L’inéluctable démission du Président Macron. Colère et Temps. Rupture ou dialogue dans le changement démocratique ?

par Renaud Bouchard
lundi 3 décembre 2018

 

« Comment avez-vous fait faillite ? De deux façons, d’abord progressivement puis subitement. »

E. Hemingway, « Le Soleil se lève aussi ». The Sun Also Rises, Book II, Chapter 13, Quote Page 136, Charles Scribner’s Sons, New York. 1926

« Le troisième mandat avait été le plus terrible… Après ça, tout était allé de soi. Il était devenu dictateur. » 

Bogdan Teodorescu, « Le Dictateur qui ne voulait pas mourir ». Agullo, 2018

« - Do you hear that, Mr. Anderson ? It’s the sound of inevitability. It is the sound of your death. Goodbye, Mr. Anderson.

- My name is Neo. »

The Matrix, Agent Smith et Neo (1999)

 

Pour le philosophe et essayiste Peter Sloterdijk, de même qu’il existe des banques qui transforment en capital le trésor des particuliers, il existe des « banques de colère ». Est-ce ce que veut le Président ?

L'équation est très simple : retour immédiat de la paix civile et solides perspectives de prospérité ou démission.

M. Macron n'a pas simplement perdu pied. Il a ouvert la porte au "populisme" qu'il méprise et dit vouloir combattre, se trompant d'adversaire, méprisant son peuple et nourrissant le ressentiment et le désordre.

« 200 manifestants pacifiques sur les Champs-Élysées.1500 perturbateurs à l’extérieur du périmètre venus pour en découdre.Nos forces de l'ordre répondent présent et repoussent les casseurs : déjà 39 interpellations. #1erDécembre — Christophe Castaner (@CCastaner) December 1, 2018 »

 

I- Aveu d'impuissance

…et une simple question : comment 6000 policiers n’ont-ils pu venir à bout de 1500 casseurs ?

Comment le ministre de l'Intérieur ne s'est-il pas rendu compte de l’inanité de son propos en déclarant publiquement comme il l’a fait que « tous les moyens avaient été mobilisés », sinon pour avouer l’étendue d’un immense échec, d'un immense aveu d'impuissance et surtout d’une incroyable incapacité professionnelle ?

https://www.bfmtv.com/mediaplayer/video/chistrophe-castaner-assure-que-tous-les-moyens-de-la-police-de-la-gendarmerie-et-de-la-securite-civile-etaient-mobilises-aujourd-hui-1121951.html

https://www.dailymotion.com/video/x6y6q5s

Voici un chef de l'Etat en retrait, silencieux, qui tente de sauver sa "ligne économique" alors que l'urgence est ailleurs, espérant désolidariser les Gilets jaunes en cherchant des gens raisonnables avec qui discuter.

L'Elysée se défausse et renvoie la réponse politique à Matignon, comme si la gestion de cette crise permettait encore au chef de l'Etat de faire l'économie d'une réponse politique face à des violences qui le dépassent, comme si les lacunes des dispositifs sécuritaires ne révélaient pas les faiblesses d'un Exécutif devenu inaudible, dépassé par les événements dont il ne peut permettre une troisième réédition sous la forme d'un autre "samedi noir".

On retiendra que le Macronisme est mort le 1er décembre 2018 et qu'il faut désormais passer à autre chose.

Le choix d'un camp s'impose, avec d'un côté celui de l'insurrection aveugle contre des institutions et des personnages politiques et de l'autre celui de l'ordre légitime de la République qui ne peut accepter que des lieux d'histoire, de mémoire, de pouvoir, symboles d'institutions qui ne sauraient être attaquées se trouvent précisément vandalisés alors que parallèlement les magasins, les citoyens, les policiers, les pompiers sont pillés, volés, agressés et gravement blessés.

Vient un moment - et ce moment est arrivé - où ce qui doit être défendu est bien l'Etat plutôt que son chef qui ne le représente plus et se trouve contesté dans sa propre légitimité personnelle, politique, nationale, avec une image chaque jour plus dégradée et désastreuse pour la France, tant sur le plan national qu'international.

Allons-nous laisser se développer une situation insurrectionnelle, une guérilla urbaine qui pourrait se traduire par un embrasement général et une déstabilisation du pays ?

Ambulanciers lors d'une manifestation surprise à paris, devant l'Assemblée nationale ce lundi 3 décembre 2018 :

https://francais.rt.com/france/56190-paris-centaines-dambulanciers-bloquent-place-concorde-video?fbclid=IwAR0xco-30NAyQFn1um_IXyzsHeyYdgRONtUJik2TFfEUZutjw63LD5o4b6g

Installations portuaires bloquées :

https://www.midilibre.fr/2018/12/03/sete-lacces-au-port-bloque-par-les-gilets-jaunes,4996541.php?fbclid=IwAR0h2_lwqZ9OQRJfgRPDF15gK6ZKVD3T4jEpOM5oC4vhseiia9j7l1c7unI

Raffineries :

http://www.leparisien.fr/economie/blocage-de-raffineries-et-de-depots-de-carburant-deja-des-restrictions-en-bretagne-03-12-2018-7959450.php

Lycées :

https://www.bfmtv.com/police-justice/aubervilliers-incidents-aux-abords-d-un-lycee-1580251.html#content/contribution/edit

Un pays comme la France se mérite. Il se mérite parce que vivre en France demeure un privilège. Il se mérite parce que nous avons une histoire, des lois, des règles, des usages, une organisation politique économique et sociale qui sont le résultat d'efforts constants accomplis au travers de difficultés, d'épreuves et de succès. Et voilà qu'une poignée de dirigeants mal élus, tare fondamentale dont on mesure aujourd'hui les faiblesses, persuadés de détenir une sorte de vérité et inspirés par la volonté de dicter et imposer aux Français ce qui serait "bon" pour eux est en train de dérégler systématiquement le pays en faisant n'importe quoi et en méprisant ceux auxquels ils s'adressent.

http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2018/11/29/31001-20181129ARTFIG00361—macron-redoute-davantage-les-amendes-de-bruxelles-que-la-colere-de-son-peuple.php

Gouverner un pays comme la France se mérite car c’est là aussi et par-dessus tout un privilège qui ne saurait échoir à une équipe arrivée en bout de course après seulement 18 mois d’activité

Les institutions politiques, aussi solides qu’elles puissent être ou paraître, ne valent que par ceux qui les incarnent, les défendent et les font fonctionner au nom de l’Etat et des citoyens.

Cette fonction incombe en premier lieu à celui qui en est constitutionnellement le chef. Si celui-ci n'est pas ou n'est plus en mesure de l'exercer, il doit s'en aller.

II-Un constat sans appel.

Or le constat est simple. Le temps est venu de passer la main. Le "Mai 68" de la classe moyenne a commencé et ne s'arrêtera pas tant que l'ordre ne sera pas rétabli sur la base et la condition d'un véritable dialogue apaisé sur les origines profondes de cette révolte et les moyens adéquats d'y remédier avec un pouvoir politique digne de ce nom.

Le problème tient malheureusement au fait que si d'un côté il va bien falloir que la France qui dit son malaise trouve une représentativité pour s'exprimer, il va aussi falloir que se détache un interlocuteur valable, légitime, reconnu et accepté, suffisamment puissant pour écouter, être écouté et accepté dans les décisions et remèdes qu'il doit prendre et offrir pour répondre intelligemment aux urgences qui travaillent le pays en profondeur.

Cet interlocuteur ne s'étant pas encore fait connaître et l'actuel chef constitutionnel n'étant plus à la hauteur de la situation parce que désormais considéré comme le Grand Désordonnateur, même si toutes les responsabilités ne peuvent lui être imputées, il devient évident que Monsieur E. Macron risque fort, d’une manière ou d’une autre, d'être obligé de démissionner de ses fonctions de président de la République et de chef de l’Etat.

Il s’agit d’une démission qui interviendra volontairement ou sous la contrainte. Nul ne peut dire quand, mais elle aura lieu et le plus tôt sera le mieux.

La survenance inéluctable de l’événement pouvant être rapide ou plus lente, elle se produira après une phase de rigidité et de tentative de reprise en main de la situation, habile ou malhabile.

Ce sera alors-là une manière de procéder que la France ne supportera pas de la part d’un personnage désormais perçu comme un petit cheffaillon ayant perdu toute crédibilité et toute légitimité et dont tout le comportement montre qu’il cherche déjà à se cramponner au pouvoir en mobilisant tout l’appareil d’Etat contre son peuple, quoi qu’il en coûte.

Etat d’urgence, loi martiale, la Constitution a prévu un bloc de mesures exceptionnelles qui n’attendent que d’être réalisées. Encore faudrait-il qu'elles soient mises en œuvre à bon escient. Voit-on bien la situation nouvelle qu’elles pourraient générer ?

Pareil comportement qui traduit plus que jamais une fin de règne prématurée est d’autant plus dangereux pour l’intéressé et ses fidèles que, s’agissant de la France et des Français, le risque d’un retour de flamme devient réalité lorsque le pays profond décide depuis trois semaines que la mesure est comble et que les limites de la patience longue ont été dépassées.

Pour ne pas l’avoir compris dans d'autres circonstances, d’autres ont eu à subir de sérieuses déconvenues dans le passé et il devient chaque jour manifeste que l’expérience des uns n’instruit pas le comportement des autres alors que chacun sait que toute partie a une fin et que l’on peut être…chassé du Pouvoir.

Paris vient de connaître une éruption, une « journée parisienne » qui n’a rien d’un accès de fièvre. L'étincelle pourrait bien avoir mis le feu à la plaine. Le malaise et le ressentiment sont en effet profonds, anciens, contagieux, dangereux, susceptibles de toucher tout un chacun avec des débordements d’autant plus inadmissibles qu’ils pouvaient être largement prévus et qu’ils touchent le pays tout entier.

http://www.lefigaro.fr/culture/2018/12/02/03004-20181202ARTFIG00038-gilets-jaunes-les-images-de-l-arc-de-triomphe-saccage.php

Un président de la République qui a perdu toute légitimité, toute possibilité de se maintenir au pouvoir pour la durée légale du mandat qui lui reste à courir, ne peut plus valablement exercer ses fonctions. Il en va de même de l’autre acteur de cette dyarchie propre à la Vè République que représente le Premier ministre, même s’il détermine et conduit la politique de la nation aux termes de l’art. 21 de la Constitution.

Aller au contact et réagir comme le fait M. Macron dans un cadre de réaction violente est une mauvaise solution. Distinguer entre "bons" Français et "mauvais" Français est une grave erreur. Le cap et le programme sont les mêmes et plus personne n’en veut. M. Macron s’est rêvé comme LE président de la Vè République. Il a commis une grave erreur d’appréciation et de comportement, tant sur la forme que sur le fond.

Le processus de sa mort politique est donc enclenché et ira à son terme.

III- Désordre et dérives

Pour autant voici que l'on voit naître des réactions qui concrétisent un véritable désaveu du Pouvoir. Ainsi en est-il d’un ralliement des forces de police avec les Gilets jaunes, hypothèse qui n’a rien d'impossible. Qu’un commandant de police  puisse en énoncer clairement les termes et raisons sur TV Libertés résume la situation :

"Sur le plan humain, il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de policiers qui sont derrière les Gilets jaunes, qui soutiennent les Gilets jaunes, déclare-t-il. Pour l'instant, ça ne se voit pas trop, heureusement, parce qu'on est le dernier rempart. J'ai l'impression qu'il ne reste plus que la police, les pompiers, un peu l'armée... Si ça fait tomber les casques et que la police dépose les armes, attention, très, très gros danger. Qui peut prédire l'avenir actuellement ? On est dans une période très difficile, très dangereuse. Je ne suis pas devin, je ne peux pas vous dire si la police va rejoindre les Gilets jaunes à un moment ou à un autre."

Que dans un autre communiqué le syndicat de police Alliance ait pu demander l'instauration de l'état d'urgence, réclamer le "renfort de l'armée pour garder les lieux institutionnels et dégager ainsi les forces mobiles d'intervention", est encore révélateur d’un cran au-dessus du simple climat de guérilla urbaine. "On est dans un climat insurrectionnel", a en effet déclaré M. Frédéric Lagache, le numéro 2 d’Alliance, premier syndicat de gardiens de la paix.

https://twitter.com/alliancepolice/status/1068962529752289281

IV- Solution

Une autre solution pourrait intervenir, qui passerait par la déposition pure et simple, en douceur, de celui dont un collaborateur actuel n’hésitait pas à dire, avant de se rallier à lui, que "Loin d’être le remède d’un pays malade, il [M. Macron] sera au contraire son poison définitif. Son élection, ce qu’au diable ne plaise, précipiterait la France dans l’instabilité institutionnelle et conduira à l’éclatement de notre vie politique."

Qui se souvient que ces propos prémonitoires sont ceux que M. Gérald Darmanin tenait le 25 janvier 2017 dans le quotidien L'Opinion ?

 

Il faut savoir siffler les fins de partie tant qu’il en est encore temps.

Les déclarations de M. Macron tenues en Argentine, loin de la France, sont devenues inaudibles, chacun ayant compris, d’une manière certaine, que le problème c’était lui et qu’en aucun cas il ne saurait donc faire partie de la solution sauf à remettre les compteurs à zéro en donnant sa démission et en permettant à la France de se retrouver avec de nouvelles élections nationales, tant présidentielles que législatives.

Pareilles élections ne pourront se tenir avec les formations partisanes actuelles, obsolètes, démonétisées, qui n'ont plus rien à proposer et dont la disparition est elle aussi inéluctable.

Quelque chose doit donc naître, de nouveau, proposé par quelqu'un de courageux et de déterminé, prêt à écouter, juger, peser, décider.

Ce personnage fera appel précisément à tous ceux qui ne se reconnaissent pas ou plus dans les structures politiques et partisanes actuelles et qui aspirent à un véritable renouveau, soucieux de rétablir l'harmonie, la prospérité et la puissance de la France.

Pour ma part, je suis prêt.

 

 

Sources et références :

 

E. Hemingway, « Le Soleil se lève aussi ». The Sun Also Rises , Book II, Chapter 13, Quote Page 136, Charles Scribner’s Sons, New York.

“How did you go bankrupt ?” Bill asked.“Two ways,” Mike said. “Gradually and then suddenly.” “What brought it on ?” “Friends,” said Mike. “I had a lot of friends. False friends. Then I had creditors, too. Probably had more creditors than anybody in England.”

Ernest Hemingway, “The Sun Also Rises”, 1954 (1926 Copyright), The Sun Also Rises by Ernest Hemingway, Book II, Chapter 13, Quote Page 136, Charles Scribner’s Sons, New York.

Bogdan Teodorescu, « Le Dictateur qui ne voulait pas mourir ». Agullo, 2018

Peter Sloterdijk, Colère et Temps - Essai politico-psychologique, Olivier Mannoni (Traducteur) Ed. Libella-Maren Sell, 2007

https://www.nonfiction.fr/article-711-la-colere-comme-moteur-de-laction-politique.htm

 


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