L’école d’aujourd’hui vue par un fils d’enseignants des années 70

par Christophe DEGANG
vendredi 2 février 2024

Ca m’a fait mal d’écrire ce titre. Quel coup de vieux ! Au moins, cela me permet de produire un article plus court que celui que je prépare sur la démocratie pour dans quelques jours.

Je suis né en 1969. Mes deux parents étaient instituteurs, professeurs des écoles comme on dit aujourd’hui.

Ils ont commencé leur carrière dans une petite commune où le « maitre d’école » faisait partie des trois personnalités marquantes aux yeux des habitants avec le maire et le curé (Don Camillo, sors de ce corps).

Ils bénéficiaient à l’époque d’un logement de fonction attenant à l’école, ce qui me permettait d’aller en classe en pyjama. A trois ans, je savais lire.

Ils ne payaient donc pas de logement (je ne sais pas comment ça se passait pour la consommation d’eau, d’électricité et probablement à l’époque de mazout), n’avaient pas de frais de route pour aller bosser ni de frais de baby sitter pour l’adorable bambin que j’étais (c’est plus tard que j’ai changé. Muté ?).

L’année scolaire se terminait au 30 Juin et reprenait au plus tôt au 15 Septembre. A l’époque, les vacances en camping duraient assez longtemps pour qu’au retour je ne passe plus en courant sous la table comme au moment du départ. Aïe !

Pourtant, à l’époque les élèves savaient lire, écrire (proprement, je crois que j’ai été un précurseur de l’écriture de cochon), compter. Qui n’a pas vu de magnifiques pages calligraphiées de l’époque ou des sujets de certificats d’étude. Il faut dire aussi qu’à l’époque on ne cherchait pas à nous formater à la mondialisation en nous apprenant à parler anglais entre deux gorgées de biberon. Ca faisait du temps gagner pour le reste.

Il s’agissait d’un véritable métier attractif, de vocation, un métier qu’ils avaient choisi dès le bac en allant à l’école normale (je ne sais d’ailleurs même pas si l’orientation ne se faisait pas encore plus tôt et si l’école normale elle-même ne les préparait pas au bac).

A partir du CE2, j’ai eu la chance et l’immense privilège (comprenez par là que j’étais celui à qui on pouvait mettre des baffes pour intimider les autres sans être inquiétée par les parents) d’être dans la classe de ma mère pendant deux ans. Oui, c’est ça, deux ans de baffes.

Tous les élèves vouvoyaient ma mère, même moi qui pourtant la tutoyais à la maison.

Et petit à petit, j’ai vu les choses changer. Mes parents ne bénéficièrent plus de leur logement de fonction et durent contracter un crédit pour se loger. Loin de l’école, bien sûr, et ils durent donc prendre leur voiture pour venir travailler, en faisant bien entendu un détour pour amener et aller chercher ma sœur chez la nounou.

Puis j’ai grandi et quitté l’école. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque je revins à l’occasion d’un évènement scolaire, kermesse ou quelque chose comme ça. Les élèves tutoyaient maintenant leur enseignant. A ce moment-là, je me suis dit que quelque chose partait en c… (je sais, ce n’est pas poli, mais c’est les seuls mots assez forts que j’ai trouvés). Je ne me trompais pas.

A l’aube de la retraite (55 ans pour mon père, et 52 pour ma mère qui avait eu trois enfants. Aujourd’hui, elle aurait 12 ans de plus à faire), mon père me disait. « Tu vois, lorsque j’étais en début de carrière, une année de salaire me permettait d’acheter une voiture française haut de gamme (ma chère DS). Aujourd’hui, c’est toujours le cas, sauf que je suis en fin de carrière et que mon « pouvoir d’achat » (quel terme mal à propos) n’a pas progressé comme il l’aurait dû ». Et oui, on avait déjà gelé le point d’indice pour faire des économies. L’intérêt général, ça coûte cher. D’ailleurs, dans la tête de nos gouvernants, les TIGE sont une punition.

Aujourd’hui, où en sommes-nous ? Des enseignants mal payés, dont l’image aux yeux des habitants s’est dégradée, n’inspire plus le respect, qui pour certains se sont orientés vers le métier non par vocation mais comme une solution de repli après un échec dans des études plus valorisantes, voire même ont été recrutés par speed dating et jetés devant des classes surchargées sans formation. Ce n’est pas l’âge de départ à la retraite qui les attire, il est maintenant le même que pour tout le monde.

Mais bien sûr, pour le sieur Macron, le mauvais état actuel de l’éducation nationale est dû aux grandes vacances qui sont trop longues (pourtant déjà raccourcies d’un bon mois). Après ça, il connait le métier. Il a donné des cours particuliers lorsqu’il était jeune.

Nous avions un des meilleurs systèmes éducatifs du monde mais que la politique, par son obsession de faire des économies sur ce qui représente le bien commun (éducation, justice, santé,…) a abîmé au point de dire maintenant que ça coûte cher mais que ça ne marche pas. Bien évidemment, si on achète une Ferrari, ça coûte cher, mais si on ne l’entretient pas, ça finit par ne plus rouler.


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