L’Art Gothique - Volet n° 1

par Nicole Cheverney
mercredi 10 février 2021

 

Les origines de l’appellation.

Le grand peintre Raphael employa pour la première fois le mot « gothique » - gotico - pour désigner un art né en France au XIIe siècle et qui perdurera jusqu’au début du XVIe siècle. Dans l’esprit de Raphaël pétri d’art antique, il ne semblait pas y avoir de préjugé dans cette appellation. Certains historiens attribuent à Georgio Vasari le côté péjoratif donné à cet art, le considérant comme «  barbare ». Pour les Italiens, l’art gothique fut inventé et ramené par les Goth. Ce qui en réalité, n’est fondé sur rien. Il faut dire, qu’autant Raphael que les artistes italiens considéraient l’art antique au-dessus de tout, comme le nec plus ultra de l’Art architectural, pictural et sculpture.

L’art gothique est éminemment français. On parle d’ailleurs plus exactement de « l’art français ». Mais le mot « gothique » est entré dans les usages, depuis, revitalisé par les historiens du XIXe siècle en France.

Quatre siècles d’art gothique ont produit les plus belles cathédrales et de superbes réalisations profanes – de Paris à Bourges, en passant par Laon, Reims, etc. Jusqu’en Flandres, jusqu’en Italie.

L’art gothique va se développer prodigieusement. D’une part la France du XIIe – XIIIe – XIV, XVe siècle est éminemment chrétienne. Il règne un enthousiasme religieux très solidement ancré et tout le monde veut participer à l’élévation des édifices religieux dans le pays, nobles comme roturiers. L’ampleur des frais de construction est surprenante. Personne ne lésine à bourse délier.

Par exemple, selon Viollet-le Duc, l’érection de Notre-Dame-de-Paris aurait coûté 120 millions d’écus tournois. Une telle somme représenterait de nos jours une dépense colossale.

C’est en Ile-de-France que pour la première fois, le système de construction gothique avec choeur et deux travées d’avant-nef, fut expérimenté avec la basilique de Saint-Denis ( de 1127 à 1140).

Il existe deux périodes,

l’art gothique primitif allant de 1150 à 1230,

l’art gothique flamboyant, de 1230 à 1515 environ.

L’art gothique s’est épanoui sous le règne de Philippe-Auguste tout d’abord et prendra fin sous le règne de François 1er.

Philippe-Auguste fut un grand roi propice au développement du pays. L’on verra sous son règne de grandes cités naître, comme Amiens, Laon, Paris. L’établissement des chartes communales vont permettre aux corporations de s’organiser métier par métier. Elles vont rivaliser d’ingéniosité les unes, les autres, pour participer à la construction de telles merveilles.

Avec le développement des corporations, d’une bourgeoisie citadine de plus en plus active, de plus en plus présente dans la vie publique, la direction des travaux qui était l’apanage des ordres monastiques à l’époque romane, passe aux architectes laïques.

De grands noms de constructeurs vont émerger :

Pierre de Montereau,

Jean de Chelles,

Robert de Luzarches,

Jean d’Orbais,

Robert de Courcy.

3 caractéristiques de l’art gothique ressortent :

1/ Il est original, car il n’a subi aucune influence extérieure. C’est une rupture avec le passé. Cet art « créera de toutes pièces, un système merveilleux de construction ».

2/ Il est rationnel, en effet, dans chaque édifice gothique nous trouvons une parfaite combinaison entre la structure et la forme générale de l’édifice : la forme est l’expression rigoureuse de la structure.

Cette rigueur se retrouve dans les façades d’abord, (coupe et plan), dans les grandes rosaces destinées à éclairer largement la nef. Elles servent aussi d’étrésillon apportant à la construction cette inégalable impression de légèreté.

Pour contrebuter la poussée de la voûte de la nef sur les piliers, on invente le système des arcs-boutants. C’est une trouvaille qui relève du génie architectural des constructeurs et qui va considérablement transformer non seulement l’aspect extérieur de l’édifice, mais va assurer sa solidité dans le temps. Les architectes n’ont rien laissé au hasard, ils ne sacrifient rien à la décoration .

L’échelle architecturale.

L’art gothique est rationnel, aussi ce sera la « taille de l’homme » qui servira de mètre-étalon ou « module », en totale rupture avec les canons de l’architecture gréco-romaine qui se servait du rayon de la colonne comme mètre-étalon.

C’est la raison pour laquelle la porte d’une cathédrale n’est pas plus haute que celle d’une église de campagne ce qui est la logique même. 

3/ Il est symbolique.

Les lignes ascendantes s’élançant vers le ciel représentent l’élévation des âmes. Les sculptures rajoutent aussi à toute la symbolique chrétienne.

 

Les méthodes de construction, quelques détails techniques.

Trois éléments de construction dans l'art gothique prédominent.

1/ L’arc brisé.

2/ La voûte sur croisée d’ogives,

3/ L’arc-boutant.

 

L’arc brisé.

Deux segments de cercle le forment, tracés de deux centres différents plus ou moins aigus suivant l’écartement.

La voûte sur croisée d’ogives.

Elle donnera aussi son nom au « style ogival ». C’est une voûte d’arêtes renforcée par deux nervures, « arcs diagonaux » placés sous les arêtes, ainsi la voûte d’arêtes sera formée par la pénétration de deux voûtes en berceau de même diamètre. 4 piliers reçoivent les retombées des diagonaux et les archivoltes, tandis que les deux piliers restants ne reçoivent que les arcs doubleaux.

La construction de voûtes d’arêtes.

Les architectes vont poser des cintres en bois sous les arêtes. Mais ils vont par la suite les rendre permanents en les formant d’arcs de pierre. Ils constitueront les nervures sur lesquelles viendront s’appuyer le remplissage des voûtes à croisées d’ogives.

Le mot « ogive » vient du mot « augere » qui signifie augmenter. Dans ce cas de figure : augmenter la résistance.

Une ossature de voûte sur croisée d’ogives est complexe. Elle se compose de deux arcs diagonaux, deux arcs doubleaux et deux arcs formerets, ou deux arcs formerets et archivoltes.

La rencontre de ces arcs se fera sur une pierre O nommée clef (clef de voûte) qui maintiendra le serrage et en assurera la solidité.

Ne croyons pas qu’une telle réalisation va donner de la lourdeur, bien au contraire, elle va l’alléger par une parfaite répartition des poussées. Chaque voûte sur croisée d’ogive est absolument indépendante et d’une extrême légèreté .

Conséquence : La poussée sera répartie sur les 4 points de retombée.

Si la nef se trouve entre deux bas-côté, les arcs d’encadrement sont appelés des « archivoltes ».

Il existe deux sortes de voûtes sur croisées d’ogives.

Si la nef est sans bas-côtés, les arcs d’encadrement sont des « arcs formerets ».

La voûte sur plan carré comme pour Notre Dame de Paris, Laon, Bourges et Soissons, embrassent les deux travées et les six compartiments dite voûte « sexpartite ». Mais cette voûte présente l’inconvénient de répartir inégalement les charges. L’éclairage aussi s’en ressent. Au fur et à mesure, les architectes bâtisseurs vont remédier à ces inconvénients par un long perfectionnement. Ils vont créer la voûte barlong quadripartite. Elle n’embrassera qu’une travée et n’aura que quatre compartiments. Exemple : la cathédrale de Reims et celle d’Amiens.

L’arc boutant.

Un édifice gothique consiste en un admirable système d’équilibre. Même un profane éloigné de toute technique architecturale ne peut que ressentir à l’œil nu cet équilibre.

L’arc-boutant typique de l’art gothique contrebute les poussées obliques des charges. Les poussées des bas-côtés s’exercent sur le chapiteau de la colonne combattue par la charge du pilier. Cette conjugaison aussi judicieuse que possible de la répartition des charges, a donné véritablement des tels chefs-d’œuvre résistants au temps qui passe. Saluons avec modestie ces prouesses.

Les « tas de charge ».

Dénommée ainsi, la construction en encorbellement par assises horizontales, c’est un artifice qui a permis de diminuer la poussée en réduisant la portée des arcs.

 

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Sources : La grammaire des styles – collection dirigée par Henry Martin – paléographe – (1947).

 


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