L’église catholique le confirme : c’est bien son Dieu qui appelle à massacrer massivement dans l’Ancien Testament

par Pierre Régnier
mardi 1er octobre 2019

Les extraits rapportés ici sont limités au Livre de Josué (après quelques rappels du Deutéronome) mais je pourrais en trouver beaucoup ailleurs, et beaucoup d'autres aussi dans le Livre de Josué lui-même. Ils sont pris dans ma Bible de Jérusalem, rédigée par les dominicains de l'École biblique et éditée en 2001, c'est-à-dire après le Nouveau Catéchisme de L'Église Catholique (1998) que le pape Jean-Paul 2 présentait comme le Guide spirituel pour le XXIe siècle.

Je n'ai nullement l'intention de m'attaquer au Livre Biblique lui même, je n'ai aucune compétence pour le faire. Je veux seulement mettre en lumière, principalement pour mes jeunes amis catholiques qui n'en auraient pas encore pris connaissance, quelques-unes des "bonnes interprétations" de leur Église d'aujourd'hui.

Dans le Deutéronome, Dieu (Yahvé) montre à Moïse la terre qu'il donne à son peuple, le vaste territoire qui s'étend du Jourdain à la mer. Mais Moïse ne pourra pas y pénétrer. Il mourra en-deça du Jourdain et c'est Josué qui aura la mission de conquérir, avec l'armée de Dieu, les nombreuses cités qui sont sur ce territoire. Leurs habitants devront être dépossédés de leur pays. Josué devra leur proposer de le céder aux Israélites et, s'ils acceptent sans combattre, ils auront la vie sauve. Ils deviendront simplement les serviteurs du peuple de Dieu. S'ils résistent, ils connaîtront le sort des rois Sihôn et Og et de leurs peuples, qui furent exterminés (pas un n'en réchappa) parce qu'ils avaient refusé la traversée de leur pays aux Israélites en route vers la conquête de la Terre promise. 

Cette conquête commence par celle de la ville de Jéricho. Après que l'armée de Josué eut provoqué l'écroulement de ses remparts le peuple monta vers la ville. Ils vouèrent à l'anathème tout ce qui se trouvait dans la ville, hommes et femmes, jeunes et vieux, jusqu'aux taureaux, aux moutons et aux ânes, les passant au fil de l'épée (Jos 6 20)

Dans un premier temps, la conquête de la cité suivante, Aï, échoue parce qu'un israélite, Akân, s'était emparé d'une partie du butin (un beau manteau, de l'argent et de l'or), ce que Dieu avait formellement interdit. Alors Josué, prit Akân et le fit monter à la vallée d'Akor avec l'argent et le lingot d'or, avec ses fils, ses filles, son taureau, son âne, son petit bétail, sa tente et tout ce qui lui appartenait. Tout Israël l'accompagnait. Josué dit : "Pourquoi nous as-tu porté malheur ? Que Yahvé, en ce jour, t'apporte le malheur !" et tout Israël le lapida et on les livra au feu (Jos 7 24, 25).

La conquête victorieuse d'Aï peut alors commencer. Yahvé dit à Josué : Vois, je livre entre tes mains le roi de Aï, son peuple, sa ville et sa terre. Tu traiteras Aï et son roi comme tu as traité Jéricho et son roi. Vous ne prendrez comme butin que les dépouilles et le bétail (Jos 8 1et 2).

On prit vivant le roi de Aï et on l'amena à Josué. Quand Israël eut fini de tuer tous les habitants de Aï, dans la campagne et dans le désert où ils les avaient poursuivis, et que tous jusqu'au dernier furent tombés au fil de l'épée, tout Israël revint à Aï et en passa la population au fil de l'épée. Le total de tous ceux qui tombèrent ce jour-là, tant hommes que femmes, fut de douze mille, tous gens de Aï (Jos 8 23,24,25).

Josué incendia Aï et il en fit pour toujours une ruine, un lieu désolé jusqu'à aujourd'hui. Quant au roi de Aï, il le pendit à un arbre (Jos 8 28,29)

"Bonne interprétation" de l'Église d'aujourd'hui  :

Le roi de Aï, prince de la ruine et objet de malédiction, est pendu à un arbre afin que le péché qu'il incarne meure avec lui. Mais le péché ne sera définitivement vaincu que par le Christ, mort ignominieusement pendu au bois de la Croix, pour sauver les hommes de la mort.

D'autres rois seront pendus. Ayant connaissance de ce qui était arrivé dans les cités déjà conquises par Israël, ils se sont coalisés pour résister, mais l'armée de Dieu fut la plus forte. Voici comment est rapportée la victoire sur la coalision des rois du Nord : Tous ces rois s'étaient donné rendez-vous et ils vinrent camper ensemble aux eaux de Mérom pour combattre Israël. Yahvé dit alors à Josué : "Ne les crains pas car demain, à la même heure, je les livrerai tous, percés de coups, à Israël ; tu couperas les jarrets de leurs chevaux et tu brûleras leurs chars." Josué, avec tous ses gens de guerre, les atteignit à l'improviste près des eaux de Mérom et tomba sur eux. Yahvé les livra aux mains d'Israël qui les battit et les poursuivit jusqu'à Sidon-la-Grande et jusqu'à Misrephot-Maïm et jusqu'à la vallée de Miçpa au levant. Il les battit jusqu'à ne pas leur laisser un survivant. Josué les traita comme Yahvé lui avait dit : il coupa les jarrets de leurs chevaux et livra leurs chars au feu (Jos 11 5,6,7,8,9).

"Bonne interprétation" de l'Église d'aujourd'hui  :

La puissance de Josué réside dans son total abandon à la volonté de Dieu. Il fait comme Yahvé lui avait dit. Il préfigure ainsi le Christ Jésus dont la toute puissance sera l'obéissance jusqu'à la mort : "Non pas comme je veux, mais comme tu veux".

Une longue liste de villes et de rois vaincus par Josué (trente et un) figure par la suite. Les conquêtes se répètent sur le même modèle : Josué s'empara de Maqqéda et la fit passer, ainsi que son roi, au fil de l'épée : il les voua à l'anathème avec tout ce qui se trouvait là de vivant, il ne laissa pas un survivant ; il traita le roi de Maqqéda comme il avait traité le roi de Jéricho (Jos 10 28).

"Bonne interprétation" de l'Église d'aujourd'hui  :

L'anathème est le signe de la consécration à Dieu. Cette image de violence et de haine est celle du combat spirituel que mène le Seigneur afin de donner aux hommes la paix intérieure. Par ce combat, le Seigneur détruit en l'homme les racines du péché, les rois, et ne laisse régner que lui seul. L'anathème devient alors une image du baptême, grâce auquel les hommes sont sauvés du péché et deviennent enfants de Dieu.

Et encore, après une autre description de Josué exécutant le mandat de Moïse (Jos 11 17)

"Bonne interprétation" de l'Église d'aujourd'hui  :

Il s'empara de tous leurs rois. Dieu ne laisse régner que lui seul car lui seul est Dieu ; dans sa vie le chrétien doit apprendre à ne rien préférer à Dieu et à sa Parole.

Tout ça après que Yahvé eut énoncé, dans le Deutéronome, ses Dix Commandements, dont le très pacifiant Tu ne tueras pas.

Mais il faut revenir à Jéricho. Il y a dans cette cité une femme, Rahab, qui sait que tous les habitants de sa ville vont être massacrés, car elle a hébergé les espions de Josué venus préparer la conquête. Elle n'avertira pas ces habitants car elle a promis aux espions de ne pas le faire. Elle sera donc épargnée, avec sa famille rassemblée dans sa maison, quand tous les autres habitants de Jéricho seront massacrés.

"Bonne interprétation" de l'Église d'aujourd'hui  (face à Jos 2 18)

La maison de Rahab, dans laquelle toute sa famille attendra la venue de Josué, est l'image de l'Église dans laquelle les pécheurs, qui ont entendu l'annonce du Salut, attendent le retour glorieux du Christ. Dans cette maison, il n'y a plus rien à craindre : Josué et ses messagers l'ont promis. Rahab sera sauvée parce qu'elle a posé sur sa fenêtre le cordon écarlate ; les hommes, parce que le Christ a versé son sang pour eux.

Rahab est une prostituée, ce qui permet cette autre

"Bonne interprétation" de l'Église d'aujourd'hui  (face à Jos 6 22)

Rahab, la prostituée, ouvre les portes de la cité du péché pour y laisser entrer Josué, figure du Christ. Par elle, l'humanité pécheresse coopère à l'oeuvre du Salut : "Les publicains et les prostituées arrivent avant vous au Royaume de Dieu".

"Josué, figure du Christ", cela sera répété dans d'autres "bonnes interprétations". Mais nous en étions informés dès l'introduction au Livre de Josué, que je reproduis ici dans sa totalité

"Bonne interprétation" de l'Église d'aujourd'hui  :

 Le Livre de Josué raconte, certes, l'entrée des Hébreux en Terre promise, mais renvoie surtout au Christ, le Sauveur, venu dans le monde pour combatre le mal au nom de son Père, afin que l'homme ne s'éloigne pas de son amour. Ce qui doit en effet conduire la lecture, c'est l'identité entre le nom de Josué et celui de Jésus : deux noms qui n'en sont qu'un seul et unique qui signifie "Dieu sauve", "Dieu le Sauveur". L'ensemble du livre de Josué est une figure de la vie et de l'oeuvre qui seront celles de Jésus Christ. Le Dieu Sauveur fait entrer son peuple, l'humanité, dans la Terre promise, figure du royaume à venir, le Royaume des Cieux.

Lire Josué, c'est donc lire aussi l'histoire de Jésus qui n'est cependant livrée, dans son intégralité, que dans le Nouveau Testament et dont on ne peut négliger l'absolue nouveauté. C'est dans les évangiles que nous apprenons à connaître l'Homme-Dieu.

 

Il me semble qu'on peut assez facilement comprendre ce qui s'est passé : après la mort de Jésus, ses adeptes ont fondé leur nouvelle religion, le "christianisme", essentiellement sur la certitude qu'il était le Messie attendu, le Fils de Dieu, le Christ. Ils ont alors cultivé un sentiment de haine envers ceux de la religion précédente - dont les uns et les autres étaient issus - qui n'avaient pas la même croyance, ceux pour lesquels le Messie restait à venir. Ils furent même, pour de nombreux siècles, déclarés déicides.

Il me semble que, dès cette époque, le pire était en place. C'est un stupide dogmatisme criminel qui fut privilégié, aux dépens de la révolution spirituelle pacifiante qui aurait dû suivre l'auto-sacrifice de Jésus :

Plutôt que de rejeter la conception criminogène de Dieu, partout présente dans l'Ancien Testament, les "disciples" de Jésus dans l'Église naissante cherchèrent à l'intégrer à la conception évangélique, en l'interprétant de manière édifiante et "rassurante", compatible avec la Foi pacifiante.

Au vingtième siècle, presque 2000 ans après cette dramatique erreur, le Concile Vatican II rejeta - enfin ! - la judéophobie des chrétiens et l'accusation de déicides. Mais un demi-siècle plus tard, en 2019, la théologie criminogène de l'Église catholique est restée intacte. Toujours justifiée. Toujours enseignée aux nouvelles générations de croyants.

Entre temps elle a permis, avec la création de l'islam 6 siècles après la mort de Jésus, la relance de la croyance dans "les bons massacres commandés par Dieu pour de bonnes raisons", croyance valable durant la vie du prophète, qui le restera jusqu'à maintenant et jusqu'à la totale soumission du monde à la nouvelle religion abrahamique.

 

J'ai beaucoup d'estime pour le Président de la Fondation de l'islam de France, Ghaleb Bencheikh, musulman bien réellement pacifique et pacifiant, qui demande à sa religion de désacraliser la violence (voir Le Monde des Religions de septembre octobre 2019). Mais je ne vois pas par quel miracle la violence religieuse pourrait être désacralisée par sa religion sans que soit désacralisés son Coran et son fondateur Mohamed, qui fut lui-même un grand meurtrier.

J'espère cependant que Ghaleb Bencheikh obtiendra satisfaction mais, en attendant, je continue de penser que l'islam reste la plus criminogène des religions, et qu'elle devrait être interdite en France.

À l'inverse, il serait très facile à l'église catholique de rejeter l'attribution à Dieu des massacres commandés dans l'Ancien Testament, puisque ce serait là, selon moi, mettre enfin en concordance ses enseignements théologiques avec sa volonté d'appliquer ceux de Jésus de Nazareth, son propre fondateur, lequel tenta, jusqu'à accepter d'en mourir, de convaincre ses coreligionnaires que Dieu n'a jamais voulu que l'amour sur notre terre, et qu'il le veut universel.

 

Pierre Régnier

(auteur de Désacraliser la violence religieuse

éditions du Panthéon, avril 2016)

 

illustration : sur ma Bible de Jérusalem, citation de Luc (24, 45)


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