L’aveu de Merkel ou le caillou dans la botte otanesque (Partie I)

par Patrice Bravo
mardi 3 janvier 2023

La sortie inattendue de l'ex-chancelière allemande Angela Merkel n'est que la confirmation de ce qui en a toujours été chez les atlantistes ! Elle n'a fait que reconnaître, en tant qu'ex-chancelière et officielle, l'attitude hypocrite et les turpitudes de l'Occident envers le reste du monde et non seulement la Russie. « Être un ennemi de l'Amérique est dangereux ; mais être un ami de l'Amérique est fatal » (H. Kissinger).

Exécrable tromperie, ordonnée par les Etats-Unis. Leur orgueil les focalise uniquement sur ce qu'ils pensent et font eux-mêmes et de décider ce qui est valable ou interdit pour les autres suivant cette prétention impériale de supériorité morale, culturelle et militaire sur le monde qui n'est pas occidental. Quand on compte, dit-on, égoïstement seul, on trouve toujours un « bonus » pour soi. La devise amorale des impérialistes se résume ainsi : je mens, je triche, je vole les richesses d'autrui, je provoque pour dominer si nécessaire par la force armée, et si ça se gâte, je négocie pour gagner du temps et accumuler afin de pouvoir recommencer plus tard dans d'autres circonstances !

Une exécrable tromperie, ordonnée, bien entendu, par les Etats-Unis, que met à jour Angela Merkel à propos des accords Minsk 1 et 2. Huit ans après leur signature, sans la moindre tentative de les faire respecter malgré les récurrentes sollicitations de la Russie, sous de multiples provocations en plus. Poutine a dû jouer sur la patience, la rationalité et la sagesse ; en quelque sorte « suivre le menteur jusqu'à la porte de sa maison » (proverbe algérien). L'ancien Président Petro Porochenko l'a dit avant Merkel (avec plus de précisions) en juin 2022 à plusieurs médias occidentaux et personne n'y a donné du crédit parce que la volonté et le pouvoir de les faire appliquer revient à l'Otan en priorité aux USA. Comme cette fois, c'est Merkel qui l'a affirmé, cela prouve que la non-application des « deux Minsk » faisait partie incontestablement de la stratégie des Etats-Unis via l'Otan ! On se permet même le culot navrant de l'inversion accusatoire en s'évertuant sournoisement à vouloir porter la responsabilité du non-respect des accords à la Russie.

Un aveu par regret et patriotisme ? Angela Merkel, certainement à bout et par patriotisme, voyant aujourd'hui son Europe et plus précisément son pays la puissante Allemagne (que le gouvernement actuel de Olaf Scholz est impuissant à défendre) – le moteur de l'économie européenne – sombrer inexorablement dans la récession et la désindustrialisation, a dû peiner pour trouver une sortie afin de mettre un terme aux pressions américaines imposant un suivisme aveugle, destructeur, menant vers une faillite énergétique et industrielle, mais ignoblement sans effets significatifs sur l'économie des USA qui s'en est bien prémunie. On cite un montant des programmes de renflouement et de sécurité énergétique de 465 milliards de dollars (soit 12% du PIB). Elle a certainement réfléchi que seule la révélation de la tromperie aura pour effet d'altérer toute la stratégie et la propagande américaine contre la Russie, par le fait que ces accords ont été signés pour la duper afin de gagner du temps pour armer le proxy ukrainien en vue d'une guerre. (Révélation faite à l'hebdomadaire allemand Die Zeit). Par cette tricherie la responsabilité de la France, de l'Allemagne et du conseil de sécurité (qui ont parrainé ces accords en se portant garant), sur ce qui se déroule en Ukraine et la destruction de ce pays, est totale. Par cette action, elle confirme ainsi que l'opération militaire tardive russe est entièrement justifiée sur tous les plans, dont moralement. La Russie, qui a respecté ces accords, est donc dans son bon droit en intervenant militairement en Ukraine.

L'autre idée est que l'acte terroriste des « alliés », qui ont détruit le North Stream 2, qui allait permettre la survie de l'Allemagne en tant que puissance, provoquant la colère des Allemands, a certainement suscité la riposte catégorique de Merkel qui a compris les véritables objectifs des USA contre son pays. A savoir empêcher l'Allemagne, le moteur de l'Europe et donc l'un des principaux pilier soutenant la puissance américaine, de mettre un pied dans le monde eurasiatique plus prometteur et sécurisé que le modèle américain. L'Allemagne, aujourd'hui, est obligée d'acheter son énergie aux USA 3 à 4 fois plus cher qui rendront ses produits plus onéreux que les produits américains, au lieu de l'avoir directement de la Russie à bon marché. Par effets d'entrainement ce sera tous les produits européens qui ne seront plus compétitifs. Ce n'est pas tout : à l'instigation évidemment de son curateur les USA, la Pologne se permet, en ces moments de crises, de réclamer à l'Allemagne environ 1300 milliards de dollars en réparation des dommages causés par la Seconde Guerre mondiale.

Berlin répond qu'il n'a rien à payer estimant avoir déjà payé. Ils veulent manifestement son écrasement. On peut comprendre que la sortie de Merkel, pressentant l'inéluctable victoire de la Russie, vise à annihiler toute idée de « cessez-le-feu » précoce qui ne peut être que ruse et à entraver l'action dominatrice et paralysante américaine afin d'accélérer la fin de son hégémonie en Europe qui équivaut à la fin de l'Otan. Sur le « cessez-le-feu », Kissinger a fait une étrange proposition dernièrement qui va dans le sens des discussions informelles sur les « négociations » et la « trêve de Noël ». Une arnaque comme celle que révèle Merkel qui vise aussi à gagner du temps pour renflouer les forces ukrainiennes avec de nouvelles armes et munitions. Kissinger propose carrément un retrait russe sur les lignes d'avant le 24 février, puis Donetsk, Lougansk, et la Crimée « pourrait faire l'objet d'une négociation après un cessez-le-feu », si impossible alors des « référendums dans ces territoires pourraient s'avérer une alternative ». Pourquoi pas ? Quand la sénescence des 100 ans d'âge sera reconnue érudition.

Merkel doit espérer, ainsi, soit un réveil des peuples européens, seuls à même d'imposer une paix en conformité avec les légitimes craintes et exigences sécuritaires russes, soit donner un prétexte acceptable, le moins humiliant, aux responsables européens pour arrêter la ruine et la débâcle en suivant, unis, la seule voie des négociations sécuritaires mutuelles, qu'excluent bien-sûr (pour le moment) les décideurs/tuteurs américains et leur annexe anglaise. Dans tous les cas, son aveu reste un caillou douloureux dans la botte otanesque ! 

Aveu qui décrédibilise l'Europe en démontrant son « béni-oui-ouisme ». Bien que frustrant pour la Russie, cet aveu rend légitime les arguments de la Russie au sujet de son intervention en Ukraine. Le Président russe trouve cela « inattendu » précisant « cela déçoit. Franchement, je ne m'attendais pas à l'entendre de la part de l'ancienne chancelière fédérale. J'ai toujours considéré que les autorités de l'Allemagne étaient sincères avec nous ».

Les révélations de Merkel ont fait réagir l'ancien vice-chancelier autrichien Heinz-Christian Strache qui ne semble pas content par cette révélation (il n'est pas le seul) jugeant que « c'est effrayant la franchise avec laquelle Mme Merkel en parle. De cette manière, nous détruisons toute base de confiance ». Il est vrai que cela sape la crédibilité de l'Occident, mais il doit savoir que les atlantistes ne peuvent pas être crédibles et de confiance quand ils réalisent des objectifs égoïstes, malsains, qui sèment la mort, par le mécanisme de corruption US. Ils n'ont jamais eu vraiment de « fondements » ni de « principes » ni d'actions sérieuses ; du moins lorsqu'ils sont confrontés à un jeu d'intérêts illicites ou à des faits intolérables. C'est bien dans l'adversité que les principes et valeurs s'attestent et non en situation de paix.

Grâce à cette guerre chez eux, provoquée par eux-mêmes, toutes leurs sournoiseries, leur hypocrisie et leurs boniments, cachés sous un sophisme futile, sont mis au grand jour. Ce seront tous les pays du monde qui regarderont désormais avec un autre œil plus vigilant, une autre approche plus prudente tout accord avec l'Occident. C'est à se demander si le Brexit ne serait pas un stratagème américano-anglais visant à détacher le royaume uni d'une Europe prévue comme lieu d'une confrontation afin de la préserver des éventuelles graves conséquences d'une guerre programmée, par proxy ukrainien, contre la Russie. Au regard des faits et de l'évolution de la situation, c'est certainement le cas. L'Europe, notamment l'Allemagne et la France, est ainsi doublement dupée.

L'Allemagne et la France (dans le sillage du reste de l'Europe), ainsi ridiculisées pour manquement à la parole donnée, (malgré la ridicule et inutile tentative de Macron de sauvegarder les accords en proposant un ... 3ème Minsk), sont totalement discréditées et disqualifiées pour mener quelconques négociations de paix ou de médiation et ce, sans évoquer les atteintes graves, récurrentes, aux usages diplomatiques (fuites intentionnelles d'informations aux médias par Macron, par exemple). Désormais, le maître de jeu, seul, peut engager sa bonne foi en proposant d'autres assurances de façon digne de confiance que celles coutumières. L'Europe n'étant qu'un faire-valoir, par son rôle de subalterne, pour mettre en œuvre les visées de Washington. Même sa pseudo presse dite « mainstream » (écrite et visuelle) endoctrineuse, fourbe et raciste est animée par des plumitifs sans dignité, chargés de porter la voix de la « bien-pensance » de leur suzerain américain, lui obéissant en toutes circonstances. L'UE est bien dans la relation « maître-élève » du fait de sa dépendance stratégique, sécuritaire, militaire et économique des Etats-Unis.

Dès lors le « béni-oui-ouisme » des temps coloniaux apparaît moins humiliant que le « béni-oui-ouisme », d'aujourd'hui, du Conseil de l'Europe sur les questions de souveraineté politique, économique et culturelle, ainsi que sur le cas de l'Ukraine. Les dirigeants européens sont responsables de ce qui arrive sur leur continent. La faute leur incombe pleinement !

à suivre

Amar Djerrad, journaliste et analyste algérien

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