L’éveil de la Chine moderne
par Desmaretz Gérard
jeudi 3 juin 2021
Le pouvoir mandchou s'effondre le 10 octobre 1911 à la suite à d'une énième révolution menée par de jeunes Chinois européanisés formés dans les écoles anglaises de : Changhaï, Hong-Kong et Singapour. La Chine qui dépend des monopoles étrangers depuis un siècle est en proie à une corruption généralisée. Le 25 août 1912, Sun Yat-Sen, l'initiateur de l'« Asssociation pour le redressement de la Chine » et fondateur du premier journal politique chinois, le Min Pao (Gazette du peuple), diffusé en 1906 à Tokyo où de nombreux contestataires se sont réfugiés, proclame la République chinoise mettant ainsi un terme à l'empire Mandchou qui régnait depuis 1644. Plusieurs provinces déclarent leur indépendance. Le Tong-Meng-Houei créé à partir du parti révolutionnaire clandestin, entend défendre les trois principes énoncés par Sun Yat-Sen : « l'indépendance du peuple - la souveraineté du peuple - le bien être du peuple. » Sun Yat-Sen est élu président provisoire de la République chinoise le 29 décembre.
Sun Yat-Sen qui contrôle 16 des 22 provinces s'allie avec Yuan Che-Kai qui gouverne celles du nord. Le 12 février 1912, Sun Yat-Sen remet sa démission au gouvernement de Nankin au profit de Yuan Che-Kai apprécié des Occidentaux qui se défient du socialisme susceptible de représenter une menace pour leurs affaires. Le Kuo Min Tang obtient une large majorité lors des élections de mars 1913 ; les troupes de Yuan Che-Kai s'emparent de Nankin. Le 14 août 1917, le nouveau président Fong Kouo-chang déclare la guerre à l'Allemagne, décision qui va entrainer des manifestations violentes de la part des étudiants soutenus par les commerçants. La Première Guerre mondiale a pour conséquence de dégarnir la présence occidentale en Chine, mais celle de faire venir aussi de nombreux Chinois en Europe pour remplacer les ouvriers mobilisés, certains d'y poursuivre des études. Le 11 novembre 1918, toute la Chine fête la victoire des Alliés, parmi ceux-ci un jeune homme âgé d'à peine 25 ans, un certain Mao, le fils d'un paysan moyen.
La Chine va s'industrialiser, exporter du blé et du coton, Sun Yat-Sen croît en l'avènement d'une démocratie de type occidentale, il ignore que six accords secrets conclus en 1917 par les puissances occidentales privilégient les intérêts japonais au détriment de ceux de la Chine... Les Occidentaux ont concédé aux Japonais des droits sur la Mandchourie en contre partie de leur intervention en Sibérie (la Russie s'étant retirée du conflit) et l'occupation du Chan-Toung... Les manifestations du 4 mai vont s'étendre à toute la Chine, pendant 18 mois, 200 villes vont être le théâtre de grèves et de défilés qui vont donner naissance au « Mouvement du 4 mai ». Le 28 juin 1919 la Chine refuse d'apposer sa signature au bas du traité de Versailles.
Sun Yat-Sen élu président de la République chinoise le 11 avril 1921, fait appel aux puissances étrangères dans l'espoir de redresser les finances de la Chine, les Soviétiques sont les seuls à y répondre. Borodine, un émissaire du Komintern, qui a reçu pour mission de réactiver le Kuo Min Tang, se tourne vers Tchang Kaï-chek, l'ancien garde du corps de Sun Yat-Sen. En 1923, Sun Yat-Sen dépêche Tchang Kaï-Chek à Moscou afin d'y poursuivre une formation politique. Tchang sera à son retour, nommé directeur de l'Académie militaire de Wham Poa. Les contacts entre le Kuo Min Tang et le le parti communiste chinois vont s'affermir.
Sun Yat-Sen, le Père de la révolution chinoise, décéde le 12 mars 1925. Son successeur le général Tchang Kaï-chek reprent la lutte contre les communistes, lutte à laquelle Sun Yat-Sen s'était toujours opposé. Tchang Kaït-chek fait exécuter des révolutionnaires à Shanghai et dissout le parti communiste, ses membres se réfugient à Han-Kéou, la ville natale de Mao... les troupes de Tchang Kaï-chek les en chasse avant de conquérir Nankin. Les communistes survivants, quelques centaines, partent s'installer dans le Tching Kan Shan où Mao expulsé du Comité central va les y rejoindre en 1927 et former la « Première division de la première armée des paysans et des travailleurs », un millier d'hommes qu'il faut mettre en sûreté. Mao choisit un haut plateau dans une région difficile d'accès, le Tsing Kang-shan. C'est là qu'il énoncera les quatre principes de l'Armée Rouge : « Quand l'ennemi avance, nous nous retirons. Quand il s'esquive, nous le harcelons. Quand il se retire, nous le poursuivons, Quand il est fatigué, nous l'attaquons. »
Le maquis tenu par Mao va recevoir les renforts de 2.000 hommes venus de Tchou-to et de plusieurs milliers de paysans armés de matériel pris à l'adversaire lors d'escarmouches. Les dirigeants du Comité central du Parti Communiste clandestin de Changhaï exhortent Mao à reprendre l'offensive. Les troupes de Mao renforcées par l'armée de Peng Teh-huai conquièrent Hsing-kouo et Tung-ku, deux villes situées au cœur d'un massif montagneux au mois de février 1929. Ils vont y rester cinq années et y établir la première République « soviétique » chinoise avec Mao élu le Président. A partir du mois de novembre 1931, Tchang lance plusieurs campagnes pour déloger les 60 000 communistes venus rejoindre Mao. La cinquième va marquer le siège de Juling, les communistes qui ont déjà perdu 7 000 hommes n'ont d'autre alternative que de quitter la place.
Au mois de juin 1931, le Japon entend profiter de l'exécution d'un émissaire diplomatique venu à Moukden surveiller la ligne des chemins de fer sud mandchou. En trois mois, les Japonais vont occuper trois provinces chinoises dans le Nord-Est et prendre le contrôle de 30 millions de Chinois, qui va donner naissance au Mandchoukouo. Les Japonais débarquent à Changhaï au mois de février 1932, l'armée nationaliste riposte contrevenant aux ordres de Tchang qui suspend l'approvisionnement en munition, condamnant ainsi ses propres troupes ! Les zones « soviétisées » ne cessent de s'étendre avec l'arrivée de déserteurs et de paysans. Au mois d'octobre 1933, Tchang lance une offensive forte d'un million d'hommes avec pour mission d'assiéger le Kiang-si, le blocus fera plusieurs centaines de milliers de morts. Les dirigeants du PCC prennent la décision d'abandonner la région au mois d'août.
Les préparatifs de la longue marche débutent en grand secret le 12 octobre 1934. Près de 100 000 soldats, paysans, femmes et enfants marchant de nuit se regroupent dans le sud de la province du Yutu avant d'y être remplacés par des partisans venus du nord. Le 16, une colonne s'ébranle laissant derrière elle quelques milliers de combattants pour y mener la guérilla contre les nationalistes, certains « nids » s'y maintiendront jusqu'en 1937 ! La colonne bientôt rejointe par d'autres colonnes s'étire sur plus d'une centaine de kilomètres ! L'Armée rouge d'égrainer derrière elle des groupes chargés de mener des combats retardateurs et de conduire la reconquête le moment venu. « Au bout d'un an, à raison de 40 à 50 kilomètres par jour, à travers mille péripéties, après avoir franchi 24 grands fleuves, 18 montagnes, et livré 150 combats, ils arrivent au Yénan où ils s'installent. Ils ne sont plus que 10 000 (La Guerre révolutionnaire, général Beaufre). » La cohorte comptera autant de morts de faim, de froid ou d'épuisement que par les combats.
Au mois de décembre 1935, les Pékinois manifestent contre la guerre dirigée contre les communistes et non contre l'occupation japonaise. Le 26 août 1936, le Parti communiste propose à Tchang Kaï-chek d'unir leurs forces contre l'occupant, ce dernier refuse, mais des généraux nationalistes ne vont pas rester insensibles à l'appel. Des officiers s'emparèrent de Tchang et de son état-major. Tchang est libéré le 25 décembre en échange de sa promesse d'unir un gouvernement d'union dirigé contre l'envahisseur. Le gouvernement de Nankin déclare la guerre au Japon au mois d'août 1937. Les Japonais, après avoir occupé Pékin, sont à Shanghaï le 12 novembre et font leur entrée dans la ville de Nankin le 13 décembre, Tchang Kaï-chek se replie sur Tchoung-King, au centre de la Chine.
Le 13 avril 1941, l'URSS signe un traité d'amitié avec le Japon et reconnait l'indépendance du Mandchoukouo ! L'entrée en guerre des États-Unis va renforcer l'aide apportée à Tchang Kaï-chek, un pont aérien assure le débarquement des troupes, du matériel et l'argent coule à « flot », la corruption va gangréner la vie quotidienne. Une divergence de taille va apparaitre, Tchang Kaï-chek a pour cible prioritaire les communistes, tandis que les Américains et les Japonais comptent unir les communistes et le Kuo Min Tang dans la lutte... Les armées de Mao placées sous les ordres de Lin-Piao et de Chen-Yu vont lutter contre les Japonais sans relâche. L'Armée nationaliste soutenue par les USA, la G-B et l'URSS connaît défaite sur défaite. Au mois de mars 1944, les Japonais lancent une grande offensive en direction de l'Inde et de la Birmanie.
Lors du VII° Congrès national du PCC réuni le 23 avril 1945, les délégués venus des quatre coins du pays représentent plus d'un million de membres ; l'Armée rouge dispose de 475,000 hommes et près de 3 millions de « miliciens » ! La capitulation du Japon laisse face à face les nationalistes qui administrent six provinces (80 millions d'individus) et les communistes. Tchang Kaï-chek qui siège parmi les cinq grands a obtenu que les nations européennes renoncent à leurs droits d'exterritorialité en Chine, seule la Grande-Bretagne a refusé d'abdiquer sa souveraineté sur Hong-Kong.
Tchang Kaï-chek annonce la fin de la tutelle du Kuo Min Tang et l'avènement de la démocratie le 14 novembre 1946, l'inflation fait rage, l'augmentation des prix atteint 700 % ! Les communistes s'emparent du Chan-Si tandis que Tchang Kaï-chek parvient à conquérir les principales villes ; les Marines US occupent les principaux ports et les troupes soviétiques la Manchourie. Le général Marshall décide de s'extraire du bourbier chinois, les troupes américaines se replient sur le Japon qui va devenir leur nouvelle ligne de défense. Tchang Kaï-chek remporte une série de victoires. Lorsque les Soviétiques se replient en juin 1947, ils abandonnent l'armement aux Communistes au lieu de le remettre au Kuo Min Tang comme il en avait été convenu... Lin-Piao reprend la Manchourie puis Pékin, les unités de Tchang Kaï-chek sont défaites.
Tchang Kaï-Chek démissionne de la présidence de la République le 21 janvier 1949, il est remplacé par Li Tsoung Yen. Le gouvernement se réfugie à canton, Changaï tombe le 25 avril. La République Populaire de Chine proclamée le 1 octobre est aussitôt reconnue par l'URSS et ses républiques (la date de la fête nationale chinoise est fixée au 10 octobre). En 1949, l'Armée de libération nationale est à la frontière indochinoise. Mao devenu le maître incontesté de 600 millions d'habitants est décidé à instaurer « La dictature de la démocratie du peuple » et la « révolution ininterrompue ». Trois territoires restent à « libérer » : l'île de Haï-man, Formose (Taïwan) et le Tibet. Le petit livre rouge va devenir la bible de toute une jeunesse mondiale.
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