« L’empêchement » du président de la République

par Marcel MONIN
vendredi 1er mai 2020

 

« l’empêchement » du président de la République (*)

 

Les systèmes de recrutement par élection, (comme d’ailleurs le recrutement par la nomination) des personnes qui vont avoir un pouvoir sur les citoyens, reposent sur la pré-supposition que les candidats sont des gens « normaux » et qu’une fois en place, ils se comporteront « normalement ». (1)

Mais aucun système de recrutement n’empêche des personnes, bardées de diplômes, lauréates de concours sélectifs, mais ayant des personnalités à problème, étant affectés de pathologies, de s’installer dans des postes dans lesquels elles feront des dégâts. Sans qu’il existe toujours des textes qui (comme avec les dispositions sur les postes "à la décision du gouvernement") permettraient de mettre le « holà » aux dégâts . Textes qui organiseraient facilement et rapidement le remplacement des personnes …en réalité inaptes à l’exercice de leurs fonctions.

Sans que l’on s’aventure à évoquer l’idée, après que tel individu a été régulièrement installé dans un poste, qu’il puisse exister chez lui « quelque chose qui ne va pas ». Et sans que l’on ose (faute de le pouvoir d’ailleurs comme il vient d’être dit) en tirer les conséquences.

On se rappelle à cet égard le remplacement (trop tardif) du général Gamelin (2) .

La pratique de la constitution de 1958, qui s’est systématisée après le départ du général de Gaulle, a conduit le président de la République (sauf dans les périodes de « cohabitation ») à être l’inspirateur de la politique, et à se comporter comme le chef. Chef de tous et chef pour tout.

Or un Gamelin peut être élu président de la République.

Qui, comme ce dernier, avec ses tournures d’esprit et ses lubies, son déni des réalités, sa conviction que qu’il dit est « la » vérité et la réalité… pourrait être à l’origine graves situations. Du fait d’une série de décisions prises dans cet état d’esprit, ou du fait du refus ou de l’impossibilité psychologique d’en prendre,

Et pendant 5 ans, le volume des dégâts peut être considérable.

 

I. La constitution de 1958 pare-t-elle à ces dangers ?

A.  Quid de la destitution ( article 68 de la Constitution ) ? (10).

Le texte initial prévoyait une responsabilité pénale en cas de « haute trahison ». Le texte actuel (article 68 version 2007) se contente d’organiser une sorte de responsabilité à connotation toujours politique, puisque mise en œuvre par les parlementaires. Et conduisant à la « destitution » du président de la République (on dirait « renversement » pour le gouvernement). Responsabilité à cheval sur la notion de « faute » puisque la destitution n’est prévue qu’en cas de manquement aux « devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat ».

Ce qui ne correspond pas plus que la « haute trahison » de jadis, au cas de figure évoqué ci-dessus.

Sans compter que la destitution, compte tenu des majorités requises pour qu’elle soit adoptée, n’est techniquement pas envisageable.

Surtout que le concept de « manquement aux devoirs manifestement incompatibles avec l’exercice de son mandat, » laisse aux parlementaires une grande marge de manœuvre pour justifier (si le vent tourne) ou faire valoir (quand il s’agit de se concilier leur électorat) qu’ils n’ont pas voté l’éjection. Et puis, il faudrait se demander s’il est conforme aux traditions parlementaires de s’en prendre à tel membre de la classe politique au motif que ce dernier aurait manqué aux obligations de ses fonctions (3). 

B.  Quid de « l’empêchement » (article 7 de la constitution) ? (11).

Il reste à s’interroger sur les perspectives offertes par l’article 7 qui prévoit qu’en cas de vacance de la présidence de la République, ou d’empêchement « définitif » du président de la République, le président du Sénat assure l’intérim (avec une amputation (4) de ses compétences par rapport à celles du président de la République). Avec comme mission première, d’organiser de nouvelles élections dans les meilleurs délais. 

Quand le président de la République meurt, la question est réglée. Il y a « vacance ».

Quand il est « empêché », c’est moins net. Déjà, parce que la notion d’ « empêchement » est vague. Quand la maladie du président Mitterrand s’aggrava, le Premier Ministre et la classe politique s’accordèrent pour cacher les moments où l’homme pouvait paraître « diminué ». Surtout que le Premier Ministre E. Balladur se satisfaisait, à l’évidence, tout à fait de la situation, d’autant plus qu’il se trouvait dans une période de « cohabitation ».

a)  Quand le président de la République se révèle être une sorte de Gamelin (cas différent du précédent) , la question est (hélas) encore moins réglée. Et c’est la catastrophe qui peut alors être « en marche ». L’article 7 laisse en effet le gouvernement initier la procédure.

1/  Il se trouve que la constitution ne traite du gouvernement, lorsque des décisions doivent en émaner, que du conseil des ministres, nécessairement présidé par le président de la République. Conseil des ministres dont l’ordre du jour est arrêté par le président de la République. Or, dans le cas de figure dans lequel il s’agirait de faire constater l’état d’un président de la République en exercice (à partir d’expertises ou à partir de constations de faits induisant l’empêchement), on voit mal un président de la République (qui serait quant à lui systématiquement certain d’avoir raison et serait convaincu d’être en possession de tous ses moyens et de toujours bien faire), mettre à l’ordre du jour d’un conseil des ministres, le déclenchement d’une procédure dont l’objet serait de lui faire abandonner le poste

2/  Par ailleurs, les membres du gouvernement doivent leur poste au président de la République. Il peuvent faire parti de son entourage ; ils peuvent avoir contribué à son succès électoral, au sein de réseaux communs, et avoir partie liée avec lesdits réseaux. Une fois en place, ils font corps avec le chef de l’Etat dans la politique qui est arrêtée par lui, et qu’ils approuvent et vantent sauf à prendre le risque personnel de démissionner (5).

Et puis, la constatation de l’empêchement, provoquerait une nouvelle élection présidentielle, dont le résultat, ainsi que celui des élections législatives organisées dans la foulée, leur seraient probablement défavorables dans un tel contexte.

b)  C’est le Conseil constitutionnel qui prend la décision. Or, ses membres sont désignés par des politiques. Et leur fonction les amène à se prononcer dans un cadre politique. Ce qui ne les prédispose pas à constater la vacance à un moment plus qu’un autre.

Sans compter que les membres du Conseil constitutionnel, qui dans le passé, ont su avoir une lecture des comptes de campagne qui permettait de laisser tel élu en place, ont la possibilité de botter en touche en estimant que le cas relève de la destitution.

 

II. Quelles améliorations apporter ?

A.  La prévention.

La première question qui vient à l’esprit est la suivante : comment éviter qu’un personnage « à problème » ne devienne président de la République (7). Cette question se pose d’autant plus que l’on sait que certains candidats peuvent être « fabriqués » par des communicants. A la demande de groupes de personnes qui attendent du futur président de la République (pour faire court) qu’il leur obéisse. 

Or, la personnalité est un élément incontournable du choix de l’individu à fabriquer et à « vendre » aux électeurs. Car des « déviances » chez l’individu, peuvent être le moteur du comportement attendu : Un individu narcissique ou un peu psychopathe n’est pas doté du même « moteur » psychique qu’un individu dont le cerveau le conditionne à être altruiste. L’un et l’autre ne feront pas la même chose (avec les conséquences sociales, financières ou autres y attachées).

Il ne serait donc peut-être ni choquant pour des personnes appelées à exercer plus de pouvoirs que les gendarmes (qui sont soumis à des examens psychologiques), ni contraire à aucun principe, que soient ajoutées aux conditions d ‘éligibilité, des conditions relatives aux aptitudes physiques et psychologiques des candidats (6).

B.    le déclenchement de la procédure de constatation de «  l’empêchement ».

On peut penser à quatre modifications à introduire dans les textes :

a)  ajouter « le défaut ou la perte des facultés physiques ou intellectuelles » à la « vacance » et à l’empêchement ». Pour couvrir les cas dans lesquels il pourrait arriver au président de la République, par l’effet de l’apparition d’une maladie, de subir une diminution de ses facultés. Et le cas dans lequel un individu aurait dissimulé lors de la déclaration de sa candidature, par divers artifices, son état physique ou psychique. 

b)    réformer la procédure de saisine. Si l’on conserve à un organisme juridictionnel la compétence pour constater l’empêchement, dont le défaut ou la perte de facultés, il faut trouver un autre « déclencheur » que le gouvernement (= les ministres sous la présidence du président de la République) . Puisque les préoccupations de carrière de chaque personne devenue ministre, ne peuvent être dissociées de la date et du contexte dans lesquelles se dérouleront les élections présidentielles, et probablement dans la foulée des élections législatives.

On peut à cet égard donner la saisine de l’organisme juridictionnel aux mêmes personnes que celles citées à l’article 61 al 2 (Premier Ministre, président de l’Assemblée nationale, président du Sénat, 60 députés, 60 sénateurs) auxquels on pourrait ajouter des autorités indépendantes, comme le Médiateur, et un certain nombre d’élus locaux ou, pourquoi pas, de citoyens.

c)   substituer une Cour Suprême au Conseil Constitutionnel. Remplacer le Conseil constitutionnel par un organisme séparé du monde politique n’est pas très difficile : il suffit de rassembler le Conseil d’Etat et de la Cour de cassation pour obtenir une « Cour suprême » (dans laquelle se fondraient le Tribunal des conflits et la commission de cassation des pensions). Dont les membres auraient certes une doctrine (8) , mais peut-être moins en relation avec des considérations d’opportunité politicienne.

d)  Subordonner la décision de la Cour Suprême à l’avis (consultatif) d’une commission de scientifiques. Composée de personnes compétentes et dont la trajectoire personnelle attesterait de leur indépendance. Les avis des experts valent ce qu’il valent, mais on ne connaît pas d’autre moyen d’éclairer les juges sur des questions qui ne sont pas juridiques.

A moins que la Cour suprême ne déduise la vacance de la constatation d’une série de faits matériels concordants.

C.  Remarque.

En dehors de toute modification du texte constitutionnel actuel, on doit envisager la situation dans laquelle un président de la République ferait d’aventure la preuve de son inaptitude (liée à des questions d’ordre psychologique) à décider ou à provoquer la prise de mesures cohérentes et de bon sens.

Par exemple pour surmonter un problème (majeur) et dans un contexte dans lequel d’autres décisions immédiates devraient être prises.

Situation (v. ci-dessus) dans laquelle le président de la République serait peu enclin à déclencher la procédure débouchant sur sa propre éviction. Situation (v ; ci-dessus) dans laquelle les membres du gouvernement associés aux errances immédiates, les ayant acceptées ou couvertes, et en ayant imposé le respect de ces dernières aux citoyens, ne seraient pas plus pressés que lui, de voir le président de la République quitter ses fonctions prématurément.

Devrait-on alors attendre la fin du mandat ?

Et, le cas échéant, devrait-on faire courir au pays le risque d’une guerre civile ou au président de la République celui d’avoir un accident inopiné ? Sans doute pas.

Il se trouve que si le Conseil constitutionnel en vient à constater l’empêchement définitif, le président « à problèmes » est obligé, de ce seul fait, de céder la place au président du Sénat. Donc, même si le Conseil constitutionnel n’est pas saisi par le gouvernement (puisque les décisions du Conseil ne sont pas contrôlées).

Quant à l’argumentaire juridique donnant un fondement à l’opération, il n’est pas très difficile à imaginer. (C’est ce que font souvent les juges, lesquels, après avoir choisi le dispositif de leur décision –« on dit oui » ou « on dit non »-, trouvent ensuite la motivation y conduisant).

Par exemple il suffit de poser :

a)  que les dispositions de l’article 7 de la constitution ne font qu’obliger le Conseil constitutionnel à statuer sur l’empêchement quand il est saisi par le gouvernement.

b)   et que rien n’empêche le Conseil constitutionnel (après qu’il aura recueilli des avis d’experts ou qui pourra simplement déduire l’empêchement d’un ensemble de faits), de statuer sur l’empêchement présidentiel, lorsqu’il résulte des circonstances (9) que le gouvernement est lui-même empêché de le saisir.

c)  et alors même, par ailleurs et en tout état de cause, que le Conseil constitutionnel tient sa compétence (constater l’empêchement) de la constitution et non de son mode de saisine.

d)   et enfin, s’il en était besoin, que le Conseil ne saurait refuser de statuer sur la vacance de la présidence de la République, sans méconnaitre les principes constitutionnels et les règles et objectifs constitutionnels des articles 2 , 3 et 5 de la constitution.

 

Marcel-M. MONIN

m. de conf. hon. des universités

( * )  Ces réflexions sur le statut du présent de la République (à un moment où l’action ou le comportement du président de la République en fonction font l’objet de critiques et d’affirmations de divers ordres, mais dont l’examen n’est évidemment pas l’objet de ces lignes), font suite aux remarques publiées sur AGORAVOX sous le titre : «  la vulnérabilité du président de la République » https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/la-vulnerabilite-du-president-de-223440?pn=1000#forum5735115

Il ne s’agit, comme il vient d’être dit, que de réflexions, susceptibles d’en produire d’autres, pouvant déboucher sur des propositions plus pertinentes de réforme du texte constitutionnel. Modifications justifiées par le fait que ce texte est utilisé par une classe politique n’ayant ni les mêmes conceptions de l’Etat, ni la même éthique personnelle que celles de l’inspirateur du texte de 1958. 

(1) Question que l’on ne se posait pas, au moins dans ces termes, sous l’Ancien Régime. Où l’on a pu observer que des rois qui étaient affectés de troubles psychologiques ont pu gouverner longtemps. En faisant des dégâts. Entre autres : https://www.youtube.com/watch?v=EJg4YgRGagY

2) Sorti premier de Saint-Cyr, promu général à 44 ans, Gamelin devint en 1931 chef d'état-major général de l'armée et membre du conseil supérieur de guerre. Jusqu’en 1939, il réforma l’armée française, selon ses idées. Dont la mise en œuvre s’est révélée catastrophique. Selon certaines appréciations, il se contredit sans cesse, manifesta des signes de mégalomanie, et laissa apparaître dans ses idées, confusion et contradiction. Mais il avait les faveurs des politiques, et ne sera remplacé, que … trop tard, en mai 1940. Sur Gamelin et Lebrun, v. aux alentours de la 33ème minute : https://www.youtube.com/watch?v=iftD8PvqraQ

(3) V. les motifs des renversements du gouvernement les IIIème et IVème Républiques ; v. la situation de tel ancien Premier Ministre, qui est à l’origine de l’engagement de la responsabilité pécuniaire de l’Etat du fait qu’il n’a pas signé à temps un décret prescrivant l’interdiction de l’utilisation du sang non chauffé. Mais qui n’a été ni sanctionné politiquement, ni sanctionné par la CJR, et qui a continué à faire carrière dans des postes de premier plan au sein de l’Etat. 

(4) Sans pouvoir ni organiser un référendum, ni dissoudre l’Assemblée nationale (version de 1958). Et sans que les procédures de renversement du gouvernement et de révision de la constitution ne puissent être mises en œuvre ( réforme de 1976). 

(5) Ce qui est dit ci-dessous ne porte évidemment pas sur la question de fond. Compte tenu du caractère évolutif des connaissances sur le virus "covid 19", il peut être difficile de prévoir aujourd’hui les mesures qui répondront à la situation de demain.

On s’attache simplement au lien « de subordination » tel qu'il est entretenu par les ministres dans leurs rapports avec le président de la République actuellement en fonctions (E. Macron). On évoquera entre autres exemples, le cas de Mme Buzyn. Qui confesse, mais après avoir quitté son poste de ministre de santé, qu’elle avait averti le président de la République et le Premier Ministre des dangers de la diffusion du « covid 19 », y compris au cours des élections municipales dont elle avait dit que leur maintien était aberrant. Mais elle ne démissionne pas parce qu’elle n’est pas écoutée et que les citoyens seraient en danger : elle démissionne ( sur commande semble-t-il- ) pour prendre la tête d’une liste aux élections municipales à Paris. Sans compter les nombreuses déclarations des ministres explicitement ajustées à la parole, à la personnalité, à la philosophie du « en même temps », aux hésitations du président de la République. On signalera à cet égard la déclaration du 28 avril 2020 du Premier Ministre devant l’Assemblée nationale. Qui se réfère à la date du 11 mai sortie de la bouche présidentielle, mais détaille des mesures de mise en œuvre qui n’ont en réalité, pour la plupart, pas beaucoup de rapport ( parce que ce n’est en réalité pas possible) avec la date en question. Le tout dans la célébration du verbe présidentiel («  le président de la République l’a dit ») … et la mise en œuvre du principe copié sur celui de l’infaillibilité pontificale, traduit par le Premier Ministre Edouard Philippe dans sa déclaration du 10 octobre 2018 : « Personne, jamais, ne mettra le début du commencement de la moitié d’une feuille de papier à cigarette entre le président de la République et le Premier Ministre ». Ce qui donne parfois, mais ce n’est pas l’objet de notre propos, des déclarations successives croquignolesques des ministres. Lesquelles sont raillées par les humoristes qui s’amusent à relever les propos contradictoires ou incohérents de ces derniers. Jadis certains membres du RPR disaient : « quand on n’a rien à dire, on le fait dire par Balladur ». Aujourd’hui, c’est au sein de laREM que l’on plaisante : « quand on a une sottise à dire, on la fait dire par … » https://www.youtube.com/watch?v=iYH097yQqOg&t=22s

(6) Cette question pouvant se poser (mais cela déborde le cadre de notre sujet) pour tout corps de métier : comment éviter qu’un crétin (diplômé) ne devienne enseignant, qu’un pédophile ne soit engagé comme éducateur, ou qu’un fonctionnaire municipal « idiot » ne soit chargé de tâches dans lesquelles il faut avoir du bon sens.

(7) Le fait que les tests ne sont jamais fiables à 100%, qu’ils soient améliorables, le fait qu’ils doivent être conçus de manière à respecter les doits fondamentaux, n’empêchent pas, sous ces réserves, qu’on les pratique quand ils s’avèrent nécessaires à la sauvegarde de l’intérêt général. Ce qui nécessitera quelques efforts intellectuels : on contrôle dans les aéroports les passagers pour savoir s’ils transportent des marchandises prohibées. Mais ( syndrome Gamelin ? ) on n’exerce aucun contrôle pour savoir si les passagers, y compris les passagers en provenance de zones infectées, sont possiblement porteur du virus « covid 19 ». 

(8) Il y a toujours le risque d’un « gouvernement des juges ». Lorsque le corps juridictionnel prend des décisions qui dépassent la surveillance du respect des droits et des libertés, et neutralise les réformes édictées par le pouvoir politique dans le dessein de conserver ou de faire conserver (v. certaines décision des « parlements » d’Ancien Régime) ou de faire obtenir des avantages particuliers. D’un côté, on a vu que le Conseil d’Etat s’est dégagé de ses origines, est devenu une véritable juridiction et , en l’absence de règles votées par les parlementaires, a mis en place une jurisprudence qui a réalisé un équilibre jugé satisfaisant dans l’ensemble, entre l’intérêt général d’une part, et la sauvegarde des droits et libertés individuels, d’autre part. D’un autre côté, on a parfois vu quelques magistrats du siège de l’ordre judiciaire, utiliser leur indépendance statutaire pour la mettre au service des puissants (cas des magistrats ayant accepté de faire fonctionner les « sections spéciales » de Vichy ; cas des magistrats qui ont, en conscience et librement, manié le code de procédure pénale dans un sens favorable à certains mis en cause. S’agissant des membres du Conseil d’Etat tout particulièrement, existe cependant une sorte de système de « pantouflage – rétro pantouflage » interne à la sphère publique : un membre du Conseil d’Etat peut remplir des tâches de conseiller d’un ministre, ou obtenir un poste de direction d’un service administratif … puis revenir au Conseil d’Etat. Où le «  re devenu » magistrat aura à se prononcer sur le point de savoir s’il censurera une décision qui est prise par son ancien ministre ou son ancien service. Il se trouve alors dans une sorte de situation de conflit d’intérêts. Qui n’est pas satisfaisante. Comme il n’est pas satisfaisant qu’un ancien énarque devenu inspecteur des finances ou membre de la Cour des comptes, devienne dirigeant d’une banque et puisse ensuite devenir membre du gouvernement ... En attendant d’aller ailleurs. Il est donc nécessaire que lorsque l’on est « magistrat » ( les membres des juridictions administratives ayant fini par avoir droit à cette appellation) on ne sorte pas du cadre strict du principe de la séparation des pouvoirs. Il n’est d’ailleurs pas scandaleux d’envisager qu’un magistrat (de l’ordre administratif, comme de l’ordre judiciaire) fasse carrière comme magistrat. Et que lorsqu’il change d’activité , à des conditions qu’il reste à déterminer, il ne puisse plus exercer de fonctions juridictionnelles. 

(9) v. entre autres la circonstance évoquée ci-dessus dans laquelle le gouvernement ne pourrait pas saisir le Conseil constitutionnel du fait de l’opposition du président de la République. 

(10) Article 68 ( rédaction depuis 2007)) «  Le Président de la République ne peut être destitué qu'en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat. La destitution est prononcée par le Parlement constitué en Haute Cour. La proposition de réunion de la Haute Cour adoptée par une des assemblées du Parlement est aussitôt transmise à l'autre qui se prononce dans les quinze jours. La Haute Cour est présidée par le président de l'Assemblée nationale. Elle statue dans un délai d'un mois, à bulletins secrets, sur la destitution. Sa décision est d'effet immédiat. Les décisions prises en application du présent article le sont à la majorité des DEUX TIERS des membres COMPOSANT l'assemblée concernée ou la Haute Cour. Toute délégation de vote est interdite. Seuls sont recensés les votes favorables à la proposition de réunion de la Haute Cour ou à la destitution. Une loi organique fixe les conditions d'application du présent article ».

(11) Article 7 (extraits). «  En cas de vacance de la Présidence de la République pour quelque cause que ce soit, ou d'empêchement constaté par le Conseil Constitutionnel saisi par le Gouvernement et statuant à la majorité absolue de ses membres, les fonctions du Président de la République, à l'exception de celles prévues aux articles 11 et 12 ci-dessous, sont provisoirement exercées par le Président du Sénat et, si celui-ci est à son tour empêché d'exercer ces fonctions, par le Gouvernement. En cas de vacance ou lorsque l'empêchement est déclaré définitif par le Conseil Constitutionnel, le scrutin pour l'élection du nouveau président a lieu, sauf cas de force majeure constaté par le Conseil Constitutionnel, vingt jours au moins et trente-cinq jours au plus après l'ouverture de la vacance ou la déclaration du caractère définitif de l'empêchement. »


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