L’extraordinaire diversité des villages de France

par Fergus
mercredi 30 mars 2016

Rares sont les pays sur la planète où, sur une superficie comparable à celle de la France métropolitaine, la diversité architecturale des villages est si grande et si spectaculaire. Petit visite guidée...

Eguisheim, Collonges-la-Rouge, Gordes, Locronan (Photos Fergus, sauf Gordes, anonyme)

550 000 km², c’est grosso modo une superficie comparable à celle de pays comme le Cameroun, le Kenya, le Maroc, la Suède, l’Ukraine, la Thaïlande ou le Yémen. Des pays aux attraits plus ou moins diversifiés en matière d’habitat rural, mais dont les villages ne se caractérisent pas par des différences qui, d’une région à l’autre, sautent aux yeux des visiteurs. Tel n’est pas le cas en France où le voyageur qui parcourt le pays du nord au sud et d’est en ouest découvre un patrimoine d’architecture rurale d’une variété probablement unique au monde sur un territoire de cette taille.

L’explication de ces différences – souvent spectaculaires – entre les villages de nos terroirs est due à plusieurs causes principales. En tout premier lieu, à la diversité des cultures et des traditions locales qui, avant de s’agréger au fil du temps pour constituer la nation française telle que nous la connaissons aujourd’hui, ont profondément marqué les patrimoines régionaux. Autre facteur important : les contrastes climatiques marqués qui opposent les régions de plaine aux massifs montagneux, les régions du nord à celles du sud, les contrées de l’intérieur aux zones littorales, les différences étant accentuées pour ces dernières par les influences maritimes très marquées de l’Atlantique et de la Méditerranée. À cela il convient d’ajouter la grande diversité des activités agricoles, très impactées par le climat local, le relief et les caractéristiques géologiques de chaque terroir. Enfin, la nature des matériaux de construction disponibles sur place, et le savoir-faire des artisans locaux, progressivement sortis de la condition agricole pour devenir des bâtisseurs, ont évidemment joué un rôle important dans le style des constructions.

Les habitations qui, de nos jours, composent le cœur des villages de France ont, pour la plupart d’entre elles, été construites au cours des 18e et 19e siècles en remplacement de l’habitat précaire et périssable (murs de terre ou de torchis, toits de chaume) qui prévalait auparavant. Mais il existe également, en de nombreuses régions, des habitations plus anciennes – ici en pierre, là en pans de bois – qui datent des 16e et 17e siècles. La plupart du temps, il s’agit de logis de maître, voire d’hôtels particuliers, érigés par les nobliaux du cru, les riches négociants ou les vignerons fortunés. Des belles bâtisses qui, bien souvent, ont servi de modèle aux paysans enrichis et aux habitants embourgeoisés pour construire leur propre habitation, plus modeste que ces demeures huppées, mais de facture proche dans le choix des matériaux, les appareillages de la pierre ou du bois, et parfois les éléments décoratifs.

On a coutume de dire que les matériaux disponibles ont très largement induit les différents modes de construction dans l’habitat rural, et ce fait est vérifiable le plus souvent. Quelques exemples : les maisons picardes ou flandriennes à dominante de brique là où manquaient le bois et la pierre de taille ; les chalets en bois du massif alpin où prédominait la forêt ; les habitations en grès de Provence ou en tuffeau du Val-de-Loire, régions où ces matériaux étaient aisément accessibles et de surcroît faciles à « travailler ». Pour autant, il existe des exceptions remarquables comme la Bretagne, la Corse ou les Cévennes, contrées naguère riches en forêts mais où les populations ont clairement fait le choix de la solidité et de la pérennité en optant très tôt pour le granit ou le schiste omniprésents.

Du village circulaire à la bastide carrée

Il résulte de tout cela une formidable diversité qui ne manque pas de surprendre les visiteurs de notre pays et qui réjouit tous les amoureux du patrimoine bâti, entre les habitations à colombages de différents types (alsacien, basque, bressan, gascon, normand) ; les maisons en pierre de toute nature (calcaire, grès, granit, basalte, voire poudingue et galet) et de tous styles, y compris gothique ; les chalets de montagne plus ou moins trapus ; les habitations appareillées en brique, avec ou sans association à des moellons ou des pans de bois. Sans compter les édifices publics et religieux qui apportent eux aussi leur touche régionaliste et contribuent incontestablement à l’identité du village, de même que les châteaux qui dominent certains villages, les remparts qui en ceignent d’autres ici et là, ou les innombrables halles, lavoirs, puits sculptés et fontaines anciennes.

La couverture des maisons joue, cela va de soi, un rôle de séduction important. Ici, l’on a eu recours à des tuiles plates (possiblement vernissées), là à des tuiles canal, ailleurs à des ardoises plus ou moins épaisses selon la nature des filons, quand ce n’est pas à des dalles de lauze ou à des bardeaux de mélèze.

Quant à l’aspect des façades, il varie considérablement selon les régions, entre celles qui laissent la pierre ou le bois nu, celles qui offrent à la vue des appareillages décoratifs plus ou moins sophistiqués, celles qui osent les couleurs les plus vives, et celles qui offrent de multiples nuances d’ocre à la mode italienne. Sans oublier les essentages d’ardoise ou de tavaillons que l’on peut observer en divers lieux.

La forme des villages varie également fortement selon la nature du terrain et, le cas échéant, de la nécessité de se protéger. Nombreux sont, principalement dans la partie méridionale du pays, les villages perchés sur des collines et souvent constitués de rues concentriques, parfois caladées et reliées par des andrones, autour de l’église et de la place centrale. D’autres au contraire ont été bâtis au fil du temps de manière plus empirique pour profiter de l’ensoleillement ou laisser libre cours à la volonté de chacun. Enfin, il en est dont les bâtisseurs ont délibérément adopté le plan carré. C’est notamment le cas des nombreuses bastides du Sud-ouest construites au Moyen Âge autour d’une place, elle-même carrée et caractérisée sur son pourtour par des arcades en berceau et des galeries couvertes. Mais c’est aussi le cas des villages garnison édifiés au cœur d’une enceinte fortifiée de type Vauban.

D’autres particularités locales s’ajoutent ici et là, telle la présence dans chaque village basque d’un fronton de pelote, d’un trinquet ou d’un jaï-alaï. Et que dire de ces modestes villages ruraux du Finistère qui, aux 16e et 17e siècles, ont été dotés de remarquables et coûteux enclos paroissiaux, directement nés de l’orgueil de leurs habitants ?

Toutes les régions disposent de villages remarquables, chacun doté d’un caractère propre lié à la géographie, à la culture locale, et parfois aux soubresauts d’une histoire agitée. Il suffit, pour se convaincre de cette extraordinaire diversité, d’effectuer un tour de France... alphabétique en cliquant sur le nom de chaque village :

Autoire (Lot), Baumes-les-Messieurs (Jura), Collonges-la-Rouge (Corrèze), Domme (Dordogne), Espelette (Pyrénées-Atlantiques), Flavigny-sur-Ozerain (Côte-d’Or), Gerberoy (Oise), Hérisson (Allier), Ile-d’Aix (Charente-Maritime), Jausiers (Alpes-de-Haute-Provence), Kaysersberg (Haut-Rhin), Locronan (Finistère), Montsoreau (Maine-et-Loire), Noyers-sur-Serein (Yonne), Oppède-le-Vieux (Vaucluse), Peillon (Alpes-Maritimes), Quintin (Côtes d’Armor), Rochefort-en-Terre (Morbihan), Salers (Cantal), Turenne (Corrèze), Usson (Puy-de-Dôme), Vézénobres (Gard), Wissant (Pas-de-Calais), Xaintrailles (Lot-et-Garonne), Yvoire (Haute-Savoie), Zonza (Corse-du-Sud).

Un salut amical à tous les compatriotes d’outremer : malgré le caractère métropolitain de ce tour d’horizon, ils ne sont évidemment pas oubliés.

Dans les villages de naguère :

1957 : jour de batteuse

1965 : un dimanche au village

 

Kientheim (Haut-Rhin)

 

Loubressac (Lot)

 

Sare (Pyrénées-Atlantiques)

 

Pontrieux (Côtes d’Armor)

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