L’Assommoir éducatif
par snegurachka255
jeudi 27 mai 2010
C’est indéniable, le niveau baisse.
Tout le monde l’a remarqué mais très peu osent le dire sous peine de se faire incendier aussitôt par une cohorte, et vous me pardonnerez le néologisme, de contemporanophiles exacerbés.
Il y a un problème dans la politique d’éducation, ne nous bandons pas les yeux. Le problème est réel et il persiste, malgré les réformes en tous genres.
M. Chatel et son équipe de choc branchée costume hors de prix et je-me-déplace-pour-faire-comme-si-j’étais-au-courant semblent considérer que le problème de l’école, ce sont les horaires. D’où une formidable réforme de ces dernier jours, avec plein de sport et cinq fruits et légumes surtout.
Premièrement, je compatis avec ceux qui, comme moi-même il y a quelques années, considèrent le sport à l’école comme LA séance de torture hebdomadaire, mêlant la douleur à l’angoisse, avec une toute petite touche d’humiliation parce que sinon, c’est moins drôle. Désormais, les élèves qui ne sont pas férus de l’opération consistant à courir comme un dératé derrière une balle dégonflée poursuivi par une horde d’adolescents pré-pubères seront sacrifiés quotidiennement sur l’autel du savoir et de l’amélioration du niveau de tous. Toutes mes condoléances.
Reste à savoir en quoi faire du sport aide à ne pas faire de fautes d’orthographes, à savoir calculer des PGCD ou à maîtriser la thermodynamique...
Mais je ne suis qu’étudiante, alors je ne dois pas avoir la sagesse nécessaire pour comprendre les bienfaits de cette réforme. En revanche, je peux témoigner. Le problème de l’école - depuis qu’on ne tabasse plus les enfants à coups de règle, ce qui n’est pas plus mal - c’est l’ennui.
J’ai commencé à m’ennuyer à l’école en CM2. Je me souviens même du moment précis où c’est arrivé. C’était une après-midi, avant la récré, nous avions droit à l’antédiluvienne séance de calcul mental. Je me vois encore, tapotant sur mon ardoise veleda avec mon feutre bleu en attendant je ne sais pas quoi.
Dans mon collège, on pratiquait cette idée qui était nouvelle, celle de mélanger les meilleurs élèves avec les pires, pour que les uns tirent les autres vers le haut. Au final, ce sont plutôt les autres qui ont tiré les uns vers le bas... Ceux qui étaient en cours avec moi s’en rappellent avec émotion : ’on n’a jamais autant rien foutu qu’au collège’.
Alors j’ai décidé de passer un concours, en troisième, pour entrer dans un lycée spécialisé dans l’enseignement bilingue. Concours réussi, j’entre en seconde et puis en première, puis en terminale littéraire. Lycée dit ’haut-de-gamme’ (mais public), troisième lycée de France à l’époque... L’ennui persiste. D’une autre sorte, mais il est là, toute la journée. De l’étude ligne à ligne de L’Assommoir aux aventures de l’appareil de Golgi.
Après le lycée, je suis entrée dans une fac de lettres parisienne, en lettres modernes. Mais je m’ennuie toujours. Alors j’attends que tout cela se finisse pour enfin aller pointer au Pôle Emploi...
Si les jeunes s’ennuient à l’école, il faut croire que c’est parce qu’ils ne s’intéressent à rien. Ou alors, ce pourrait être parce que les cours ne sont pas intéressants, ou pas enseignés de façon intéressante ? Mais alors, il faudrait réformer la sacro-sainte profession d’enseignant, chose à laquelle il semble que l’on ne peut pas toucher.
Je vois, tous les jours, des professeurs ou chargés des TD faire cours devant des salles qui se vident de séance en séance jusqu’à n’être plus remplies que d’une dizaine d’étudiants dont la moitié a le nez en l’air. J’imagine ce qu’ils se disent : "Ils ne viennent plus parce qu’ils ne s’intéressent à rien". Je les vis mépriser ceux qui "préfèrent aller surfer à Biarritz au lieu de venir m’écouter" comme je l’entendais encore vendredi dernier. Au lieu de se remettre en question ne serait-ce qu’une minute, nos éminences bardées de diplômes préfèrent accabler les victimes de leurs envolées poussiéreuses.
J’aime la littérature, je suis ouverte à la poésie contemporaine et au romantisme britannique voire même à l’étude de Rabelais. Je pense que tout peut être rendu intéressant s’il est bien enseigné. Or rien ne l’est, jamais. D’où l’ennui et l’échec de beaucoup d’entre nous.
Alors, jeunes gens condamnés à suer tous les après-midis sur des stades, ne désespérez pas ! Ne pas savoir parler correctement n’est pas un handicap. En parlant comme un charretier, maniant le français vulgaire avec une incroyable dextérité lors de footings champêtres et de sorties bucoliques, on peut quand même devenir président...