qui en préconisant l'utilisation d'une partie de la biomasse pour produire de l'énergie rend compatibles les 3 défis majeurs de l'agriculture (productivité, environnement et énergie) tout en participant significativement à l'autonomie énergétique du pays et à la gestion de l'environnement. (E Triboi, TCS, 94, 17-24p,2017)

Ce concept préconise un ménagement complexe au niveau de l'exploitation agricole où N et C sont couplés car les légumineuses (L) produisent de l’azote (N) mais aussi de l’énergie (Carbone), les oléagineux (O) produisent de l’énergie (C-huile) et les deux constituent un substrat pour la production d’énergie par la Méthanisation. Le C-énergie sera le principal élément exporté. Les autres éléments N, P, S, K, Ca, Mg, etc. seront retournés au sol avec les digests de la méthanisation sous une forme facilement assimilable.

C'est l'agriculture du Carbone et de N-azote.

 

La loi de modernisation de l’agriculture de 2011 a reconnu la méthanisation comme une activité agricole car hormis la production d’énergie renouvelable elle diminuera la dépendance de l’agriculture française à l’azote minéral et la pollution liée à l’azote, tout en apportant un revenu supplémentaire, et ainsi elle complète et prolonge les activités « biologiques » classiques d’élevage et de production végétale. En conséquence pour qu'elle soit véritablement une activité agricole, l’optimisation et l’efficacité devraient être évaluées au niveau d’une exploitation et non de l’activité de méthanisation.

 Une agriculture utilisant le concept LOME réponde à deux défis majeurs de la société, l'énergie et l'environnement.

 Quel serait l'agriculture en appliquant le concept LOME et comment serait-elle intégrée dans la société future ? D'abord, une certitude : dans cette nouvelle agriculture, pour assurer une autonomie en azote et en énergie, l'introduction de légumineuses comme source renouvelable de carbone et d'azote est une condition sine qua non.

Quelques exemples concernant l'impact sur l'agriculture et sur la société.

 Supposons une exploitation de 100 ha utilisant une rotation similaire à celle que nous avons expérimenté pendant 30 ans : 20% luzerne, 30% blé, 20% maïs, 20% oléagineux, 10% betterave. Classiquement c'est la biomasse du maïs qui est utilisée comme substrat principal car son potentiel méthanogène (m3 CH4 /kg Matière Organique) est légèrement supérieur ( 0.40) à la biomasse des légumineuses ( 0.35 à 0.38). Cependant avec une légumineuse on produit aussi d'azote organique conduisant vers une autonomie en azote, tandis que le maïs nécessite des d'engrais minéraux de synthèse. La production de méthane est fonction de la composition biochimique du substrat et elle est optimale à un rapport C/N de 10 à 30.

En tenant compte de leurs productivité, les 2 cultures produisent une quantité de méthane peu différente, de 3300 à 4800 m3/ha.

Dans notre simulation (table 1) c'est la luzerne qui a été préféré comme culture énergétique à la place du maïs ensilage pour répondre aux doubles défis, énergétique et autonomie en azote. D'ailleurs la littérature de spécialité insiste sur l'utilisation des légumineuses dans la méthanisation, seule ou en mélange avec d'autres substrats (Stiner, 2015) car en plus d'une production élevée de biogaz en produisant de N organique elles remplacent l'énergie fossile utilisée à la fabrication des engrais minéraux et ainsi elles diminuent les besoins en énergie fossile.

Hormis les produits destinés à la vente, dans cette rotation on peut disposer d'environ 700 t matière sèche disponibles pour la méthanisation en utilisant la biomasse de luzerne, de cultures intermédiaires à base des légumineuses, les résidus de culture pailles, cannes de maïs, et éventuellement d'autres matières organique. Leur méthanisation produiraient 200 000 m3 CH4 ( 2000 m3/ha) équivalent à 2000 MWh énergie électrique.

Le biogaz peut être utilisé en cogénération avec une puissance installée de 100 kw pour produire environ 800 MWh d'électricité, valorisés à 120 000 €, et une quantité équivalente de chaleur, ou après purification peut être injecté dans le réseau du gaz en tant que biomethane. Notons aussi qu'en produisant de l'électricité, si elle n'est pas consommée "localement" on risque de perdre une partie dans le transport ce qui diminue l'efficacité globale du system par rapport à l'injection et le stockage comme gaz CH4.

 

 Table1. Quantité de biométhane et d'azote produite dans le system LOME

Culture

Ha

MS

t/ha

LOME ( 20% Luzerne)

Total MS

q/ha

CH4/t MS

m3

Total CH4

m3

Total

kg N

Luzerne 1

Blé pailles

10

10

7

5

70

50

335

190

24000

9500

X

750

Luzerne 2

Colza pailles

10

10

15

2

150

20

335

150

50250

3000

10000*

100

Blé pailles

Vesce

20

20

5

5

100

100

190

335

19000

33500

250

2500

Maïs cannes

20

7

140

170

23800

700

Tournesol ensilage +luzerne

Betterave feuilles, collets.

10

10

10

10

1

4

100

x

40

300

320

30000

12960

1500

1000

TOTAL

100

 

670

 

206010

17300

Moyen/ha 2000 m3 CH4/ha +170kg N

*1000KgN/ha dans la biomasse et sol pour 2 ans

 Evidemment à la place de la luzerne on peut utiliser du maïs ensilage comme en Allemagne. Dans ce cas la quantité de biogaz produite n'est pas trop différente mais on perde les 1000 kg d'azote symbiotique produite par la luzerne et aussi ces effets écosystemiques.

Dans le system LOME, en plus de C-énergie récupéré avec la production du méthane, avec le digestat de la méthanisation on recycle tout les éléments nutritifs N, P, K, Mg, Ca, etc., contenus dans la biomasse. Dans notre exemple on récupère 17000 kg N dont 70% proviennent des légumineuses qui assure une autonomie totale en azote (170 kgN/ha).

Ainsi, le remplacement des engrais azotés de synthèse par l'azote produit par les légumineuses récupérées avec le digestat, a un double effet : économie d'énergie fossile nécessaire pour la fabrication de N minéral et la production d'énergie renouvelable stockée dans les engrais N fixés par la symbiose bactérienne

.

 Dans les exploitations avec des animaux la biomasse produite est destiné à la nutrition des animaux et le fumier est destiné à la méthanisation. Cependant en présence de deux activités, élevage et méthanisation, on peut optimiser l'utilisation de la biomasse en attribuant une partie à la méthanisation si cette activité est plus rémunératrice que l'élevage (Fig.1).

Si on produit 10 t de fumier par animal alors pour une exploitation de 50 ha et 100 bovins on dispose de 1000 t de fumier qui contient environ 5500 kgN, 3500 kg P2O5 et 8000t K2O. En plus, par la méthanisation en produisant 60 m3 de biomethane par tonne de matière fraiche (or 200 m3 par tonne sèche) on produit 60 000 m3 CH4 équivalent à environ 1/3 du biométhane d'un system LOME sur 100 ha sans animaux.

 Fig.1. LOME en présence d'élevage

 

 Si on extrapole à 10% du cheptel bovin existant en France (20 000 000), alors on pourrait produire environ 12 millions m3 CH4. et 110 000 t d'azote avec lequel on peut fertiliser 100 000 ha avec 100 kgN/ha.

 

On peut donc conclure qu'avec la méthanisation du fumier et éventuellement d’une partie de la biomasse végétale on devrait assurer une autonomie totale en azote et éventuellement en d'autres éléments nutritives. Ainsi l'introduction de la méthanisation rend le system plus souple et mieux adaptable à la demande.

 

  Nous avons déjà mentionné qu'en France l'intensification de l'agriculture par l'utilisation de l'azote minéral associé à l'introduction du maïs ensilage dans la nutrition des animaux a induit la disparition de 3 millions ha de luzerne. En supposant qu'avec le système LOME on réintroduit 1 000 000 ha de luzerne qui seront intégrés dans un système comportant 5 000 000 ha (20% de la surface), alors avec une production de 2000 m3 CH4/ha on produirait 10 milliards m3 CH4, équivalent à 100 millions MWh énergie. En produisant de l'électricité par cogénération (40% électricité, 60% chaleur) on disposerait de 40 millions MWh d'une valeur de 6 milliards euro pour un prix de 15 €/MWh énergie. En plus d'électricité on disposerait d'une quantité équivalente de chaleur. De même il faudrait ajouter la contribution du secteur d'élevage.

Mais si on produit 4000 m3/ha comme en Autriche, alors le potentiel énergétique doublera à 20 Md m3 CH4 équivalent à 20 000 000 tep

 

Pour produire les 40 millions MWh d'électricité on a besoin d'une puissance totale installée de 5300 MW ou 10000 installations de 500 kw chacune. C'est exactement la situation de l'Allemagne qui en 2017 possédait plus de 9331 installations de méthanisation dont 8200 agricole, d'une puissance dépassant 4550MW. Pour arriver à ce niveau pendant plusieurs années l'Allemagne a installé plus de 1000 méthaniseurs par an. Malheureusement en septembre 2018 en France nous disposons de 609 installations d'une puissance d'environ 450 Mw, dont 426 méthaniseurs agricole d'une puissance totale de 156 MW et un rythme de développement inférieur à 100 installations /an. Bien évidemment, l'objectif de 1000 méthaniseurs à la ferme à l'horizon 2020 prévu dans le plan Energie, Méthanisation Autonomie Azote (EMAA) lancé en 2012 ne sera pas réalisé.

D'autres 67 installations injectaient directement 1048 GWh du méthane et 556 projets d'une capacité totale de 12 TWh étaient en attente. Il s'agit de gros installations d'une puissance moyenne supérieure à 2 MW.

 

 Si ce 1 000 000ha de luzerne représente 20% de la surface totale de la rotation, alors pour 5.000.000 ha cultivés selon le concept LOME, en produisant 170 kg N/ha on totalise 850 000 tonnes d'azote, équivalent à 850 000 tep. Si on ajoute encore 110 000 t N provenant de 10% de l'élevage on arrive à près de 1 000 000 t N disponibilité en azote. Ceci représente 43 % de la quantité totale d'azote minéral utilisé en agriculture française en 2018 (2242kt N) sur 26 000 000ha !. Pour cette raison ce concept est applicable même dans l'agriculture biologique ou l'azote est le principal facteur limitant.

Actuellement les collègues autrichiens, allemands, hollandais et italiens (les pays les plus avancés dans ce domaine) insistent sur ce rôle des légumineuses couplé à la méthanisation ! Par exemple l'Allemagne qui en produisant 65.5 millions m3 de digestats recycle 390153t N, 74075t P, and 331472t K dont 60% sont issus de cultures énergétiques non-légumineuses et 40% de déjection de l'élevage. La différence majeure consiste dans le fait que l'Allemagne utilise comme substrat essentiellement le maïs cultivé dans le système classique intensif alors que dans le système LOME le maïs est remplacé par une légumineuse, la luzerne, une usine à azote symbiotique.

 

 Parmi les énergies renouvelables qui font appelle à l'agriculture, les BIOCARBURANTS occupent une place importante. En 2018 avec une production de 4430 ML soit 8.8% du volume de carburants mis à la consommation, la France est le 4ème producteur mondial de biocarburants après les Etats-Unis, Brésil et l'Allemagne. Dans la période 2014 à 2018 sa production a faiblement varie depuis 4076 à 4430.

Les directives européennes du 11.12.2018 prévoient 14% d'EnR pour le transport en 2030, un plafonnement à 7% des biocarburants "conventionnels" et une incorporation des biocarburants avancés à 1% en 2025 et 3.5% en 2030 ainsi qu'une diminution des GES supérieure à 50%. Actuellement les objectifs d'incorporation des biocarburants ont été réalisés dès 2012 pour le biogazole et 2016 pour le bioéthanol.

 La filière gazole avec 3346ML représente la plus grande partie des biocarburants : 7 % de la quantité totale d’énergie de la filière gazole et 7.6 % du volume de gazole mis à la consommation en 2018. L'ester méthylique des huiles végétale (ELHV) est le composant principal : 2741ML et 87 % du total. La matière première provienne du colza (60%), soja (17%), palme (14%) et tournesol (4%). 63% provienne de France.

 La filière essence a utilisé 1084 ML de biocarburants principalement de l’éthanol (57 %) et d'ETBE (35 %). Les biocarburants incorporés dans l'essence représente 10.3 % du volume total mis à la consommation. Les 621 ML d'éthanol, soit 12.8 % du volume total de biocarburant mis à la consommation en 2018 proviennent du blé (36%), betterave (35%°), maïs (21%). 92% sont d'origine France.

Concernant l’ETBE sur les 375ML seulement 47 % sont renouvelable car il provienne de l'éthanol. Les matières premières utilisées provenaient à 98 % d’Europe et à 50 % de France.

Actuellement le développement des biocarburants de 1ère génération (éthanol, huile végétale) est arrêté car l'accent est mis sur des biocarburants de 2ème génération d’origine lignocellulosique (pailles, bois...) obtenus par hydrolyse et fermentation pour l'éthanol et par gazéification pour le biogazole. Notons aussi la voie d'hydrogénation pour la conversion des EMAG (ester méthylique d’acide gras) en hydrocarbures mais qui pour instant est très couteuse.

 Cependant, malgré ces progrès la filière biocarburants soulève des interrogations sur l'intérêt des biocarburants.. Le récent rapport d'information présenté au Senat par le groupe de travail sur les biocarburants (20.11.2019, https://www.senat.fr/rap/r19-136/r19-1361.pdf) met en exergue un intérêt sociétal, énergétique et agronomique qui justifie la priorité donné à leur développement comme énergie renouvelable. Certes si sur le plan sociétal la création d'environ 30 000 emplois est appréciable mais, sur le plan agronomique et énergétique les avantages des biocarburants sont discutables.

Même si les biocarburants représentent un débouché supplémentaire pour l'agriculture car si par exemple 65 à 85% de la production de colza est utilisé par la filière biodiesel, le fait que le prix de vente est déterminé au niveau international transforme l'agriculteur dans un "livreur" d'une matière première sans bénéficier des retombées éventuelles de l'industrie transformatrice. Si la même quantité aurait été utilisée pour produire du méthane "à la ferme" dans un système de culture énergétique qui d'ailleurs aurait pu être utilisé directement comme carburant, alors l'agriculteur disposerait d'une nouvelle activité agricole avec des retombés agronomiques importants. Il faudrait aussi relativiser l'affirmation que " la diversification des cultures en faveur notamment, des oléagineux, joue un rôle clé dans les assolements des grandes cultures" car les oléagineux comme culture énergétique non intégrée dans un assolement énergétique, sont cultivées dans un système conventionnel intensif basé sur des énergies non-renouvelables (engrais, carburants, ...) d'une part et qu'aucune légumineuse produisant de C et N ne seras pas incluse dans l'assolement. L'effet positif d'une culture comme le colza se résume ainsi seulement à son effet environnemental du a sa croissance hivernale associé à sa qualité de "bonne précurseur" dans l'assolement. Notons aussi que sur environ 1.5 millions ha de colza seulement environ 500 000 sont destinés à la production des biocarburants diesel. Avec une production d'huile équivalente à 1.1 à 1.2 tep /ha, alors la production totale serait 550 à 600 000 tep équivalent à environ 6500 GWh. Il s'agit donc d'une culture énergétique dans un assolement intensif classique en absence de la méthanisation comme activité agricole.

Dans le tableau 2 nous comparons l'efficience du système actuel intensif avec le colza comme culture énergétique produisant de l'huile avec 2 assolements énergétiques en présence de la méthanisation de la biomasse disponible dans l’assolement ou la culture énergétique colza ou la luzerne représente 20% (tableau 1). En prenant comme référence les 500 000 ha dédiés à la culture du colza - biocarburant aujourd'hui, alors la surface de l'assolement énergétique produisant du CH4 est de 2 500 000 ha. (Tableau 2) . Dans le système LOME avec une production moyenne de 2000 m3 CH4/ha (tableau 1) on dispose ainsi de 5000 Md m3 de gaz, équivalent à 4 336 513 tep, 7 fois plus que la production énergétique du colza aujourd'hui. Si dans le système LOME le colza remplace la luzerne pour produire de l'huile à la place du méthane alors la méthanisation va utiliser la biomasse disponible sur la même surface que dans LOME:2 500 000 ha. Cependant le colza produisant seulement 1.2 tep/ha équivalent à 1153m3 CH4, la production moyenne par ha sera que 1318 m3/ha, ou 3295 Md CH4.

Pour mieux mettre en évidence la productivité de ces 3 systèmes de culture on va convertir l'énergie dans la même unité, le tep. Le système actuel ou le colza est une culture énergétique non intégré dans un assolement énergétique produit 600 000 tep alors qu'avec un assolement énergétique en présence de la méthanisation la productivité augment à 2 858 762 tep et dans un system LOME ou la luzerne est utilisée comme culture énergétique à la place du colza on produit 4 336 513 tep. Ajutons aussi que la méthanisation va récupère en plus 250 000 t d'azote dans l'assolement énergétique sans légumineuse et 425 000 t dans l'assolement LOME, capables de remplacer l'azote minéral des engrais produits avec une énergie non- renouvelable et ainsi d'assurer une très large autonomie en azote et en énergie ! Actuellement le colza - biocarburant produit de l'huile mais aussi les tourteaux, destinés à l'alimentation animale qui contiennent la plus grande partie des protéines, donc de l'azote. Pour une production d'environ 2 t/ha de tourteaux on dispose donc d'environ 1 000 000 t tourteaux représentant environ 15% de la quantité totale consommés en France donc 3.5 à 4 millions sont les tourteaux de soja importés. Sachant que l'élevage utilise moins de moitié de l'azote ingéré, alors sur un total d'environ 50 000 t N contenus dans les grains ou tourteaux de colza 20 - 25000 t N seront retournés au sol essentiellement sous forme organique. Ainsi l'économie de l'engrais azoté de synthèse serait 10 fois plus faible que dans l'assolement énergétique et 17% que dans le système LOME.

 

Table 2. Comparaison de 3 systèmes énergétiques

 

ha

CH4 m3/ha

Tep

/ha

Total

 

N engrais

t

Colza culture énergétique

500 000

 

1.2

600 000 tep

25 000

Assolement énergétique avec 20% de Colza

2 500 000

1318

 

3295 Md m3

2 858 762 tep

250 000

System LOME avec Colza en culture énergétique (20%)

2 500 000

2000

 

5000Md m3

4 336 513 tep

425000

Note : Md = milliard ; 1m3 CH4 = 10.54 kwh = 0.00087 tep ; Rendement du colza =35t/ha.

 

L'Allemagne a fixé des taux d'incorporation des biocarburants de 6,25%, dont 4,4% pour le diesel et 2,8% pour l'essence. Elle a supprimé l'ensemble des mesures fiscales incitatives en faveur de l'usage de tels carburants, en réorientant sa politique vers d'autres carburants alternatifs (électro-mobilité, hydrogène). En 2013, la proportion des biocarburants atteignait 5,2 % de la consommation totale de carburants.

 

 Le rapport du Senat sur les biocarburants met en évidence d'autres faiblesse de la filière biocarburants "telle que la remontée en 2017 des cours des matières premières utilisées, tant pour la production de bioéthanol que de biogazole". En d'autre mots un prix élevé est favorable pour l'agriculture et non pour l'industrie qui serait tenté de faire appelle à des importations tel que le soja et le palme. Pour favoriser l'utilisation des biocarburants des avantages fiscaux ont été introduites : la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) ou la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) qui diminue avec la teneur en biocarburants. Ceci favorise par exemple le processus de distillation dans la production de l'éthanol qui est très énergivore car il consomme de 30 à 50 % de l'énergie finale du produit. Pour le blé cette dépense est évaluée à 12 MJ, soit la moitié de l’énergie finale. A ces dépenses du à la distillation, il faut ajouter d’autres dépenses qui concernent la filière agronomique d'obtention de la biomasse car elle est basée sur des énergies non-renouvelables. En effet ces cultures (colza, maïs, betterave,....) sont produites dans l'agriculture intensive conventionnelle ou l'énergie directe et indirecte est la 1ère dépense. Pour ce raison on considère que " le CO2 dégagé lors de la combustion des biocarburants devrait être compensé par le C stocké dans la biomasse", et en conséquence "tout biocarburant doit prouver une réduction des émissions de Gaz à Effet de Serre d’au moins 50% par rapport à l’équivalent fossile (60% pour les unités les plus récentes)" (agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/AE2030_SYNTHESE_14-01-1-2.pdf )

Il résulte donc que l'efficacité énergétique de la filière biocarburants dépendra essentiellement du mode de répartition des dépenses énergétiques, uniquement sur le produit "fini" l'éthanol ou repartis selon leur mase entre l'éthanol et les résidus de la fermentation, les tourteaux utilisés dans l'alimentation animale. Dans le premier cas la filière éthanol n'est pas rentable, dans le deuxième il y a une rentabilité financière mais relativement faible. Mais elle sera en vérité efficace si le colza serait intégrée à un system LOME.

Dns ce cas les 500,000 ha occupés par les cultures non-alimentaires majoritairement du colza et du blé pourront produire environ 5000 m3/ha CH4. Actuellement ces cultures non-légumineuses sont fertilisées avec 100 -200 kgN/ha ce qui représente 50 à 100 000 tN fabriquées avec une énergie fossile équivalent à 0.5-1 millions MWh d'énergie ou 50 à 100 millions m3 CH4. Si seulement 25 000 t d'azote sont récupérer à partir des tourteaux (tableau 2) alors le système est largement tributaire aux engrais de synthèse. On a donc intérêt de produire ces biocarburants dans le système LOME qui assure une autonomie en azote et en d'autres éléments. Dans ce cas sur les 5 000 000 ha, 20% seront occupés par la luzerne et 10% par des cultures énergétiques non-légumineuses.

Ce système qu'on peut donc l'appeler "système énergétique LOME" va produire 12.4 milliards m3 CH4 (10 +2.4). Utilisé comme carburant, cette énergie correspond à 12 400 ktep, qui représente plus de 20% de la consommation par le transport en France. C'est seulement dans ces conditions que les biocarburants participeraient efficacement à la réduction de gaz à effet de serre.

 

Ainsi pour la France on peut conclure que la production d'énergie renouvelable par l'agriculture dépasse largement ses besoins directs et indirects évalués à 3-4 millions tep. 

Le restant évalué à 30 à 50 millions tep satisferait presque la totalité de la consommation énergétique du secteur de transport ( 50 Mtep) qui représente 30% de la consommation totale d’énergie en France. Rappelons que l’importation du pétrole et du gaz représente 88 % du déficit commercial français !

Aujourd'hui, cette mission de l'agriculture est totalement ignorée (volontairement ?).

 

H. Place du biomethane dans le mixte energetique.

 Le fait majeur qui caractérise l'énergie en France est le poids de l'énergie nucléaire dans la consommation totale qui, en 2018 était de 41%, légèrement inférieur aux sources fossiles le pétrole (29%) et le gaz naturel (15%). Les EnR représentent seulement 11% dont les 3 sources principales sont le bois (40%), l'hydraulique (17%) et les biocarburants (10%). Leur objectif pour 2020 est de 23%. Les biocarburants, la biomasse solide, les pompes à chaleur et l’éolien expliquent 90% de la croissance des EnR au cours du temps. Actuellement 2 sources, les pompes à chaleur et le photovoltaïque ont dépassés les prévision pour 2020 tandis que d'autres, même si leur contribution globale ést faible, comme le biogaz ( 3%), sont largement déficitaires. Globalement aujourd'hui on est en dessous de la trajectoire défini par la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) pour atteindre les 23% d'EnR. On peut aussi affirmer que la "partie industrielle" tel que le photovoltaïque, les éoliennes terrestres, les biocarburants, a été favorisé par rapport à la partie "agronomique", le biogaz. Ainsi, par exemple en 2016 l'investissement total pour les EnR a été de 6,7 Md€, dont 26,4% pour les éolienne, 11.1% pour le photovoltaïques et seulement 2.8% pour le biogaz. Les puissances installées pour la production d'électricité fin 2018 étaient de 15000, 10000 et 137 MW pour l'éolien terrestre, solaire et biogaz respectivement et on prévoit pour 2023 environ 24000, 19000 et 270 MW respectivement pour les 3 sources.

En plus, le développement du PV a été financé en grande partie par le consommateur (59% de la taxe CSPE). Malgré l’augmentation vertigineuse de cette taxe (4.5 € en 2004 à 22.5 € / MWh en 2016, plus de 10 milliards d’euros par an, 100 € /menage.an) une "dette CSPE" est apparue dès 2009, que l’Etat le principal actionnaire de l’EDF, va combler au niveau de 4,9 milliards €. !

Les charges de service public de l’électricité liées aux énergies renouvelables ont atteint 4,6 Md€ en 2017, soit trois fois plus qu’en 2011. Ces charges correspondent aux subventions allouées aux producteurs d’électricité à partir de sources d’énergies renouvelables dans le cadre des mécanismes d’obligations d’achat et de compléments de rémunération. Le photovoltaïque concentre 61% de ce soutien public en 2017, devant l’éolien (25%). L’injection de biométhane dans le réseau de gaz a par ailleurs été subventionnée à hauteur de 33 M€.

Il résulte que la méthanisation est nettement plus efficace que l'éolien ou le soleil car pour des investissements de 4 à 9 fois inférieures, en 2018 sur une production totale primaire d'EnR de 27.7 Mtep elle produit 3.8% soit égal au photovoltaïque (3.2%) et seulement 3 fois plus faible que l'éolien (8.8%).

En plus le biogaz est produit en continu et il est stockable tandis que les deux autres fonctionnent environ 25% du temps. D'ailleurs, cette production aléatoire nécessite des frais supplémentaires de stockage et d'optimisation car la demande est relativement constante alors que la production est en dents de scie.

 

 Cette situation aberrante est du au fait que la méthanisation a été évalué seulement sur des critères industrielles au lieu de la considérer comme activité agricole, avec des effets directes, commercialisables, et indirectes comme le remplacement des énergies fossiles, l'effet sur l'environnement, changement climatique compris. Bien sûr que les autres ER (PV, E, etc..) devraient être aussi prises en considération pour créer une « diversification », cependant leur impact sera nettement plus faible et surtout focalisé uniquement sur « l’énergie » et non sur le développement durable d’un secteur essentiel pour la France, l’agriculture et l’environnement

 Cependant pour que la méthanisation devienne une activité agricole il faut se demander comment procéder pour convaincre les décideurs, agriculteurs et politiques, de la nécessité impérieuse d'agir et d'autre part si nous avons les connaissances nécessaire agronomiques et techniques pour réaliser cette révolution agricole..

 

 Tout d'abord je souligne que les premiers intéressés devraient être les agriculteurs qui en changeant d'agriculture retrouve une place prioritaire dans la société. Les dernières 50 années la marche du progrès dans l'agriculture a été l'intensification associée à la spécialisation sur des produits ciblés. L'agriculteur est devenue céréalier, éleveur, maraicher, etc. La productivité a augmenté mais l'agriculture a perdu sa place dans l'économie car elle ne répond plus aux défis majeurs de la société. En faisant appelle à à la méthanisation comme nouvelle activité agricole l'agriculteur va diversifier son exploitation en produisant des aliments, de l'énergie et des services environnementaux. Pour maitriser ces 3 objectifs il a besoin des connaissances supplémentaires nouvelles ou perdu par la spécialisation. Deux alternatives se présentent devant lui, déléguer la partie "production de l'énergie " à des industriels comme c'est le cas pour le photovoltaïque ou les biocarburants ou il est simplement un "spectateur" fournisseur des "toits" et des matières premiers, ou devenir un acteur principal responsable des changements en acquérant des nouvelles connaissances. La diversification redevenant une voie de succès il devrait l'introduire dans son exploitation ou la réaliser par la voie associative. Ceci concerne aussi la mission "environnementale" qui nécessite des connaissances et des pratiques nouvelles par rapport à l'agriculture conventionnelle. Il résulte donc que "la formation" a un rôle essentiel dans le changement du paradigme de l'agriculture...

 

 Ceci pose une première interrogation sur la taille des installations. Etant donné que le prix du kw installé diminue avec la puissance, la tendance industrielle serait vers des installations d'une puissance supérieures à 300 kw pour lesquelles on préconise l'injection dans le réseau de gaz qui assure une utilisation optimale du gaz produit.

Une tel installation pourrait produire plus de 2400 MWh par an pour 8000 heures de fonctionnement. Avec un potentiel méthanogène moyen de 300 m3 / tonne matière organique du substrat végétal il résulte un besoin en substrat d'environ 800 tonnes.

Selon le système de culture pratiqué il faudrait 150 à 200 ha pour pouvoir fournir la biomasse nécessaire. Ces installations pourraient être considérés comme "méthanisation à à la ferme" car elles correspondent à une exploitation agricole ou à une association de 2 - 3 petites fermes. Il s'agit de la méthanisation comme activité agricole.

A l'opposé de cette démarche on trouve la démarche "industrielle" avec des installations de forte puissance, plus au niveau d'un territoire que d'une exploitation agricole. Ces installations sont sous control industriel et l'agriculteur n'est qu'un fournisseur de biomasse et utilisateur des digestat, comme dans la filière biocarburants. Leur taille ainsi que la diversité des substrats pose de problèmes de cohabitation avec la population riveraine pour qui la méthanisation est une source supplémentaire de pollution et ainsi discrédit son développement comme activité agricole.

 

 Une autre interrogation s'adresse aux connaissances nécessaires pour agir. Nous disposons aujourd'hui d'un ensemble cohérent scientifique et technique pour promouvoir cette nouvelle agriculture. Grâce à la modélisation des outilles d'aide à la décision sont disponibles pour la plus grande partie des cultures et des processus biologiques du sol ainsi que de la méthanisation. De même les effets environnementaux sont connus et les services écosystémiques positifs ou négatifs, non pris en compte actuellement dans la valeur des produits commercialisés, pourraient être évalué. C'est le cas de l'effet sur les maladies et les ravageurs, sur les vers de terres, sur la pollinisation, le cycle de l'azote et du carbone (minéralisation, stockage, etc), pollution des nappes et de l'air et même sur le paysage. In fine le fonctionnement global d'une exploitation tant économique et qu'environnemental à travers l'analyse des cycles de vie sont disponibles pour évaluer la durabilité.

Soulignons aussi que les résultats des recherches dites classiques sur les systèmes de culture sont en plus grandes partie utilisables dans le concept LOME. L’agriculture de conservation axée principalement sur le maintien de la fertilité du sol, qui préconise un couvert végétal souvent avec des légumineuses pendant la période d’interculturel est un progrès essentiel facilement adaptable à une agriculture de type LOME. Evidement qu'en changeant de concept certaines thématiques concernant l'utilisation des digestat et le cycle de l'azote et du carbone dans le sol nécessiterons des approches spécifiques et des expérimentations in situ à l'échelle de la parcelle, voir de la ferme. Ces aspects sont très peu prise en compte actuellement par les Institutions ayant en charge "l'agro-écologie" qui se préoccupent plus du changement climatique global que de la métamorphose de l'agriculture et ainsi participer "à la sauvegarde de la planète". Développer la méthanisation uniquement par les l'impulsions des industriels qui ont comme objectif premier l'efficience de l'installation donc de leur investissement et non de l'exploitation agricole, devrait être évité car les agriculteurs sont les acteurs principaux dans la mise en place de la nouvelle agriculture. La création des "domaines expérimentaux" avec une thématique de recherche adaptée à ce changement conceptuel devienne impétueusement nécessaire. La récente création de Inrae - l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, un pool unifiant la recherche agronomique de l'INRA et de l’Irstea (Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture) avec 12000 chercheurs devrait offrir un cadre idéal pour piloter cette évolution de l'agriculture. Evidement les Instituts techniques et aussi l'Enseignement agricole ont un rôle essentiel dans la transmission des connaissances et dans la formation des agriculteurs, mais aussi ils devraient donner l'exemple en appliquant le concept LOME dans leur propres domaines. Ca devrait être une mission prioritaire pour le secteur enseignement, recherche et développement.

 

F. CONCLUSION

Dans l'agriculture intensive actuelle les 3 défis majeurs, la productivité, l'environnement et l'énergie, ne sont pas compatibles car l'énergie fossile est un frein pour la productivité et même si les techniques agricoles étaient améliorées, les effets négatifs sur l'environnement persisteront. En revanche si l'agriculture est une source d'énergie renouvelable, alors la productivité pourrait poursuivre sa croissance et la gestion de l'environnement deviendrait une réalité agricole, car l'agriculture ne sera plus une source des GES ni des éléments polluants (nitrates, pesticides, ...). et au contraire elle participera significativement à la mise en place d'une économie décarbonatée.

Dans ce cas, l'agriculture répondant de manière significative aux 2 défis majeurs du pays, l'environnement et l' énergie, pourra devenir prioritaire dans le développement durable du pays.

 

"..such novel agro-ecosystem combined food and energy (CFE) that simultaneously produces food, fodder and bioenergy can provide significantly increased net crop, energy and non marketed ecosystem services (ES) compared with conventional agriculture, and require markedly less fossil-based inputs. Extrapolated to the European scale, the value of non marked ES from CFE system exceeds current European farm subsidy payments. Such integrated food and bioenergy systems can thus provide environmental value for money for European Union farming and non farming communities.

J Porter et al., 2009, Royal Sweedsh Academy of Science

 

C’est le temps d’agir : SENEQUE Lettres à Lucilius
...il est des heures qu’on nous enlève par force,
 d’autres par surprise,
d’autres coulent de nos mains..
Or la plus honteuse perte est celle qui vient de la négligence ;

 et, si tu y prends garde,
 la plus grande part de la vie se passe à mal faire,
 une grande à ne rien faire,
 le tout à faire autre chose que ce qu’on devrait.
... sois complètement maître de toutes tes heures.
Tu dépendras moins de demain, si tu t’assures bien d’aujourd’hui.

 Tandis qu’on l’ajourne, la vie passe.
… tout le reste est d’emprunt, le temps seul est notre bien.
 

 

Quelques références bibliographiques.

 


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