L’avenir de Jérusalem

par Leila
mardi 23 février 2010

Cette semaine, Haaretz a publié un article de madame Amira Hass faisant craindre que Jérusalem Est soit bientôt coupé de la Cisjordanie par Israël.

Amira Hass est une journaliste israélienne qui habite en Cisjordanie. Elle est connue pour ses positions contre la politique d’apartheid et la colonisation des territoires occupés, que ses articles dénoncent régulièrement dans Haaretz. Son dernier article, publié le 22 février, est le témoignage de ce qu’elle voit et entend sur le terrain.
 
Jérusalem Est sera-t-il coupé par Israël de la Cisjordanie ?
 
Ces jours-ci, à Ramallah, on peut voir partout des routes bloquées et l’asphalte arraché, ouvert comme une fermeture éclair. Que la municipalité prenne ou non la peine de mettre des pancartes, les gens savent ce qu’on est en train de faire - une nouvelle route, des bouches d’égout, un trottoir. Mais à sept ou huit kilomètres de là, aux points de contrôle de Qalandiyah et de Jaba, qui forment à eux deux la frontière méridionale de l’enclave de Ramallah, ce qui est en train de se faire n’est pas clair. Ce secteur, qui est entièrement sous contrôle israélien, est aussi la scène d’une construction intensive. Mais concernant ces travaux, on ne sait rien d’autre que des rumeurs sur les intentions d’Israël.
 
Chaque nuit pendant les quatre derniers mois, des bulldozers gardés par des jeeps de l’armée ont changé l’aspect du point de contrôle de Qalandiyah. Sa surface a été étendue, le nombre d’allées a été augmenté et un bâtiment avec des cabines a été ajouté. Quelquefois, le point de contrôle est fermé la nuit au trafic des véhicules pour éviter que le travail soit perturbée. Les gens se plaignent, de même qu’ils se plaignent des embouteillages dans Ramallah. Mais ici les plaintes n’ont pas le même aspect : Les gens sont perturbés à cause du manque de contrôle, du manque d’information et du pressentiment qu’il n’en sortira rien de bien. Pour un Palestinien, chaque point de contrôle conduit à voir le fait qu’Israël le considère comme sujet - quelqu’un qui n’a pas besoin d’être consulté et dont le bien-être n’est pas pris en considération.
 
Israël appelle le point de contrôle un « terminal » et lui associe une frontière légale entre l’Etat d’Israël et l’entité palestinienne. Pour les Palestiniens, le point de contrôle de Qalandiyah est une représentation physique du fait que pour la plupart d’entre eux, Jérusalem est devenu aussi lointain que la lune. La majeure partie des personnes qui traversent Qalandiyah sont des résidents palestiniens de Jérusalem. Une minorité sont des résidents de Cisjordanie qui ont des laissez-passer provisoires pour entrer en Israël.
 
Ceux qui vont à Jérusalem traversent le point de contrôle du nord au sud. Ceux qui vont à d’autres villes de Cisjordanie roulent trois kilomètres vers l’Est, pour arriver à la jonction de Jaba qui contourne Ramallah sur la nouvelle Route 60. Pendant la journée, les bulldozers israéliens sont occupés à étendre cette jonction. Le point de contrôle militaire de Jaba, qui contrôle l’entrée de Ramallah, contribue aussi à la formation des longs embouteillages qui caractérisent cette jonction.
 
Chaque matin et chaque après-midi, dizaines de milliers de véhicules traversent la jonction. Pour les Palestiniens, cette route est le seul axe nord-sud reliant la partie sud de la Cisjordanie à la partie nord. Pour les Israéliens, c’est la route qui transforme les colonies en banlieues de luxe de la capitale.
 
On pouvait trouver un écho des craintes engendrées par la construction à Qalandiyah dans une brève phrase du rapport publié lundi dernier par le gouvernement de Salam Fayyad. Comme d’habitude, il condamnait une longue liste d’activités israéliennes, y compris la « tentative d’étendre le secteur du point de contrôle militaire de Qalandiyah en tant qu’élément du plan pour séparer la Cisjordanie de Jérusalem ». Le gouvernement a-t-il une information concrète ? Non, ont répondu les fonctionnaires en réponse à ma question. Ils ne savent pas avec certitude, mais ils s’en doutent, et ils condamnent. En d’autres termes, le sceau de la servitude qui caractérise chaque Palestinien - la passivité, la crainte et le manque de l’influence - est reproduit par son gouvernement.
 
Selon les rumeurs, le véritable objectif qui se cache derrière l’expansion du point de contrôle de Qalandiyah est de resserrer la surveillance des résidents de Jérusalem qui le traversent. Ce n’est un secret pour personne que beaucoup de résidents palestiniens de Jérusalem travaillent à Ramallah. Certains même y vivent, en raison de la difficulté de trouver un logement convenable à Jérusalem. Et le ministère de l’Intérieur israélien cherche constamment à détecter les personnes dont il peut affirmer que « le centre de leur vie n’est pas à Jérusalem », ceci lui permettant de leur retirer leur statut de résidence.
 
La rumeur dit que tous les résidents palestiniens de Jérusalem devront un jour passer par Qalandiyah, quand les moyens de contrôle seront informatisés. Les transports publics de Jérusalem sont déjà obligés de passer par Qalandiyah ; on interdit aux autobus et aux taxis de passer de la jonction de Jaba au Hizmeh (point de contrôle de Pisgat Ze’ev utilisé par les colons). On interdit aussi aux résidents de Cisjordanie qui ont des laissez-passer pour Israël de passer par Hizmeh.
 
Les seuls Palestiniens qui ont la permission de passer par Hizmeh sont les résidents de Jérusalem en voitures privées qui roulent pare-choc contre pare-choc au milieu des voitures des colons entre Eli et Migron. Et les rumeurs disent aussi, à Ramallah et Jérusalem, qu’à plus longue échéance, ils seront obligés eux aussi de passer par Qalandiyah. Si tous les résidents de Jérusalem étaient obligés de passer par Qalandiyah, Hizmeh serait totalement interdit aux Palestiniens ; on ne permettrait le passage qu’à des colons et à d’autres Israéliens.
 
D’autres rumeurs parlent d’une voie spéciale qui serait aménagée à Qalandiyah pour les VIPs et les diplomates. Les activistes de Machsom Watch l’ont entendu dire par des soldats et des gardes de sécurité en poste à Qalandiyah. Aujourd’hui, pour ne pas perdre leur temps précieux, les diplomates et les VIPs passent par un croisement particulier pour privilégiés, situé à l’est de Ramallah près de la base militaire de Beit El. Mais si une voie spéciale était installée pour eux à Qalandiyah, la route sur laquelle est situé le point de contrôle de Beit El pourrait être bloquée de façon permanente. On pense que les VIPs verraient d’un bon œil une voie rapide spéciale à leur intention, séparée de la route utilisée par les mortels ordinaires.
 
Mais une source israélienne des services de sécurité a dit à Haaretz que ces rumeurs sont infondées. Personne n’aurait l’intention de fermer le croisement de Beit El ; personne n’aurait donné l’ordre d’ouvrir une voie spéciale pour les VIPs à Qalandiyah, et personne n’aurait l’intention de forcer les gens à passer par Qalandiyah pour empêcher les Palestiniens de passer par Hizmeh.
 
Le porte-parole de l’armée israélienne a déclaré que « les travaux en cours sont dus à une combinaison de considérations de sûreté et de considérations de transport, le but étant d’améliorer la vie des citoyens palestiniens et israéliens qui traversent cet emplacement, et de diminuer la charge de trafic ». Il a ajouté que de nombreux accidents se sont produits à la jonction de Jaba.
 
Concernant le problème des résidents palestiniens de Jérusalem qui utilisent le croisement de Hizmeh, le porte-parole a déclaré : « actuellement, aucun changement ne peut être envisagé ». Ce qui nous laisse avec une question : que signifie « actuellement » ?
 
 

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