L’air du catalogue revu et corrigé…

par Clark Kent
jeudi 5 mai 2016

L’air dit « du catalogue » est l’un des plus célèbres du Don Giovanni de Mozart. Rappel de la situation : Donna Elvira, séduite et abandonnée par Don Giovanni, le cherche pour se venger. Don Giovanni s’enfuit, laissant son valet Leporello lui dire la vérité. Pour ce faire, le valet se réfère à une liste des noms des conquêtes de son maître. Il propose à Donna Elvira de la lire avec lui. Donna Elvira découvre qu’elle n’est qu’un élément de la longue liste de femmes séduites et abandonnées. Le texte chanté par Leporello ne contient aucun nom propre, mais des noms collectifs ou des catégories : « En Italie six cent quarante, en Allemagne deux cent trente, une centaine en France, en Turquie quatre-vingt-onze ".

 Or, la dernière partie de la phrase vient d’être censurée à Berlin, au Komische Oper qui programme actuellement Don Giovanni. La « Turquie » a été remplacée par la « Perse ». Cette initiative de la direction a été prise pour ne pas offenser la sensibilité des millions de citoyens turcs vivant en Allemagne, mais surtout pour ne pas créer de malentendus diplomatiques avec Erdogan, qui ces derniers mois a exercé de fortes pressions auprès des autorités allemandes et des médias en ce qui concerne l'image de la Turquie dont il convient de ne pas se moquer publiquement.

L'ordre de modifier le texte du livret écrit par Lorenzo da Pont, et donc de censurer le chef d’œuvre de Mozart (ou plutôt, est venu des responsables du théâtre en question, mais la demande émane directement du gouvernement fédéral. Comme si les négociations en cours avec le gouvernement turc pour la gestion des flux migratoires impliquaient l’obligation de ne pas créer une source de tension avec Erdoğan. Même au prix de la censure. La demande du gouvernement était d'effacer complètement la partie « fautive » l'opéra, le théâtre a négocié un compromis, en remplaçant la Turquie par la Perse.

La priorité du gouvernement allemand est, en ce moment, de satisfaire les demandes de la Turquie et la « diplomatie » de Madame Merkel est prête à tout. Même à censurer notre patrimoine culturel.

Cette initiative est choquante a priori et rappelle des souvenirs nauséabonds. Mais le côté ridicule de l’affaire devrait l’emporter et recadrer les auteurs d’une telle décision dans les limites étroites de leur champ de vision, car si les autres chefs d’état sont aussi médiocres, il faut s’attendre à des conséquences tragiques :

« Le respect que tu veux obtenir, c’est toi qui en décideras ». Proverbe turc.


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