L’évangile à la lumière de l’histoire radicale,

par jack mandon
vendredi 18 janvier 2019

Les textes disent aussi des choses qui vont plus loin que le texte Même « sacrés », ils sont formulés pour être repensés, analysés, voire même modifiés, tout au moins en esprit, par souci de vérité. Cette exigence synthétique, la vérité, est la résultante d’une dialectique qui fait s’affronter la thèse et l’antithèse, le vrai et le faux, dans un environnement historique, politique et religieux foncier qui conditionne et explique l’événement et les personnages qui impriment l’histoire. C’est d’autant plus vrai que ce sont les humains qui font l’histoire. Les périodes troublées favorisent leur besoin de formuler leur état d’âme ou d’esprit. L’information orale ou écrite, dans son contexte radical, prend toute sa signification quand elle s’incorpore concrètement dans notre vie en partage communautaire mais aussi avec la foule de tous ceux qui naturellement différents sont en contradiction avec nous.

J’ai choisi un extrait du livre de Jean l’évangéliste. Il met en scène des strasses culturelles à travers les deux personnages constitutifs de l’humanité, la femme et l’homme. Leurs différences ontologiques engendrent des interactions permanentes. Des citations de philosophes grecs ante-socratiques viendront ponctuer le développement du texte.  

Jean 8, 1-11, (en synthèse) : « Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d'adultère. » Il enseignait en écrivant sur le sol. Comme les pharisiens continuaient à l'interroger, Jésus se redressa et leur dit : « Que celui d'entre vous qui est sans faute, jette le premier la pierre contre elle. » Puis il se baissa de nouveau et se remit à écrire sur le sol. Le groupe de provocateurs se dispersa peu à peu.

« Ce qui est taillé en sens contraire s’assemble ; de ce qui diffère naît la plus belle harmonie, et c’est la discorde qui produit toutes les choses. » Héraclite

Voici une histoire à trois protagonistes interactifs dans une triade qui pourrait être de Eric Berne, par goût ludique et souci pédagogique, mais qui se conçoit mieux sous l’angle dialectique et historique de Hegel.

1-La thèse, la femme en accusation, titré abusivement « adultère ».

2-L’antithèse, le pharisien l‘accusateur légaliste.

3-La synthèse, Jésus le sage d’une Judée hellénisée depuis trois siècles.

 

 Le premier personnage, « la femme », « l’en soi », l’être naturel, la mémoire paléolithique. La femme originelle, Séléné, le yin du Tao. Nourricière, matricielle-maternelle, la famille, la souche, la tribu, le genos. Par la magie de l’amour du mystère de la vie et de l’enfantement, le matriarcat apparait comme une immanence sacrale qui auréole la femme. Une époque dispersée par la démocratie grecque, les lois mosaïques du pentateuque, la Thora qui marginalisent la femme. Ainsi, dans l’inconscient collectif féminin s’inscrit l’injustice et la subversion. Deux siècles plus tôt, les philosophes de la nature ante-socratiques, qui gardent à l’esprit l’empreinte communautaire originelle, expriment intuitivement et rationnellement des concepts scientifiques et métaphysiques qui contiennent les mêmes clés symboliques de l’âme humaine et de l’univers. La raison s’élargit, s’affine et s’illumine en intégrant les rites, les mythes, les symboles, l’imaginaire, l’irrationnel, valeurs humaines contenues dans l’inconscient collectif des peuples. (Dialectique du moi et de l’inconscient) concepts jungiens élaborés au terme du XIXe et XXe siècle. Aspects de l’ontogénèse et de la phylogénèse.

Les ante-socratiques ont une philosophie poétique, globale et docte. Thalès, Anaximène et Xénophane par exemple considèrent qu’à l’origine, le monde est unitaire dans un principe fondamental infini et indéfini source du tout devenir, l’Apeiron. Le « dive », le divin non personnalisé, préside à l’automouvement du monde, il est le ciel lumineux des émergences infinies éternelles. L’homme a émergé de l’élément fusionnel aquatique.

Sous l’autorité multiforme de la société de l’avoir, « le pharisien » du récit, par-delà son implication linéaire dans la tragédie légaliste sectaire mosaïque, (la lapidation.) représente l’antithèse de la femme accusée. Il est dans un « pour soi » structurant, mais aliénant dans sa logique culturelle sous l’emprise d’une loi mosaïque structurante intransigeante. Le système religieux affirme son pouvoir d’asservissement sur les hommes, les idées et les traditions. Comme les grecs d’Athènes, les hébreux, sous le coup de la loi, sont entrés dans le système capitaliste à domination formelle. Le pouvoir est immanent à l’âme humaine.

Jadis, à l’époque paléolithique, l’homme originel, le chasseur cueilleur, solaire, yang. Arès guerrier porté à l’extraversion, avec pour attribut la lance, la conquête du territoire dans l’esprit sacral du locataire de l’espace environnemental. D’évidence, avec la loi mosaïque, le pharisien a régressé. Dorénavant « l’étant » s’explique, par et pour l’homme.

Contrairement au philosophe qui épouse diplomatiquement la culture de son temps, « le sage, » Jésus, est un enseignant ou enseigneur authentiquement insurrectionnel. Il s’expose frontalement au risque de se perdre, comme Socrate trois siècles plus tôt.

Pour les penseurs matinaux, les sages de la Grèce archaïque, le monde est unitaire et d’expression sacrale. Le sacral est la vision synthétique du sacré et du profane. La vérité, la synthèse du vrai et du faux. Le divin, ou transcendance divine, est d’immanence cosmique qui accueille la totalité des vibrations terrestres et universelles. Rien de formel, temple, lieu spécifique ou système religieux ou politique. A l’époque de Jésus, la Judée était sous influence culturelle Grecque, depuis l’invasion d’Alexandre -300, -30. S’entrechoquaient alors la société de l’avoir orchestrée par la démocratie athénienne de Solon et Clisthène, la république romaine de César, la religion juive abrahamique, sous l’impulsion du prophète et légaliste Moïse. Dans un temps linéaire, Hérode, l’hébreux dans son temple majestueux assurait la collaboration avec Rome …aléa jacta est.

L’histoire de « La femme accusée » met en place un récit à facettes multiples qui permettra à Jésus d’utiliser une dialectique subtile, alimentée par l’histoire radicale qui fait interagir depuis le début des temps les deux personnages en conflit. Au climat passionnel mortifère et dans un respect des deux protagonistes, il s’adresse aux pharisiens en les invitant à trouver dans leur histoire ce qu’ils condamnent chez la femme, (projection). Il les valorise en s’adressant à leur intelligence, au-dessus des pulsions mortifères qu’ils génèrent. Dans la dialectique, les trois entités personnalisées sont à la fois distinctes, mêlées, interactives, chronologiques et contenues les unes dans les autres à potentialités variables et changeantes. Cette logique s’applique à l’intime, au collectif, à la nature, à la culture humaine, à tous les systèmes organisés.

Quand le récit prend de l’altitude, il nous invite à ne pas banaliser l’enseignement en une espèce de moralisme de maitre d’école. Il faut se plonger dans la radicalité des époques préhistoriques d’avant la révolution néolithique qui maintenant consacre l’autorité et le pouvoir de la société marchande. La femme est issue du genos. Son unique faute n’est pas d’avoir aimé, mais de n’avoir pas su mesurer le risque encouru dans la nouvelle ère maintenant légaliste, mosaïque, hellénique et romaine. Société de l’avoir et du pouvoir, où ses semblables sont presque à l’égal des esclaves. La phylogénèse, l’inconscient collectif nous parle d’une époque communautaire originelle où la condition féminine était auréolée de nature matricielle-maternelle et sacrale. L’erreur de ses ancêtres fut de réduire leur sagesse à la communauté organique localiste. Ils vivaient harmonieusement en vase clos, cela générait des frictions entre les tribus. Le non partage extracommunautaire, l’absence universaliste avait fait naitre l’époque néolithique. La société marchande sédentarisée s’était imposée et graduellement les communautés nomades avaient capitulé.

L’exemple européen, la société de l’avoir, développée par la culture méditerranéenne gréco-latine engloutit graduellement les communautés hétérogènes germaniques et scandinaves archaïques. IIIe-XVIIIe.

En Amérique du Nord, XVe-XIXe même phénomène, La société européenne de l’avoir, détruisit graduellement les tribus amérindiennes communautaires dissociées. Cela nous fait réfléchir sur les vraies causes du processus de lutte des classes européennes paysannes, majoritairement issues des pays nordiques et germaniques, converties au cours de l’histoire en prolétariat des faubourgs de cour des miracles hugolien. Les guerres des paysans au cours des siècles, et finalement tous les conflits attestent du malaise profond entre le monde de la communauté de l’être subversive, mais asservie, et la société de l’avoir conservatrice, féodale, royaliste, bourgeoise et enfin anonyme et incontrôlable qui hélas se répand monstrueusement sur toute la surface de la terre. Les projets politiques ne présentent aucun intérêt car ils sont mensonge depuis la création de la démocratie de Solon et Clisthène à Athènes. A la révolution française, « la droite » est à droite du capital, « la gauche », à gauche du capital. Une phrase, attribuée à l’un des seuls révolutionnaires français honorable, G. Babeuf rejoint la sagesse amérindienne : « La terre n’appartient à personne, ses fruits sont à tout le monde. » Cet élargissement phylogénique, rejoint radicalement le conflit ontogénique du pharisien et la femme accusée qui n’appartient qu’à elle seule. Quant à ses fruits, elle en dispose à sa guise.

Lorsque Jésus nous dit « Mon royaume n’est pas de ce monde » il renvoie dos à dos la société religieuse juive corrompue et la société matérialiste et impérialiste romaine, toutes les deux en voie de déshumanisation. Le « royaume » qu’il évoquait était celui de la communauté terrestre de l’être restaurée. Les évangiles, plus tard falsifiées par l’église officielle, attestent toujours le partage et l’amour humain sur la terre. Dans les temps antiques, sous l’impulsion de la révolution néolithique, la société capitaliste, même en domination formelle, imposait graduellement sa loi, au service du pouvoir de la société marchande. Aujourd’hui, Jésus n’appartient plus aux seules églises et à leurs théologiens nébuleux. Il se soustrait à l’histoire médiatique de surface de la crétinerie universitaire, mais s’illumine ici sous l’impulsion, entre autres, d’Hegel et Marx par « la science de la logique de l’histoire ». En cela il existe un lien abyssal entre Jésus et la grande Grèce des ante-socratiques, les penseurs matinaux Thalès, Anaximandre, Pythagore, Xénophane, Héraclite, Parménide, Empédocle et Socrate. Pour ce dernier, le lien insurrectionnel avec Jésus est manifeste.

« Chercheurs et sages étoilés laborieux, ils laissent au monde des fragments inachevés, des papyrus de marbre, dont la lumière, comme celle des étoiles mortes nous vient d’un autre temps.  »

Pour ceux de l’éveillance, le monde est un, pour ceux de la rétraction en l’endormissement, le monde se disperse en particularités subjectives. (Héraclite)

Approche difficile dans l’ombre d’un Hegel pourtant lumineux et grandiose, notamment dans la Phénoménologie de l’esprit, la Science de la logique et l’Encyclopédie des sciences philosophiques.

 


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