L’avancée du 100% monnaie

par André-Jacques Holbecq
dimanche 18 mai 2014

Martin Wolf, éditorialiste du Financial Time, dans un article du 24 avril 2014 intitulé " Strip private banks of their power to create money " (que vous pouvez retrouver sur ce lien) pense que la prochaine crise verra la mise en place d’un système monétaire à réserves totales (100% money) : "This will not happen now. But remember the possibility. When the next crisis comes – and it surely will – we need to be ready" ("ceci ne va pas advenir aujourd’hui. Mais souvenez-vous de cette possibilité. Quand la prochaine crise arrivera – et ça aura lieu – nous avons besoins d’être prêts")

Il faut dire que depuis quelques années cette proposition imaginée par Irving Fisher en 1936 lequel tirait les conclusions de l’ensemble des débats entre l’École de la circulation et l’École de la banque (Currency school et Banking school) revient dans la réflexion des économistes et sans doute bientôt dans le public : nous ne pouvons que nous en réjouir.

En France Maurice Allais reprends la proposition de Fisher en l’améliorant (dans "la crise mondiale d’aujourd’hui") . Christian Gomez l’un de ses anciens élève devenu "grand banquier" écrit un article fondamental sur ce sujet ("Une "vieille" idée peut-elle sauver l’économie mondiale ?" Un réexamen de la proposition d’une réforme radicale du système bancaire : L’imposition d’un coefficient de réserves de 100% ") . Gabriel Galand (de "Chômage et monnaie") présente lors du colloque monnaie des économistes atterrés en mars 2012 "Une monnaie à garantie totale, une vieille idée qui fait son chemin" . Votre serviteur pour sa part tente une vulgarisation de ces propositions en lui attribuant un nom plus accrocheur : le SMART (Système Monétaire A Réserve Totales)

En 2012 toujours, deux économistes du FMI, Jaromir Benes and Michael Kumho, publient en anglais une étude extrêmement détaillée et approfondie " The Chicago Plan Revisited " que résume Gaël Giraud dans la "Revue Banque" sous le titre "Rendre le monopole de la création monétaire aux banques centrales ?", et dans lequel il explique que cette étude "montre [...] que le 100% money remplirait très probablement ses promesses s’il était mis en œuvre : réduction de l’amplitude du cycle du crédit, disparition du risque de bank run, réduction des dettes publique et privée".

Réserver à la collectivité les gains de la création monétaire
- L’émission et l’utilisation de la nouvelle monnaie – totalement gratuite (sans intérêts) – fait partie des prérogatives du Gouvernement, du Parlement et de la Banque Centrale, mais toute autre formule démocratique qui aurait son mot à dire sur la quantité de monnaie annuellement créée peut être mise en place (ie ; intervention de la Cour des Comptes par exemple). C’est en définitive le Trésor Public qui en est destinataire et ce montant annuel (de quelques pour cents de la masse monétaire déjà en circulation soit pour fixer une idée, entre 50 et 100 milliards d’euros annuels pour notre pays) correspondant à une recette de l’État. Celle-çi augmentera d’autant les capacités d’investissement collectives : on retrouve ici d’ailleurs une idée proche de celle du néochartalisme.

- D’autres avantages plus techniques sur lesquels je ne m’étendrai pas ici, et en particulier la possibilité (il s’agit d’un choix politique) de "geler" environ 2/3 de la dette publique.

Une organisation bancaire bien différente.

- Les banques de dépôt (les "Compagnie de Service Monétaire" ou CSM, dans la terminologie de Christian Gomez) devront observer un coefficient de réserves de 100 %. Tous les comptes de chèques ne pourront faire circuler que de la monnaie déjà "en caisse". Le but est d’aligner toutes les formes de monnaie bancaire sur les billets de la Banque Centrale et d’inverser la règle actuelle qui veut que "les crédits font les dépôts". La monnaie sera remise aux banques de dépôts contre la partie de leurs actifs qui correspond à leurs prêts : il y aura donc substitution de cette monnaie aux titres des banques et un coefficient de réserves de 100 % sera appliqué à tout moment.

- Les dépôts étant entièrement reliés aux réserves, tous les instruments de paiement se comporteraient comme s’il s’agissait d’une circulation de monnaie de Banque Centrale (monnaie fiduciaire) .

- L’épargne serait gérée par un autre type de banques, les banques de prêts, intermédiaires entre les emprunteurs et les épargnants, sans aucune capacité pour elles d’utiliser l’épargne pour spéculer ni de prêter des sommes dont elles ne disposeraient pas.

Cerise sur le gâteau

Nos amis Suisses de VOLLGELD INITIATIVE, terminent la préparation (100 000 soutiens nécessaires et un peu de moyens financiers) d’une "initiative monnaie pleine" qui devrait aboutir à une votation nationale (et on peut se poser une question à cette occasion : à quand la mise en place du Référendum d’Initiative Citoyenne qui nous manque cruellement en France, soit disant phare de la démocratie ?)

Lors du lancement officiel de l’initiative nous essayerons de donner le maximum d’impact médiatique à cette véritable révolution en préparation et de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour expliquer tous les avantages de ce qui se retrouve selon les pays sous les termes de "monnaie pleine", "positive money", "100% money", "monnaie utile", "pouvoir monétatif" et "SMART". Mais il s’agit toujours à quelques détails près de la même proposition : les entreprises privées ne doivent plus disposer du droit d’émettre la monnaie, notre monnaie.

Article paru le 13 mai 2014 sur le blog http://www.gaullistelibre.com/


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