L’élevage sera intensif ou ne sera pas

par alinea
mardi 10 mars 2015

Les Cévennes abritent une agriculture de moyenne montagne. Choyée naguère, ce type d'élevage et de culture ( châtaignes, et surtout transformation des produits) était subventionnée pour garder au pays les jeunes, qu'ils soient du cru ou néo-ruraux.

Bientôt et dès les années quatre vingt, on s'aperçut que ces largesses avaient des revers : les dossiers demandés pour obtenir la DJA ( dotation aux jeunes agriculteurs) devaient inclure un budget, avéré, d'un salaire de SMIC au minimum pour le demandeur, en échange de quoi, SMI honorée ( nombre de bêtes ou d'hectares minimum - mais devenu énorme !-) il recevait une aide à l'installation, locaux, outils,etc, et un prêt du CA à un taux qui donnait à chacun l'envie d'un confort d'exploitation dans ces régions montagneuses où aucun gros engin n'est utile.

Je me souviens, pour la petite histoire, que les malins avaient constaté qu'ils avaient intérêt à emprunter et à placer leur dotation, le taux d'épargne étant nettement avantageux, plus haut que le taux de remboursement.

Le projet initial était la plupart du temps très idéalisé et les temps venaient vite où les remboursements prenaient la quasi totalité des gains. Pourtant le projet ne se faisait pas seul dans sa chaumière ; il était « aidé » par les techniciens agricoles et validé par les autorités départementales compétentes.

Un tri sévère se fit de cette façon.

Cependant, l'élevage de moutons ou de vaches se faisait en extensif et le berger menait paître ses brebis dans les châtaigneraies, les pentes abruptes, les plateaux, les landes, tandis que les vaches s'égayaient sur les hauteurs d' « alpages » avant de partir en transhumance en Margeride ou Aubrac, l'été. Les chèvres restèrent à la maison avec un coin de bancel ( ou faïsse , selon les vallées) pour prendre leur heure de soleil quotidien, la loi généreuse interdisait la réclusion sans récréation à l'air libre. Déjà les chevriers travaillant de cette façon, passaient leur vie à la fabrication du pélardon mais le vendaient comme des petits pains, et s'ils bossaient comme des esclaves, ils gagnaient bien leur vie cependant qu'ils n'avaient plus guère d'activités pastorales, pour ne pas dire plus du tout. Tandis que les bergers ramaient, mus seulement par leur passion des bêtes et des lieux.

Les bois restaient ouverts, les sentiers tracés et les touristes et les chasseurs en profitaient pleinement. Ces bois et ces landes étaient comptabilisés dans la surface déclarée et les pâtres en recevaient les subsides calculées par la PAC.

Les apiculteurs, pourtant légion dans ce pays de cocagne pour les abeilles, eux, ne recevaient rien ; on les disait individualistes, donc pas organisés en syndicat, mais ils finirent par s'adapter aux nouvelles conditions économiques, se mirent à transhumer et certains finirent par se regrouper en ateliers communs. Mais leur nombre fut divisé par dix !

Aucune culture à ma connaissance dans ces vallées hors les surfaces à foin et par ci par là quelques ares de grain pour usage personnel.

Entre la fin des années soixante dix et aujourd'hui, le nombre d'agriculteurs de la région a subi, comme dans le reste de la France, une chute spectaculaire.

Le texte qui suit raconte l'histoire de deux éleveurs, dans une vallée cévenole en Lozère ; on y comprend bien le but, par encore avoué, de la politique agricole commune ; commune à qui, on ne le dit pas ! :

« En mai 2010, comme chaque année, les agriculteurs cévenols ont fait déclaration des terres qu'ils exploitent pour avoir droit aux aides définies par la PAC (Politique Agricole Commune européenne). Comme chaque année, ils y inclurent alors les parcelles occupées par les châtaigneraies et les chênaies pâturées par leurs troupeaux de moutons et de chèvres, comme autorisé ; autorisation d'ailleurs confirmée par un arrêté BCAE (Bonnes Conditions Agricoles et Environnementales) du 28 mai 2009.

Mais le 28 juillet 2010 un nouvel arrêté BCAE soustrait des surfaces admissibles aux aides de la PAC les châtaigneraies et les chênaies pâturées.

Durant l'été 2010 de nombreux contrôles sont effectués dans les exploitations agricoles cévenoles.

Le 13 octobre 2010, un arrêté préfectoral revient sur l'arrêté de juillet et déclare les surfaces arborées à nouveau éligibles au dispositif. Mais, malgré cela, les contrôles effectués depuis juillet donnent lieu à rapport et les infractions à l'arrêté annulé sont néanmoins relevées : les surfaces arborées déclarées sont considérées comme éléments probants d'infractions aux règles de la PAC.

C'est le 19 octobre 2010 que le contrôle a lieu chez Denis Pinard-Legry, en son absence, sans tenir compte de l'arrêté du 13 octobre 2010, pourtant antérieur de 6 jours.

Une erreur aussi manifeste aurait pu et dû être facilement reconnue et rectifiée. Mais cela n'a pas été le cas : les agriculteurs pointés du doigt doivent payer des "amendes" proportionnelles au pourcentage de terres indûment déclarées, agrémentées de lourdes pénalités.

C'est une dizaine de paysans cévenols qui sont ainsi mis au pilori, dont deux, Denis Pit et Denis Pinard-Legry sont particulièrement frappés : ils sont, aux yeux d'une administration aveugle, de « gros fraudeurs ». Leurs déclarations comprenant plus de 20 % de parcelles « inéligibles » ils devront rembourser trois années « d'aides » PAC (avec effet rétroactif de la pénalité pour la période 2008-2010). C'est dire que c'est la survie de l'exploitation, et du paysan, qui est alors en cause.

Pendant plus de deux ans, la DDT-Lozère (Direction Départementale du Territoire), consciente de l'aberration de l'accusation et de la sanction administrative, refuse d'entériner le rapport incriminant du contrôleur d'octobre 2010. Les élus locaux dans leur ensemble, municipaux et départementaux, interviennent dans le même sens.

Mais de recours gracieux en recours contentieux, tous refusés par le Ministère de l'Agriculture, le dernier en février 2013, Denis Pinard-Legry et Denis Pit saisissent finalement le Tribunal Administratif le 27 juin 2013. Durant ce temps l'État continue à ponctionner les ressources des deux paysans cévenols.

Et le 6 octobre 2014, le Tribunal Administratif de Nîmes annule la décision du Ministère de l'Agriculture, et donne donc raison aux paysans cévenols. L'État dispose alors de deux mois pour faire appel.

Alors que le remboursement des sommes indûment prélevées à titre de pénalité auraient dû être en voie d'exécution, Denis Pinard-Legry apprend, en février 2015 et de façon indirecte, que l'État aurait fait appel de l'arrêt du Tribunal Administratif du 6 octobre, ce qui suspendrait toute procédure de restitution et de dédommagement. Les victimes seraient à nouveau coupables. Pourtant aucune notification du tribunal confirmant cet appel n'est reçue et les délais d'appel sont dépassés depuis le 6 décembre !

C'est dans ces conditions que le 24 février 2015, l'avocat de Denis Pinard-Legry écrit au préfet de Lozère pour qu'il réexamine la situation et prenne une décision sous quinze jours (avant la mi-mars).

Au bout de 4 ans et demi de lutte inégale Denis Pinard-Legry est usé physiquement et psychologiquement. Il est urgent pour lui et pour tous les citoyens du collectif qui le soutiennent que ce problème se résolve rapidement, dans le respect de la justice et de la raison.

Le Collectif citoyen de soutien aux paysans cévenols demande aujourd'hui, le 3 mars 2015, au Ministère de l'Agriculture, l'annulation de ces poursuites iniques, et le remboursement des sommes indûment prélevées au détriment de notre concitoyen Denis Pinard-Legry, soit plus de 30 000 euros.

Pour le Collectif citoyen de soutien aux paysans cévenols le cas particulier de Denis Pinard-Legry illustre dramatiquement la question de la pérennité de l'agro-pastoralisme en Cévennes, et souligne l'importance des enjeux économiques et environnementaux qui s'y rattachent.
Les Causses et les Cévennes sont inscrits par l'UNESCO à l'inventaire du Patrimoine Mondial de l'Humanité comme « paysage culturel de l'agro-pastoralisme ». Ceci suppose le maintien du sylvo-pastoralisme, essentiel à la préservation des espaces ouverts et favorisant la biodiversité, et reconnu comme telle par le Parc National des Cévennes.

Le Collectif citoyen de soutien aux paysans cévenols demande que les châtaigneraies et les chênaies cévenoles soient définitivement considérées comme éligibles aux aides, parce qu'elles sont toujours, comme par le passé, indispensables aux éleveurs et à la préservation des milieux cévenols.
Ce collectif, créé ce jour pour répondre à une injustice flagrante, pourra à l'avenir se mobiliser et intervenir face à d'autres situations de ce type. Il appelle tous les gens de bon sens et solidaires avec cette action à le rejoindre, prêt à leur communiquer toutes les informations dont il disposera. »

 Si toutefois vous aviez le désir de soutenir ces deux familles, plus, soutenir l'activité pastorale, je vous donne en lien le contact du collectif, et la pétition à signer et à faire passer.

Merci.

 

http://www.lecalbertois.fr/collectif

https://www.change.org/p/ministre-de-l-agriculture-et-son-repr%C3%A9sentant-local-le-pr%C3%A9fet-de-la-loz%C3%A8re-l-annulation-des-poursuites-iniques-et-le-remboursement-des-sommes-ind%C3%BBment-pr%C3%A9lev%C3%A9es-au-d%C3%A9triment-de-denis-pinard-legry


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