L’homme qui fausse les données

par Stéphane W.
jeudi 4 janvier 2007

Voila plus de vingt ans qu’il est dans le paysage politique français. Un peu comme le fainéant de la famille, on l’a toujours bâillonné. Pas question de le laisser dire ce qu’il pense le plus ouvertement possible. Pourtant, son score aux élections présidentielles n’a pas changé tellement. Au mieux il a grignoté quelques miettes au tandem droite/gauche. Le soir du 21 avril 2002, il a créé le plus profond marasme qu’est connu la France dans la cinquième république. Et elle est loin de s’être relevé de ce coup de massue. Alors que les échéances de la prochaine élection sont de plus en plus proches, la question d’un autre futur marasme plane sur toutes les lèvres. À commencer par les principaux candidats. Faut-il que je me présente au risque de lui laisser une place de choix ? Faut-il que je laisse la place à tel autre mieux placer pour lui barrer la route ? Doit-on dissoudre le party afin d’être un tout imbattable ? Dois-je virer à droite pour ne pas être trop de gauche à cause de lui ? Au contraire devrions-nous opter pour un programme plus à gauche pour ne pas flirter avec idées ? Ne devrions-nous pas casser la barrière droite/gauche ? Autant de questions que chacun des candidats qui y pensent doit nécessairement avoir répondu avant de faire le saut.

Quand il déclare à l’AFP : « On dit que (je) suis un extrémiste, que c’est l’extrême-droite pour disqualifier mon message. C’est faux. Je suis un homme de centre-droit », comment doit réagir celui qui l’ait réellement comme François Bayrou ? Et il en rajoute plusieurs couches : « Ce n’est pas moi qui me suis déporté vers l’extrême-droite, c’est le corps politique français qui s’est déplacé vers la gauche ». Quand Jacques Chirac se réclame de l’héritage du général de Gaulle, il riposte : « ... sur une certaine idée de la France, de sa spécificité, je ne suis pas en désaccord avec lui. Dans ses réflexes patriotiques, je suis assez gaulliste. Le dernier peut-être ». Nicolas Sarkozy dans une allocution aux membres de son parti les prévient du danger : « Si on doit continuer à faire de la politique de la même façon, il ne faudra pas venir pleurer des larmes de crocodile parce que lui sera une nouvelle fois au second tour ». Encore là, l’homme sort de son jeu, l’artillerie lourde. Prier de choisir entre Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy dans un éventuel deuxième tour de scrutin, il n’hésite pas : « Tout à trac, je dirai Sarkozy. Lui, au moins, il fait semblant d’aller dans la bonne direction ».

Même constat à gauche. On a reproché à Chevènement d’avoir favorisé par sa présence au premier tour, la sortie prématurée de Jospin car (et avec raison), il y’avait dilution du vote de gauche au profit de l’extrême droite. Pareil pour l’extrême gauche. L’électorat le 22 avril, réfléchira deux fois plus qu’une avant de donner un vote au Besancenot, Buffet, Taubira et autres, sous peine de voir débarquer le soir venu, la candidate socialiste Ségolène Royal.

Marie-Anne Kraft dans un article (Vote utile ou sondage utile ?) paru à Agora Vox, le journal citoyen fait le même constat (avec les déçus du PS et de l’UMP) : « Tant qu’il dépasse Bayrou dans les sondages, ces personnes ont peur, pour les premières d’un second tour Sarko-lui, et pour les secondes d’un second tour Ségo-lui. Les derniers sondages (IFOP 21/12/06) affichent en effet au premier tour 31% d’intentions pour Ségo, 29% pour Sarko, 11% pour lui et 8% pour Bayrou. Mais si ces personnes annonçaient vraiment le choix de leur conscience sans peur du deuxième tour, les résultats du sondage deviendraient, sur l’hypothèse précédente : 25% pour Ségo, 23% pour Sarko et 20% pour Bayrou. Le risque du deuxième tour n’est donc plus d’avoir l’homme au deuxième tour, mais Bayrou contre Ségo ou Sarko, ce qui devrait rassurer ces derniers ! »

Jean Marie Le Pen, puisqu’il s’agit bien de lui continuera donc de fausser encore le débat cette année. La démocratie ne pourra pas être ce qu’elle est effectivement. Les citoyens ne voteront peut-être jamais plus pour ceux qui représentent réellement leur conviction profonde, mais en fonction de lui. À moins qu’une solution magique puisse être trouvée d’ici là.

Dans ce cas, est ce que priver l’électorat lepéniste sera plus démocratique ?


Lire l'article complet, et les commentaires