L’Église Catholique et les traductions

par Rémy Mahoudeaux
lundi 18 novembre 2019

« Tempête dans un bénitier » se gaussait le bouffeur de curés Georges Brassens, non sans humour, pour fustiger l’abandon du latin suite au concile Vatican II, et l’adoption des langues dites vulgaires pour la liturgie de la Messe. Ici et maintenant, la force du vent ne causera sans doute pas de houle susceptible de faire chavirer la barque de l’Église de France. Sa Conférence des Évêques a annoncé la validation par les autorités Vaticanes d’une nouvelle version du Missel, ce gros bouquin où est inscrit le texte liturgique conforme au canon. Elle sera opérationnelle en 2020.

Certes, un effort essentiel avait déjà été fait il y a peu, en remplaçant dans la prière du Notre Père un fautif « ne nous soumet pas à la tentation » par un « ne nous laisse pas entrer en tentation ». Il en est qui déplorent encore la version dissidente « ne nous laisse pas succomber à la tentation ».

Des changements se seront fait attendre durant des décennies : la prière sur les offrandes dont la version actuelle est une traduction « bâclée » se voit maintenant traduite d’une façon convenable.1 Même s’il est prévu que puisse perdurer la forme actuelle.

Autre changement : la version française du Credo de Nicée-Constantinople voit le retour du « consubstantiel au Père » qui remplacera le « de même nature que le Père ». Peut-être qu’un jour l’auteur de ces lignes comprendra la nuance qui lui échappe encore …

Il y a des invariants aussi : le nouveau Missel continue de traduire dans le « confiteor » le « mea culpa, mea culpa, mea maxima culpa » par un sobre « oui, j’ai vraiment péché ».

Il n’est pas question de faire ici ni une liste ni un commentaire des novations ou non de ce Missel, mais pour ceux qui veulent approfondir, un frère dominicain qui ne manque pas d’humour a pépié une séquence2 que vous trouverez au bout du lien : https://twitter.com/OBrother_op/status/1191644684445192192?s=20

Quelques réflexions personnelles d’un qui essaye d’être catholique et pratiquant et qui fût un cancre en latin, au point d’abandonner très vite l’apprentissage de cette langue.

Le concile Vatican II s’est clôturé en 1965. En 1975, Monseigneur Marcel Lefebvre, ordonnait des prêtres sans l’accord du Vatican, entrant en dissidence et entraînant avec lui une partie des catholiques qui sont devenus suivant le langage commun « les intégristes ». Parmi les pommes de discorde, il y avait la question de la liturgie. Entre 1975 et 2020, 45 ans se seront écoulés. C’est une pure spéculation d’imaginer que ce presque-schisme ne se serait pas produit avec des traductions moins fautives, mais n’est-il pas déplorable qu’une telle durée soit nécessaire pour corriger des erreurs manifestes ?

Je suis et reste fan d’une liturgie où le fidèle comprend ce qui est dit parce que la barrière de la langue ne l’oblige pas à se plonger dans un missel avec traduction. Mais le latin est la langue officielle de l’Église Catholique et sa déshérence quasi-totale me semble une mauvaise idée. Servir son universalité, c’est apprendre à chaque fidèle que la Messe se dit aussi en latin, et faire en sorte qu’il puisse y participer parce qu’il y est préparé. Il y a des assemblées internationales comme lors des Journées Mondiales de la Jeunesse.

En lecteur fidèle de Claude Tresmontant et de l’abbé Jean Carmignac, je souhaiterais aussi que les traductions du Nouveau Testament dont on use dans la liturgie fassent ressurgir les traces des originaux hébreux hélas perdus des textes sacrés. Et si possible pas dans 45 ans …

 

1La version actuelle : « Célébrant : prions ensemble au moment d’offrir le sacrifice de toute l’Église. | Assemblée : pour la gloire de Dieu et le salut du monde. » devient « C : Priez frères (et sœurs), que mon sacrifice, et le vôtre, soit agréable à Dieu le Père Tout-Puissant. | A : Que le Seigneur reçoive de vos mains ce sacrifice à la louange et à la gloire de son nom, pour notre bien et celui de toute l'Église. »

2Vous ne voudriez pas que j’écrive en franglais « a tweeté un thread ».


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