L’homme qui rétrécit

par morice
jeudi 21 octobre 2010

Nicolas Sarkozy s’enfonce vertigineusement dans les sondages. Atteint de cécité politique, il ne sait pas et ne veut pas entendre les clameurs de la rue. Quand il parle, entre deux tics nerveux et trois haussements d’épaules, c’est pour dire qu’il ne changera rien à ce qu’il a décidé : obtus et borné, il enfonce par la même l’image présidentielle qui est celle du rassembleur. Il est à lui seul désormais la figurine des trois singes. A l’étranger, on se gausse, en lui donnant la taille du chapeau de Napoléon traînant derrière sa Joséphine-Carla. Ici, celui qui nous avait tout promis, y compris l’impossible, n’est même plus capable du possible, mais se vautre avec délectation dans l’inadmissible. Tout chez lui a rétréci : ses ambitions démesurées sont devenues un pitoyable racolage pour engranger les voix du pire à la prochaine échéance, ses ministres les plus ouverts l’ont déjà quitté, pas fâchés de s’éloigner des magouilles au point d’aller les dénoncer dans des ouvrages retentissants, l’armée ne lui fait plus confiance depuis qu’il est allé blaguer sur le cercueil d’un soldat, le goupillon n’a pas apprécié son attitude vis à vis des démunis que cette religion protège naturellement, son bouclier fiscal va bientôt ressembler à celui de Brennus, bref, notre fringuant cow-boy de campagne de 2007 est devenu... l’homme qui rétrécit (*)

Vis à vis du monde entier il a rapetissé la France, par effet d’entrainement : avant, c’était une terre d’accueil, maintenant c’est une terre d’exclusion. Les monuments français, avec lui, doivent désormais tous être martelés, comme les Egyptiens le faisaient en écrabouillant les cartouches des pharaons précédents quand ils souhaitaient marquer la différence ou la... rupture, mot sacré chez le gnome qui nous gouverne : des trois mots y figurant, plus un seul n’est vrai : liberté, égalité, et surtout fraternité n’existent plus. Des gens se font condamner pour en avoir aidé d’autres en difficulté, la terre d’accueil qu’était la France est devenue un no man’s land entouré de grilles. L’homme qui est venu un jour nous déterrer Guy Môquet (et pleurer à son évocation) est partisan de la civilisation du mirador et du barbelé : il n’en est pas à un paradoxe près.
 
L’homme qui se réclamait du gaullisme, et qui paraissait si petit déjà dans l’ombre de la croix de Colombey (vous avez remarqué qu’il ne s’y est plus pointé) ou qui avait une attitude déplorable au Plateau des Glières, finalement, est beaucoup plus proche de Giscard que de DeGaulle. Un Giscard aussi populiste et lui carrément condescendant, un grand bourgeois ayant acheté sa particule, incapable de s’amender lui aussi en venant il n’y a pas si longtemps en interview télévisé redire qu’il était toujours partisan de la peine de mort. En ressortant l’argument de l’extrême droitiste de choc Robert Pandreau, comme quoi ça évite au moins à l’auteur du crime de recommencer. On avait déjà entendu une idiotie, Giscard nous l’a réchauffée, en démontrant avec éclat qu’on peut être président et ne pas avoir de hauteur de vue : c’est donc bien le précurseur véritable de Nicolas Sarkozy. A continuer sur la pente savonneuse de la sécurité renforcée, il n’en n’est plus loin notre microscopique président : à faire pression pour relâcher dans la nature un retraité ayant tiré comme au ball-trap deux jeunes voleuses qui ne le menaçaient pas. Après une pression incroyable d’élus UMP et de petits vieux éructant des slogans LePenistes sans que cela ne fasse ciller les représentants de la majorité actuelle, bien au contraire. A ce point de surenchère, en souvenir sans doute d’avoir serré la main de G.W.Bush, ce que sa dulcinée du moment avait refusé de faire en prétextant un rhume d’emprunt, ce qui à tendance à l’honorer même si la méthode est déplorable, il va bientôt nous sortir du placard un article de loi que n’aurait pas renié Charlton Heston et sa célèbre NRA. Il est vrai que notre Président de poche est aussi grand admirateur de Ben-Hur : c’est pour ça sans doute qu’il conduit aussi mal le char de l’Etat. A coups de fouet médiatiques.
 
L’épisode de Camargue qui avait précédé son élection était bien plus représentatif qu’on ne le pense : les photos le montraient suivi par une meute de journalistes montés sur le plateau d’un tracteur, littéralement ce jour là à sa botte, mais c’est dans la presse qu’on trouvait quelque jours après deux éléments révélateurs. Tout d’abord le manadier qui expliquait que le plus dur n’avait pas été de le faire venir mais bien de trouver un cheval... plus petit, pour éviter le ridicule photographique, et ensuite une photo, effacée de tous les serveurs avec constance (dans un mes textes supprimés ici-même), qui le montrait beaucoup plus replet qu’il ne paraissait : l’élection passée le même événement ressortira avec l’épisode du canoé canadien et des bourrelets "photoshopés". L’homme qui rétrécit dans les sondages se fait manifestement gommer informatiquement. Logique : l’image lui importe davantage que le propos. La chasse au tabouret de pupitre lors de la venue de Barrack Obama peut alors s’ouvrir : la grandeur de la France repose sur des talonnettes : le talon d’Achille d’une nation, c’est bien son représentant principal désormais.
 
La baguette magique de Merlin Sarkozy, qui nous promettait tout, ou presque, est devenue une baguette à rétrécir. Rétrécir les retraites, tout en allongeant leur durée de cotisation, autre paradoxe, rétrécir l’espoir de voir un jour des gens réconciliés, à attiser les heurts communautaristes en affichant ouvertement une religion, rétrécir les débats parlementaires en faisant donner du clapman de fin de séance quand les esprits s’échauffent, rétrécir la parole de l’oopposition télévisuelle en faisant envahir les plateaux par ses ministres ou ses perroquets porte-parole, rétrécir l’intelligence et augmenter la veulerie en faisant dire au présentateur de TF1 que la délinquance est liée aux Roms, rétrécir la justice en équipant un procureur de freins au carbone dignes de lui faire gagner les 48 heures du Mans. Rétrécir la fonction d’élu en les transformant en guichetiers prêts à recevoir les dons, rétrécir la fonction présidentielle en la transformant en chef de clan tenant réunion mafieuse au Bristol. 
 
Tous les ministères, avec lui, ont rétréci à la cuisson : le superministère de l’environnement a accouché d’une souris incapable de lutter contre les frondes grotesques anti-éoliennes, celui de la justice a été aux mains pendant deux bonnes années d’une arriviste en chef, dont la carrière météoritique avait été annoncée ici-même avant même qu’elle ne retombe dans l’atmosphère, les ailes brûlées par le ridicule, le ministère de l’éducation dans celles d’un catholique orthodoxe qui depuis passe son temps à démantibuler ses successeurs, le ministère de l’intérieur n’existant pas : son représentant ne servant que de photocopieuse à emballement de la parole présidentielle. Les ministres ont tous rétréci : Kouchner, qui n’est déjà pas bien grand, est devenu transparent et simple relais mégaphone de ce que décide le secrétaire de l’Elysée, le ministre de la Jeunesse nouvellement nommé inaugure des maisons de retraite, le ministre des transports peine à se battre pour empêcher la SNCF de voir ses TGV se faire doubler par des trains allemands, le ministre de la Défense rêve davantage à sa future candidature qu’à vendre un Rafale qu’il a décrit comme "trop complexe" ce qui aide à la vente pour sûr.... Bref, avec Sarkozy, c’est étrange mais tout devient plus petit : les projets, leurs réalisations, tout est à la baisse... Même la bourse est en baisse, et Kerviel n’y est pour rien. Sauf les ambitions personnelles, à croire qu’au contact tous se sont dit "mais si lui il est arrivé là, pourquoi pas moi" ? L’explosion et l’exposition démesurées de ces ambitions disproportionnées (Morin Présient !) est bien la preuve d’un constat déplorable : la fonction présidentielle a été tellement affaiblie que n’importe qui, aujourd’hui, peut y prétendre. Encore deux années de Sarkozy, et Johnny Hallyday a toutes ses chances. Barbelivien en ministre de l’éducation rentre dans le domaine du possible et Clavier ou Reno en ministres de l’intérieur et de la sécurité publique aux personnes âgées, fonction qui ne devrait pas tarder à apparaître.. 
 
Finalement, il restera dans l’histoire non pas comme un grand président, mais bien comme un tout petit. Quand il sera parti, il ne restera plus qu’à constater les dégâts. Tout ce qu’il a aura touché aura rétréci. Il nous a rendu la vie... impossible : tout le contraire de son slogan de 2007.
 
(*) ma première comparaison  cinématographique, après un an d’exercice tenant toujours, sinon encore davantage...

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