L’estime de soi dans la prédiction de la réussite scolaire : une différenciation sexuelle

par D. Lafond
jeudi 10 mai 2007

Le présent article examine la relation entre l’estime de soi et la réussite scolaire dans une perspective différentielle basée sur le sexe.

Problématique

La piètre réussite scolaire constitue une préoccupation importante au Québec. En 2003-2004, 53.2% des élèves au second cycle du secondaire en formation générale ont terminé leurs études avec un diplôme (MELS, 2006). Les filles sont plus nombreuses que les garçons à être titulaires d’un diplôme du secondaire. Les conséquences de ne pas avoir de diplôme à cet ordre d’enseignement sont lourdes pour les jeunes. Entre autres, ils ont de la difficulté à s’insérer sur le marché du travail, car de plus en plus d’emplois exigent des compétences de niveau post-secondaire. Pour expliquer la faible réussite scolaire, de nombreux chercheurs stipulent que les jeunes manquent d’estime de soi.

Sexe et estime de soi

L’estime de soi est l’attitude qu’une personne à vis-à-vis elle-même. Alors que le niveau d’estime de soi des filles croît jusqu’à l’âge de 12 ans, il diminue lorsqu’elles ont entre 12 et 17 ans. Les garçons quant à eux voient croître leur degré d’estime de soi jusqu’à l’âge de 14 ans, puis décroître entre 14 et 16 ans. Les adolescentes et les adolescents expérimentent un premier déclin de leur estime de soi au début de leur puberté, c’est-à-dire entre 12 et 13 ans pour les filles et, entre 14 et 15 ans pour les garçons (Baldwin et Hoffmann, 2002 : 110).

Plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer ce manque d’estime de soi chez les filles et chez les garçons à ces âges. Entre autres, les filles n’apprécient pas les changements physiques (arrondissement des cuisses et des hanches, etc.) coïncidant avec la puberté. Pour celles-ci, ces changements signifient l’aliénation de l’image corporelle de la femme mince et svelte idéalisée par la société. Pour les garçons, les transformations physiques impliquent l’appropriation de l’image idéale masculine, de l’image du corps de l’homme athlétique musclé et bien bâti, à partir d’une forme corporelle perçue comme moins idéale (maigre, fragile, frêle et fluet). Le manque d’estime de soi des filles au début de leur puberté peut aussi s’expliquer par les situations stressantes. Les filles subissent plus de stress que les garçons au début de l’adolescence parce que l’arrivée des changements pubertaires concorde avec le passage du primaire au secondaire. Les garçons entrant dans la puberté deux ans plus tard que les filles, ils ne subissent pas le stress de ce passage. En outre, les filles internalisent les effets du stress, tandis que les garçons les externalisent. Ces derniers répondent au stress en adoptant des types de comportements violents comme la délinquance et l’agressivité, alors que les filles y réagissent en se dépréciant. Pour ne pas endommager leurs relations sociales qui définissent leur identité, les filles répondent au stress en refoulant leurs sentiments et leurs problèmes, développant par là une faible image d’elles-mêmes. Les filles comme les garçons subissent aussi davantage de pressions de la part des parents et des enseignants au début de leur puberté pour qu’ils et elles se conforment aux rôles sociaux qui leur sont assignés L’échec des adolescents et des adolescentes à se comporter selon ces rôles d’adultes propres à leur genre nuit à leur estime de soi.

Estime de soi et réussite scolaire selon le sexe

Pour la réussite scolaire, ce n’est pas le sexe qui pèse le plus, mais l’estime de soi (Simon et Simon, 1979). Dans le groupe des garçons comme dans celui des filles, les résultats scolaires sont moins fragilisés avec une forte estime de soi, alors qu’un manque d’estime de soi sape les notes scolaires. Mais, au fur et à mesure que les jeunes avancent dans le cursus scolaire, la relation positive entre le concept de soi et les résultats scolaires augmente d’intensité chez les garçons, tandis qu’elle diminue d’ampleur chez les filles (Robert, 1987). Selon Galambos (1990) et ses collaborateurs, ce degré d’intensification de la relation selon le sexe est attribuable à l’amplification des pressions sociales exercées sur les filles et les garçons pour les amener à se comporter en fonction de leur rôle social et à s’attacher aux stéréotypes sexuels à l’adolescence. Ces pressions contraignent les garçons à se surpasser sur le plan académique, alors qu’elles exigent des filles à exceller sur le plan social.

Diane Lafond, Longueuil, Qc

Références

Baldwin, A.S., & Hoffmann, J.P. (2002) The dynamic of self-esteem : a growth-curve analysis. Journal of Youth and Adolescence, 31, 2, 101-113.

Galambos, N.L., Almeida, D.M., Petersen A.C. (1990). Masculinity, feminity and sex-roles attitudes in early adolescence : exploring gender intensification. Child development, 51, 1905-1914.

Ministère de l’Éducation, du Sport et du Sport (2006). Indicateurs de l’éducation, Québec, Gouvernement du Québec.

Roberts, L. R. (1987). Gender differential development change in the achievement self-image relationship over early adolescent. Paper presented at the annual meeting of the American educational research association. Washington, D.C

Simon, W.E., & Simon, M.G. (1979) Self-esteem, intelligence and standardized academic achievement. Psychology in the Schools, 12 (1), 97-101.


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