L’autodestruction de l’Humanité - Suite - III - Modèle économique

par heber
vendredi 8 juin 2018

             L’AUTODESTRUCTION DE L’ HUMANITE – SUITE - III

 

 Quel modèle socio-économique, plus équitable et plus efficace, pourrions-nous substituer au modèle capitaliste, financier et ultralibéral, qui règne sur le monde mais démontre, jour après jour, qu’il est désormais dépassé et à bout de souffle ?

 

Tout système social concentrant en permanence la richesse produite et accumulée entre les mains d’une minorité ultra-riche tandis que la quasi-totalité de l’humanité peine à vivre décemment ou subit des conditions extrêmes de pauvreté et de misère est par définition, un modèle suicidaire, condamné à disparaître dans la violence, la révolution, l’anarchie ou la guerre.

L’injustice et l’inégalité, lorsqu’elles atteignent un niveau inacceptable tout en étant connues de tous, ne peuvent qu’engendrer le malheur.

 Il apparaît donc hautement souhaitable d’examiner si, d’une façon douce, progressive et pacifique, il serait possible de transformer le modèle actuel en un nouveau système, aussi efficace mais plus juste - qui permette à chacun de trouver sa place dans un monde recomposé et plus équitable.

Ecartons d’emblée l’utopie qui chercherait à construire un monde totalement égalitaire. L’alignement ne pourrait se faire que vers le bas, personne n’étant motivé pour faire des efforts gratuits.

 L’échec répétitif de tous les modèles de sociétés collectivistes -illustré par le sort des malheureuses populations soumises aux systèmes soviétiques, cubains, vénézuéliens, nord-coréens et autres du même acabit - est là pour nous le rappeler.

Tous ces régimes finissent dans la dictature, la corruption et sous la domination d’une oligarchie militante. Ils écrasent d’une poigne de fer les libertés civiques sous des prétextes idéologiques et génèrent la pénurie de richesses et la pauvreté de la masse.

 Ils créent des sociétés grises, uniformes et tristes, sans initiative ni ressort, où toute différence de ressources et de mode de vie se trouve gommée pour le citoyen lambda tandis que l’oligarchie dirigeante prospère dans un monde à part.

A l’opposé, le modèle capitaliste a prouvé son incontestable capacité et sa supériorité pour créer de la richesse et de la prospérité réelle.

Malheureusement, il a également prouvé sa capacité à créer de l’inégalité, des besoins et des biens inutiles et à générer une prospérité artificielle, purement financière, sans aucune valeur ajoutée réelle.

Il s’agit d’un pur modèle économique dont l’ unique finalité est de créer du profit et toute considération morale ou sociale est, par définition, étrangère à un tel modèle.

Il est somme toute, normal qu’il en soit ainsi et ceux qui lui reprochent toute absence de moralité ou de sens social se trompent de cible.

Ce sont ceux qui l’exploitent sans y mettre aucun frein ni limite et qui l’utilisent au seul service d’une minorité au lieu d’ en faire bénéficier la collectivité entière qui doivent être blâmés.

Au lieu de tout détruire, il faudrait donc adapter le capitalisme actuel en utilisant et en préservant tous ses précieux atouts ( efficacité, motivation, initiative, reconnaissance des mérites et des talents ) pour le transformer en un nouveau modèle où tous les hommes trouveraient avantage et seraient en mesure de subvenir à leurs besoins ainsi qu’à ceux de leurs proches et où, à cet effet, des filets sociaux permettraient de prendre soin des plus faibles en vertu des principes de solidarité et de responsabilité sociale.

Pour cela, il faut d’abord mettre fin aux dérives de ces dernières 50 années où le capitalisme libéral est devenu de plus en plus abstrait, déconnecté de la réalité et de la vie quotidienne, sous la poussée conjuguée des fonds internationaux de pension et de placement ainsi que des entreprises et banques multinationales, en opérant et fonctionnant à l’échelle de marchés mondiaux et en s’affranchissant de toute responsabilité patronale ou considération sociale.

 De fait, les opérations et transactions financières ne sont plus assises sur une valeur ajoutée, réelle et tangible, basée sur des produits intellectuels, agricoles, industriels ou de services, réalisés par des employés identifiés et localisés, mais sur des plus-values réalisées à l’échelle mondiale, sur l’achat ou la vente d’actifs en Bourse et sur des opérations complexes effectuées sur les marchés financiers à partir de produits dérivés de plus en plus sophistiqués et abstraits.

Dans ces conditions, vendre ou acheter une société ou une entreprise, la délocaliser, l’ouvrir ou la fermer, engager ou débaucher du personnel, représentent autant de pions et d’instruments qui participent de décisions inspirées par une stratégie mondiale, froide,  globale et déshumanisée, où seule compte la capacité de maximiser le profit et de distribuer des dividendes substantiels et réguliers pour se concilier les faveurs des marchés internationaux et des actionnaires.

 

Quelles seraient alors les premières mesures à prendre à l’horizon 2025 pour commencer à transformer le modèle économique actuel ?

3 domaines devraient être abordés et réformés en priorité.

A- Au niveau du système bancaire et financier, Il conviendrait de :

-séparer strictement les activités des banques de dépôts (gestion des comptes et prêts des PME et des particuliers) et des banques d’affaires ( gestion des très grandes entreprises et montages et opérations sur les marchés financiers internationaux).

-instaurer des ratios renforcés entre les montants de fonds propres et le montant des engagements et prêts.

-interdire les transactions sur tous les produits dérivés non assis sur une transaction réelle (achat-vente d’un actif financier ) et encadrer très strictement les opérations de titrisation ( notamment sur les titres /prêts immobiliers ).

-encadrer les banques et établissements systémiques ( dont la taille est telle que leur défaillance pourrait entraîner une crise financière nationale ou internationale par un jeu de domino ) par le biais des banques centrales et exiger la séparation obligatoire et étanche en leur sein des capitaux et actifs des filiales à activité de banques de dépôts et de banques d’affaires.

-interdire aux établissements financiers d’établir des filiales ou des fonds fiduciaires dans les paradis fiscaux.

- fermer les fonds vautours spéculant sur les dettes nationales des Etats en difficulté ou en situation de cessation de paiements.

-au niveau européen :

 a) mutualiser progressivement la gestion des dettes nationales en organisant l’émission d’emprunts européens conjoints entre plusieurs et/ ou tous les Etats Européens,

 b) autoriser la Banque Centrale Européenne à racheter directement les obligations d’état émises par les Etats-Membres jusqu’à concurrence d’un plafond fixé à 60% de la dette publique nationale et à 100 % de la PIB annuelle et à garantir le solde(40%) de cette dette jusqu’à concurrence de 150 % de la PIB.

 c) fixer le plafond de l’objectif d’inflation de la BCE à un pourcentage de 5 % maximum pour 1 an et à 15% maximum sur une période glissante de 5 ans ( soit 3% en moyenne annuelle sur 5 ans ) pour permettre une meilleure flexibilité du système en cas de brusque augmentation de certains coûts primaires ( par exemple dans le secteur de l’énergie) .

 d) instaurer une garantie européenne solidaire des dépôts bancaires des particuliers dans les banques européennes jusqu’à un plafond de 100000 euros détenus par personne et par banque.

e) lancer un grand emprunt européen collectif sous forme d’obligations perpétuelles à hauteur d’un montant renouvelable de 1000 milliards d’euros, destiné à la relance de l’économie verte et de l’agriculture bio, à la création d’emplois, au financement de la recherche appliquée, de travaux d’infrastructure, de projets de PME, de construction de logements, de travaux d’isolation et d’utilisation d’énergies renouvelables.

 

B-Au niveau des grandes entreprises( effectif supérieur à 1000 emplois ) :

-interdire les’’ rulings fiscaux’’ où un Etat accorde des avantages fiscaux spécifiques à une grande entreprise internationale.

- instaurer la déclaration et l’ imposition obligatoire des bénéfices dans l’état où la production est réalisée.

-interdire à une entreprise multinationale d’établir son Siège dans un paradis fiscal.

-interdire la mise en perte comptable artificielle d’une filiale en raison de transactions ou de prêts internes au groupe.

-taxer proportionnellement au chiffre d’affaires réalisé localement dans un pays donné toutes les entreprises du Net ( GAFA et autres ).

-en cas de fermeture, de départ et /ou de délocalisation avec perte d’emplois d’une entreprise, exiger le remboursement intégral de toute subvention, avantage financier ou avantage en nature ( par exemple terrain, raccordements, adductions ) accordés, au cours des dix années précédant la date de départ, par des autorités publiques ( Etat, Région, municipalité ).

- . En cas de fermeture de l’entreprise ou de perte d’emplois supérieure à 20% de l’effectif, taxation à 100% de toute distribution de dividende et de tout rapatriement de bénéfice vers l’étranger.

- limiter le recours à l’emploi de travailleurs indépendants à 10% du nombre de travailleurs employés directement par l’entreprise en CDD ou CDI.

-en cas de fermeture ou de réduction d’emplois supérieure à 10% de l’effectif total, gel obligatoire du salaire des cadres dirigeants et de la distribution supplémentaire de primes ou de parts ( actions /obligations), les bénéfices éventuellement réalisés sur les parts déjà possédées devant être également gelés.

- application similaire des conditions précitées au cas où les suppressions et/ou diminutions d’effectifs seraient étalées sur 2 ou 3 exercices consécutifs ou non consécutifs mesurées sur une période glissante de 5 ans.

- paiement aux travailleurs détachés de salaires identiques à ceux des travailleurs permanents de l’entreprise, à poste et niveau de qualification identique.

-les entreprises utilisant du personnel détaché provenant d’autres Etats sont tenues de reverser à l’autorité publique compétente la différence de montant entre les charges sociales versées via la société opératrice employant les personnels détachés et les charges sociales existant dans le pays où les travailleurs détachés sont effectivement employés.

-

-la puissance publique du lieu d’établissement de l’entreprise ( établissement ou filiale ) dispose ’’ d’une golden share ’’, lui donnant uniquement droit de prendre part aux négociations et décisions de fermeture et / ou de délocalisation partielle de l’établissement situé sur son sol.

C- Au niveau des droits sociaux :

 

Dans les pays développés, pour toute entreprise :

- les contrats de travail sont divisés en 2 catégories.

-les CDD, contrats à durée déterminée ont une durée de 1 jour à 1 an. Quelle que soit leur durée, ils ne peuvent être renouvelés ( consécutivement ou non )plus de 3 fois. Les frais sociaux ( caisse maladie-chômage-retraite ) prélevés sur ces contrats en CDD sont majorés de 50%. Au-delà de 3 renouvellements, ces contrats deviennent automatiquement des CDI, contrats à durée indéterminée.

- les CDI, contrats à durée indéterminée, ouvrent droit à des indemnités de résiliation qui sont proportionnelles à la durée d’emploi. Chaque année d’emploi effectif ouvre droit à une indemnité de résiliation supplémentaire égale au montant d’un mois de salaire, jusqu’à concurrence d’un maximum de 45 mois de salaire( calculés sur la base du dernier mois de salaire). En cas de licenciement, l’employé en CDI disposant d’actions de la Société peut les revendre sur le marché sauf si l’entreprise préfère les racheter au cours du marché auquel cas , elle dispose d’un droit de préemption .

 

-Dans toute entreprise ayant un capital sous forme d’actions et employant plus de 50 employés, chaque salarié est intéressé au capital de l’entreprise à compter de sa 3 ème année de contrat en CDI. A cet effet, tout bénéfice annuel supérieur à 0,6 million d’euros, réalisé par l’entreprise, est réparti à hauteur du 1/3 entre les employés ( sous forme d’actions ), l’investissement et les actionnaires non salariés ou consacré entièrement à l’investissement dans l’entreprise.

-le personnel d’une entreprise de plus de 50 salariés peut devenir au fil du temps, propriétaire de 2/3 maximum du capital de l’entreprise.

-les salaires versés aux femmes comme aux hommes sont, à poste et compétence identiques,,strictement égaux.

-la couverture maladie devient universelle.

-les indemnités de chômage sont versées pendant 2 ans au niveau du dernier salaire perçu dans la limite d’un plafond égal à dix fois le Salaire minimum de base. Pendant cette année, le travailleur en recherche d’emploi doit chercher activement un nouveau poste et suivre, en cas de besoin, une formation personnalisée, adaptée et destinée à sa reconversion éventuelle .Au-delà de 1 an, l’indemnité versée est plafonnée à 50 % du dernier salaire perçu mais ne peut être en aucun cas inférieure au Salaire minimum de base. A l’échéance de cette deuxième année, le travailleur est tenu de prester 3 jours par semaine au profit de la collectivité territoriale où il réside pour des travaux d’intérêt général ou d’assistance aux personnes. Cette durée est portée à 4 jours par semaine à compter de la fin de la 3ème année en recherche d’emploi.

-mutatis mutandis, toute personne d’un âge supérieur à 18 ans qui est sans emploi et hors du circuit éducatif a droit à une indemnité égale à 80% du Salaire minimum de base à condition de suivre une formation ,adaptée à ses capacités et aux besoins du marché du travail. Cette formation est organisée à temps complet pendant au maximum 3 ans jusqu’à obtention d’une qualification et d’un emploi. Au-delà de ces 3 ans, si la situation de non-emploi perdure, le jeune bénéficiant de cette aide est tenu de prester 4 jours par semaine au profit de la collectivité territoriale où il réside pour des travaux d’intérêt général ou d’assistance à des personnes.

-Dans les deux cas précédents, les travailleurs au chômage ou jeunes sans emploi peuvent se voir proposer par l’Etat, en fonction des besoins et de leurs qualifications, des CDD pour effectuer des missions d’aide internationale dans les pays pauvres. Exceptionnellement ces CDD peuvent être immédiatement conclus pour une durée de 3 ans, non renouvelable. Les conditions financières sont adaptées et négociées au cas par cas en fonction du lieu de travail. Ces contrats peuvent, éventuellement, être suivis de CDI, en fonction des besoins et des résultats.

Dans les pays pauvres et en voie de développement :

-le travail des enfants est interdit au moins de 16 ans à compter de 2030 ( la scolarité devenant alors obligatoire jusqu’à cet âge pour les filles comme pour les garçons).

-interdiction est faite aux entreprises multinationales d’employer les travailleurs locaux sans un contrat de travail prévoyant au minimum une couverture sociale et médicale, une cotisation à une caisse de retraite, des congés annuels et des indemnités en cas de licenciement (2025)

-obligation d’attribuer une partie du capital des entreprises créées localement par des firmes multinationales ( ou par toute autre firme étrangère ) selon des modalités identiques à celles exposées précédemment aux travailleurs locaux à compter de 2025.

-Transfert progressif et obligatoire à compter de 2025 ( soit par opérations de vente -rétrocession de parts- augmentation de capital) de 51% du capital de toutes les entreprises d’exploitation de matières premières, de sources /production d’énergie et de toutes les entreprises de productions agricoles / agroalimentaires à l’autorité publique de chaque pays concerné et/ou de ressortissants de ces pays, avec un délai maximum de 15 ans pour achever ce transfert( 2040).

-création progressive de filets sociaux ( assurance maladie, chômage, retraite ) en fonction du niveau de développement économique de chaque pays concerné avec alignement progressif des droits des travailleurs des pays pauvres sur les droits des travailleurs des pays développés selon les modalités précédentes ( période 2030-2050).

 * * *

 Il n’est pas possible, dans le cadre d’un article court et synthétique, d’aborder en détail l’ensemble des mesures successorales, fiscales, sociales, économiques et autres qu’il conviendrait d’adopter afin de transformer progressivement le modèle économique actuel en un modèle efficace, équitable et respectueux de l’intérêt de tous.

Les mesures évoquées dans ces quelques pages ne sont que l’ébauche des réformes profondes qu’il conviendrait d’apporter au fonctionnement économique de nos sociétés. La création d’un capitalisme social, solidaire et responsable qui réintègre le service de l’intérêt collectif au 1er rang de ses priorités suppose une véritable révolution, non pas dans les rues mais de nature intellectuelle.

Pour illustrer ce propos, nous prendrons un seul exemple, celui de la création d’emplois .Notre système actuel, ultra-libéral et financier, est censé, grâce à son efficacité économique extraordinaire, permettre la création continue de nouvelles mines d’emplois au fur et à mesure que l’évolution technologique robotise les tâches les plus simples en détruisant des emplois de niveau élémentaire. Selon ce dogme libéral, cette destruction d’emplois d’exécution s’accompagne de la création avantageuse de nouveaux emplois plus nobles, plus riches en contenu, mieux rémunérés et plus intéressants .

Pourtant, il est clair que :

- Le nombre nouveau d’emplois créés est bien inférieur à celui des emplois détruits.

-Les travailleurs dont l’emploi disparaît n’ont pas - la plupart du temps - le niveau de formation et de qualification nécessaire pour occuper les nouveaux postes créés

( on ne reconvertit pas un ouvrier peu qualifié en ingénieur sauf exception )

- tant que le système capitaliste ne recherche que la maximisation du profit en compressant au maximum les coûts, il est inévitable qu’il cherche à économiser le plus possible les coûts en personnel qui constituent le principal poste de dépense d’une entreprise.

 D’où une course effrénée et perpétuelle pour diminuer le nombre d’employés, d’abord au niveau le moins qualifié puis, au fur et à mesure que le progrès technique le permet, à des niveaux de plus en plus qualifiés.

Hier, les manœuvres, aujourd’hui les emplois de basse qualification, demain les techniciens, après-demain les ingénieurs ?

Les grands-prêtres du modèle financier et ultralibéral vivent dans une illusion totale et un aveuglement complet ( ou font preuve d’ un cynisme parfait ! ) lorsqu’ils prêchent que le modèle ultralibéral est le seul capable de créer de l’emploi pour tous, pour peu qu’ on le laisse fonctionner librement, sans aucune entrave ni règle étatique .

C’est, hélas, tout le contraire, ce modèle, aujourd’hui, détruit de plus en plus d’emplois et est de moins en moins capable d’en créer de nouveaux en quantité identique. 

 Ce qu’il faut donc changer , ce sont les objectifs et  valeurs du système .

 Le profit financier, le travail ,le mérite personnel qui sont autant de valeurs à la base du modèle ultralibéral doivent être complétés par les notions de profit social, de valeur ajoutée collective et de responsabilité personnelle et solidaire.

Dans un tel cadre, la destruction d’emplois n’est plus une priorité à condition que l’entreprise soit bénéficiaire. La préservation de l’emploi prime alors sur la maximisation du profit.

Nous n’irons pas plus loin à ce stade et nous réserverons à des développements ultérieurs à l’examen des conditions, des implications concrètes et des conséquences d’une telle transformation.

 


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