Jamais vu en effet pareille attitude méprisante pour les peuples en difficulté, jamais vu pareil cynisme en période de catastrophe, lors de cette opération présentée elle aussi comme "humanitaire". Une abjection qui est passée quasi inaperçue, et qu’il convient aujourd’hui de rappeler à un pays aujourd’hui donneur de leçon et moralisateur sur le sujet sensible des bons sentiments. Ça, on peut se le permettre quand on est intègre et irréprochable : à Haïti, Israël a démontré tout l’inverse, en n’hésitant pas une seule seconde à utiliser le malheur des autres à son seul profit personnel. Et en le disant, en l’écrivant, en s’en vantant, sans vergogne. Si le Hamas avait dû prendre modèle, c’est sur cette opération honteuse -c’est tout le paradoxe- et Israël a la mémoire trop courte, sur le sujet. C’est "vous n’avez pas le droit de faire.... ce que nous avons fait", qui est adressé aujourd’hui au Hamas de la part d’Israël.
C’est le titre sidérant du journal pro-gouvernemental Maariv qui résume tout : il affichait en une avec un aplomb incroyable ce
titre sidérant : "
Pénible vérité : la catastrophe d’Haïti c’est bon pour les Juifs", à propos de la catastrophe haïtienne. Comment en était-il arrivé à cette conclusion écœurante ? A cette "pénible vérité " ? Tout simplement en analysant les faits et les déclarations gouvernementales qui avaient précédé : la présence en Haïti de quelques médecins israéliens, abondamment filmés et photographiés n’aurait eu que fort peu à voir avec les bons sentiments, selon le journal. C’était une occasion de communiquer, dans un seul sens, celui de rehausser le niveau mondial d’appréciation de l’état hébreu, fort mis à mal par l’enquête menée par l’ONU sur les exactions de ses soldats et l’emploi de moyens disproportionnés voire interdits par les conventions de guerre lors de l’assaut de Gaza. L’occasion était trop belle, et Tsahal n’a pas hésité une seconde. A aller se faire prendre en photo à offrir des ballons aux enfants, à condition qu’on distingue bien le galon de l’uniforme... sur les 236 personnes envoyées là-bas, il y avait 218 soldats et seulement 18 civils. L’humanitaire, selon Israël, c’est d’abord une question... de soldats ! Le faux argument de la présence de délégués du Hamas, considérée comme membres d’une armée, dans la flottille, en prend un sacré coup....
Ce sont les jeunes du mouvement de jeunesse sioniste religieux, Bnei Akiva, envoyés aussi sur place, qui l’avouèrent en premier : on les envoyait aussi là-bas pour parader et servir d’hommes et de femmes-sandwichs aux slogans imaginés en haut lieu.
"Nous n’aidons pas seulement les Haïtiens dans leur tragédie, mais nous contribuons à unir le monde juif et démontrer les valeurs juives de l’état d’Israël. Nous pensons que c’est un devoir juif d’aider le peuple d’Haïti. En tant que représentant du peuple juif, l’Etat D’Israël mène les efforts de sauvetage". Voilà qui est clairement dit. La mission n’est pas qu’humanitaire. Bnei Akiva entretient de nombreuses Yeshivot, des écoles juives. En France, par exemple, il y a
celle de Sarcelles. Dans son site, on tombe au bout de dix secondes sur une incroyable séquence de propagande pour l’armée, ou un jeune homme prénommé Yomtob explique que
"l’armée est une étape indispensable dans le processus d’intégration"." On ne peut se désigner israélien sans avoir fait l’armée". Ailleurs, on appellerait ça de l’endoctrinement : mais là, non, bien sûr. Le Hamas, lui, "
endoctrine", c’est bien connu.. et Israël "
forme les esprits", ce doit être ça la subtilité lexicale... sans doute. L’argument du Hamas endoctrinaire s’effondre : Israël fait pareil.
Le New-York Times, le 21 janvier, n’y va pas lui par quatre chemins : si les israéliens sont là, selon lui, c’est autant pour se refaire une image que pour être pleinement efficaces. Et le journal de citer Akiva Eldar, d’Haaretz, qui affirme que l’opération est à double tranchant : plus on insistera sur le don soudain pour l’humanitaire de Tsahal et plus on songera à celui qu’elle n’a pas apporté à Gaza.
"La remarquable identification avec les victimes de la terrible tragédie dans la lointaine Haïti souligne l’indifférence aux souffrances continues du peuple de Gaza." Avec un sinistre rappel en effet : parmi les envoyés israéliens, figure l’étonnante Zaka International Rescue Unit, c
es religieux chargés de collecter les morceaux de corps lors des attentats suicides. Etrange participation et sinistre image : elle rappelle bien trop encore les massacres de Gaza. La communication du gouvernement de Netanyahou est à côté de la plaque, et on s’en est assez vite rendu compte. Les médias, rendus eux méfiants, n’ont pas assez relayé les informations, les books de presse concoctés n’ont pas été utilisés. L’opération haïtienne est au final un beau fiasco de communication. De toute manière, ça n’allait pas non plus durer éternellement : une fois les photos faites, les vidéos tournées et les ballons donnés aux enfants, l’hôpital pliait
déjà bagages le 26 janvier : il était arrivé
9 jours à peine avant. L’humanitaire façon Tsahal a des limites temporelles élémentaires propres aux troupes. La garnison rentre déjà au pays. L’honneur de Tsahal est sauf. Tsahal vient de se refaire une virginité. A peu de frais : l’opportunité d’un tremblement de terre : pauvres Haïtiens ! MSF, lui, est
toujours là. Mais n’a pas d’image à redorer...
Entre temps, au pays, les commentaires n’ont été que dans un seul sens (sauf chez Haaretz !). Israel Valley, maladroitement, y est allé aussi de son couplet, en titrant
avec emphase : "Enfin, israel révèle sa plus belle image : le chiffre du jour : les équipes médicales israéliennes ont réussi à sauver 180 personnes d’une mort certaine". Un commentaire qui frise l’indécence quand on sait le nombre de victimes des bombardements de Gaza. Et ça continue, pourtant, les ministères israéliens ne se cachant pas beaucoup pour masquer le but fondamental visé dès le départ :
"Les citoyens haïtiens n’oublieront pas ces images ", affirme le porte-parole du ministère des affaires étrangères,
Yossi Lévy. Qui précise bien
"que certains pays ne sont pas heureux de voir cette autre image d’Israël répandue dans les médias internationaux, car elle vient perturber celle d’un pays agressif, violent et néfaste qu’ils ont distillée avec soin". Un autre commentaire inique : l’agressivité, la violence des attaques sur Gaza ne sont pas l’œuvre d’Israël, bien sûr, mais des racontars "distillés" par les autres pays.... Incroyable rhétorique israélienne ! A ce stade, on est dans le déni le plus total et une tentative de redorer un blason bien terni : l’opération de neuf jours n’a donc eu d’humanitaire que le nom !
Le premier ministre Netanyahou reçoit alors les sauveteurs avec un étonnant "b
ien joué Israël",
"bon travail Israël", pas vraiment du meilleur goût, mais qui lui aussi indique le but de ce "jeu" immonde : profiter des larmes, pour absoudre Tsahal. Le procédé est tout simplement odieux ! Mais laissons Israel Valley s’en dépêtrer un peu plus loin encore : "
des félicitations que n’ont pas l’habitude d’entendre les soldats israéliens quand ils opèrent dans les territoires palestiniens. Le Premier ministre Benyamin Netanyahou ne s’y est pas trompé en insistant sur la "meilleure tradition du peuple Juif" observée aujourd’hui en Haïti. "C’est la véritable nature de l’Etat d’Israël et du peuple Juif". Une véritable nature qui s’oppose forcément à une fausse nature. Laquelle ? Celle véhiculée par les médias montrant une armée israélienne forcément cruelle et barbare…" Tout y est là : la conception de l’humanitaire façon Netanyahou, celle de l’utilisation du malheur des uns pour repeindre à neuf un état qui s’écroule dans ses principes mêmes ! A noter aussi l’incroyable phrase sur les "
félicitations" que devraient, selon le gouvernement, recevoir les soldats "
en territoire palestinien" ...
. Et pourquoi aussi s’étonner de ne pas voir les Merkavas reçus avec des bouquets de fleurs, tant qu’à faire ? Comment peut-on
oser parler ainsi ? Comment peut-on être aussi méprisant ? On a tiré à plusieurs reprises sur des familles
arborant un drapeau blanc durant ce massacre organisé ! Même avec des fleurs, on se prenait une balle avec Tsahal, à Gaza ! Yossi Levy présente fièrement
ce genre de photo. Tout le monde pense à
celle-là (il y en a de bien pires, mais j’en ai assez de ces photos d’enfants massacrés).
En France encore, le soutien à l’opération est le fait de bien étranges personnes. Les sempiternels inconditionnels du drapeau étoilé. La com’ durant la durée du séjour va se mettre en marche avec les moyens habituels : les relais internet sous les pseudos les plus divers. Ainsi le dénommé
Jean Vercors, qui sent bon l’arnaque et le déguisement (c’est le nom d’un grand résistant, auteur du magnifique "
Silence de la mer" ), un "spécialiste" du prosélyitisme israélien sur Le Post. Celui qui osait hier encore un
"djihad de la flotille de Gaza", et qui se précipitait en janvier dernier pour mettre en ligne une
vidéo des médecins de Tsahal en Haïti. Un grand moment de vidéo : celui de la naissance d’un bébé prématuré né dans l’hôpital de campagne, assorti des commentaires du colonel Itzik Kryce ; et surtout du
nom du bébé : Israel. Non, vous ne rêvez pas, ils ont osé, ils l’ont fait ! A côté, la propagande du Hamas fait pipi de chat, je trouve. Le commandant de l’hôpital de campagne venant dire devant la caméra que les blessés viennent "
vers eux" car "
ils disposent de la force humaine" est trop ! Et ce "
comme dans aucun autre endroit de la région", ajoute-t-il... notre commandant est en fait un peu présomptueux : au même moment, le 21 janvier, donc, Médecins Sans Frontières déplie et monte son hôpital gonflable sur le terrain de football de Port-au-Prince.
Des photos le prouvent. Les israéliens sont loin d’être les seuls à avoir apporté un hôpital de campagne. Les canadiens aussi ont
le leur... Itzik Kryce, dans une autre vidéo, harangue ses hommes en leur disant qu’il sont "
ici pour faire une chose importante". Personne n’est alors dupe : et surtout pas l’envoyée spéciale du Telegraph,
Stephanie Gutmann, qui se permet au passage une remarque acerbe et fielleuse sur les prélèvements d’organes, assez inattendue dans ce journal... (et d’ajouter avec humour que le prénom du bébé a certainement été "
soufflé par un agent du Mossad !" ). Israël est bien là, en Haïti, mais c’est bel et bien que pour faire oublier Gaza ! L’humanitaire selon Tsahal a une deuxième limite, celle de la crédibilité. Un lourd handicap pour elle.
Sur le web, donc, ils sont tous là, ou presque, pour vanter les mérites de l’opération. Les trompettes de Jericho Hotmail ont déjà sonné partout. Ce "Vercors", si preste à mettre en ligne du
Macina, qui lui, sévit sur le
site de l’UPJF... tous deux pourfendeurs du
"palestinisme"... comme ils le clament à longueur d’intervention en forums, et propagandistes avant tout de leur état-miracle. Tous deux citent abondamment
Bernard Botturi. Un homme qui a du flair, pour sûr : dans son dernier billet sur JC Call, il affirmait
"Pour finir bonne nouvelle Bibi reprend la main sur les faucons"... comme quoi nul n’est prophète en son pays ! Le désastre de cette semaine démontre clairement le contraire, mais bon. Un Botturi qui écrit ainsi
en forum que les juifs doivent s
’"affirmer de façon digne, en sachant remettre les braillards d’arrière salle de brasserie de Capjo à leur place, c’est-à-dire le néant intellectuel, la pitrerie dérisoire. Replacer le débat sur l’antisémitisme et l’antisionisme à son niveau réel : les enjeux géostratégiques, les manipulations du panislamisme et du panarabisme, l’histoire des mentalités, l’analyse des discours de la novlangue pro-palestinienne, les données socio-psychologiques, etc.…"` On notera le fabuleux
" enjeux géostratégiques" mêlés à la notion d’antisémitisme, chez lui, comme chez beaucoup d’autres hélas, ce qui est un leurre bien pratique pour ne pas attaquer les pratiques d’un gouvernement inique.
On aimerait bien le croire, pourquoi-pas, ce "bon" Botturi, si au milieu il ne citait pas comme meilleur représentante de ce qu’il défend Catherine Fourest...ou lorsqu’il invite à travailler "sereinement : nous affirmer en dehors de toute peste émotionnelle contre productive, savoir utiliser la raison dont la pratique de la malhoqet et du picpoul nous prépare plus que d’autres. " ajoute-t-il... avec des gens comme "Vercors" ou Fourest, ça paraît mal barré. Ramadan a (hélas) encore de l’avenir avec pareils adversaires ! Un Botturi qui écrit ailleurs : "plutôt que de protester contre ce nouvel antisémitisme ne serait-il pas plus pertinent de nous montrer solidaires avec TOUTES les victimes de la haine néo-fasciste gangstériste qui sévit dans les banlieues, de rappeler les valeurs républicaines et humanistes héritières du judaïsme, faut-il le rappeler ! " Alors-là ; si la république doit tout au judaïsme.... tout est dit ! Quant à la " haine néo-fasciste gangstériste" de "banlieue", s’il en cherche l’origine, qu’il regarde à nouveau la cassette de l’attaque du convoi, ou qu’il écoute les comptes rendus des premiers prisonniers libérés racontant les tirs AVANT l’assaut. Peut-être qu’il comprendra que ce qu’il appelle antisémitisme est autre chose, facilité par des comportements irresponsables de la sorte. Même en banlieue, on sait ce que sont les eaux internationales : même un pirate yéménite, ce gangster marin d’à peine seize ans, le sait. Rien à voir avec l’antisémitisme.
Pendant ce temps, Gaza crève, et c’est le preux Gideon Levy qui nous le rappelle : "Une voix pourtant est venue souiller un petit peu la célébration illusoire. : un rapport d’Amnesty International sur la situation à Gaza. Quatre habitants de Gaza sur cinq ont besoin d’une assistance humanitaire. Des centaines doivent attendre un état critique pour avoir droit à un traitement médical, et 28 en sont morts. Tout cela malgré les briefings de l’armée israélienne sur l’absence de siège et la présence de l’aide, mais qui s’en soucie ?"
Ce sont sans nul doute de grands
"républicains" et des gens aux "
valeurs humanistes" qui viennent de faire ce carnage, dans lequel on vient de découvrir...
un américain. Mais ça, ils n’y avaient pas songé, à Tel-Aviv. La com’, ça s’apprend. Et visiblement, chez les faucons du cabinet Netanyahou, où l’on trouve aussi ne l’oublions pas le Chas du rabbin Ovadia Yosef, Yisrael Beitenu (avec Lieberman), United Torah Judaism de Yaakov Litzman, ou le Jewish Home de Daniel Hershkovitz (et sans oublier le "conseiller"
Uzi Arad, ancien du Mossad), on n’a pas encore trouvé la bonne méthode de communication. C’est "
la nef des fous", nous dit Levy. On ne dira pas mieux.