L’Allemagne doit-elle rendre à la France le trésor de Chalon volé par Attila ?
par Emile Mourey
samedi 8 décembre 2018
Frères, sachez que l'Europe est la troisième partie du monde. Elle est composée de peuples qui se différencient par le nom, la langue et les moeurs. C'est une Europe diverse tant par la culture qu'en ce qui concerne la religion. Parmi tous ces peuples, il y a celui de Pannonie. Il est d'usage de donner à ses habitants le nom de Huns. (Extrait du Walther d'Aquitaine, chant en hexamètres latins de Geraldus, auteur inconnu, traduction E. Mourey)...
En ce temps-là, la Burgundie était un royaume puissant qu'Herrich dirigeait d'une main ferme. Je fais l'hypothèse logique que le Burgonde Herrich et sa cour régnaient à Mont-Saint-Vincent, alias Augustodunum, véritable site antique de Bibracte comme je l'ai démontré dans mes ouvrages et dans mes précédents articles. C'est en apprenant l'avancée des troupes d'Attila et la menace que cela représentait pour la ville de Chalon, qu'Herrich est descendu dans sa forteresse de Taisey pour assurer la défense..
Herrich se trouvait, par hasard, à Chalon (traduction Adrien Vendel, je corrige : Herrich siégeait alors à Cabillo/Taisey). Et voici que le guetteur, élevant les yeux, s'écrie : quelle est cette poussière qui monte en nuage épais ? C'est un ennemi qui vient, fermez les portes !
Ou se trouve le guetteur ? Réponse : aux créneaux de la tour de Taisey. Certes, on ne va pas manquer de me faire remarquer que la ville des bords de Saône existe depuis le III ème siècle et qu'Attila aurait très bien pu l'investir tout de suite en arrivant et la piller. Peut-être ? Mais entre un riche tribut qu'on encaisse sans combat et un long siège à l'issue incertaine, avouez qu'il a pu préférer la première solution...
... Les députés s'avancent, dépouillés de toutes armes ; ils exposent le mandat dont le roi (burgonde) les a chargés, et prient les ennemis de cesser leurs ravages. Attila, le souverain, les accueille avec douceur, suivant son habitude, et dit : « J'aime mieux traiter que de livrer des batailles. Ce que les Huns préfèrent, c'est de régner par la paix, et ils ne prennent les armes qu'à regret, pour frapper des rebelles. Votre roi n'a qu'à venir ici donner et recevoir la paix. » Herrich sortit de la ville, apportant d'innombrables trésors, il conclut le traité et il laissa sa fille en otage. Son plus beau joyau prit le chemin de l'exil...
Admirable discours ! Après le "butinage" de la région, la grande clémence d'Attila !
Question : en quel lieu, en quel endroit, ces innombrables trésors - innumeratos thesauros - étaient-ils gardés ? Entre l'arrivée d'Attila et la prise de décision du roi burgonde, décision approuvée par les seigneurs qu'il avait convoqués, il n'y a pas de temps mort dans le récit de Geraldus. Cela exclut une collecte qui aurait été faite dans la ville des bords de Saône. La réponse s'impose : ces innombables trésors étaient gardés dans la tour de Taisey, plus précisément, dans la chambre haute, l'ancien "saint-des-saints" des Juifs, comme je l'ai précédement expliqué. Une chambre haute, telle qi'elle est représentée dans les fresques de Gourdon. Ainsi s"explique le nom du village de Taisey, hameau faisant actuellement partie de la commune de Saint-Rémy ; ainsi s'explique le nom de la tour de Taisey... Taisey, du latin Tasiacum, thesaurus, le lieu du trésor.
Enquête sur un trésor dispersé.
Il s'agit ensuite d'une plaque de cheminée en fer moulé qui devait orner la cheminée que j'ai mise au jour dans la tour, derrière une cloison qui la cachait. Les dimensions concordent. L'empereur Salonin qui y est représenté prouve qu'elle existait avant l'incursion d'Attila. Plaque de cheminée mise aux enchères en salle des ventes de Chalon-sur-Saône, le 18.6.1989, sous l'appelation erronée : "Plaque de cheminée "le massacre des nouveaux nés" époque Louis XIV (?) 85x110. Adjugé : 3.155 francs TTC.
Je fais l'hypothèse que ces deux oeuvres d'art précitées n'ont pas été remises à Attila car elles étaient, pour ainsi dire, "biens propres inaliénables" du "saint des saints" de la tour.
En revanche, il existe deux bas-reliefs en ivoire sculpté de style très proche, vendus à Paris, le 8.12.1989, par la salle des ventes Cornette de Saint-Cyr, "estimés travail flamand ou allemand, fin XVIIème, début XVIII ème, "La continence de Scipion" et "La détermination de Mucius Scaevola".
Non, certainement pas ! La première sculpture célèbre la libération de Chalon par l'empereur romain Aurélien après la scission de Postumus et l'invasion des Gaulois de Trèves. La deuxième montre l'empereur Maximien siégeant dans le même palais de la Vigne-aux-Saules proche de Taisey, avec la ville de Chalon en arrière-plan. On en connaît des copies, plus ou moins réussies, que les experts attribuent à un Antonio Leoni, proche du comte palatin de Bavière. J'en déduis que nos deux sculptures ont été en sa possession, en Bavière, puisqu'elles lui ont servi de modèles et qu'elles faisaient donc parties du trésor volé de Chalon.
Enfin, il existe, au musée de Bavière, une autre sculpture sur ivoire de très grande qualité, très proche au point de vue style, attribuée à cet Antonio Léoni. Cela me confirme que ce proche du comte de Bavière s'est trouvé en possession des trois sculptures en ivoire précitées, trois sculptures prélevées sur le trésor de Chalon. Certes, on ne manquera pas de me faire remarquer que la signature d'Antonio Léoni figure sur la troisième sculpture. Je réponds qu'en effet, c'est bien lui qui l'y a mise, mais pour s'en attribuer la paternité tout en la présentant comme un saint Paul renversé de son cheval en voyant le Christ dans le ciel, alors que, de toute évidence, il s'agit de la prise de Jérusalem par Titus.
Explications détaillées dans mon article intitulé " Jérusalem, temple de Salomon, d’Esdras, d’Hérode... et de Chalon-sur-Saône". https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/jerusalem-temple-de-salomon-d-204348
Emile Mourey, 7 décembre 2018.