L’inflation : éléments de réflexion

par Aimé FAY
lundi 20 juin 2022

 

Phénomène monétaire visible à travers la hausse générale des prix de vente des biens et des services.

L’inflation signifie la perte du pouvoir d'achat (*) de l'unité monétaire du pays. Cela pousse les agents économiques à dépenser avant que cette perte s’accentue. L'inflation "détruit l'atmosphère de confiance…"1.

La perte de pouvoir d'achat est égale à l'augmentation, en pourcentage, de l'indice des prix à la consommation (IPC).

L'inflation a pour causes :

la demande. "La cause immédiate de l'inflation est toujours et partout la même : un accroissement anormalement rapide de la quantité de monnaie par rapport au volume de la production."2 (cf. : théorie quantitative de la monnaie (*)). Croissance de la quantité de monnaie, c'est-à-dire de la masse monétaire, due à l'excès de création monétaire, principalement :

    - à travers l'augmentation du volume des crédits à l'économie octroyés à des taux d'intérêt avantageux tant en termes nominaux que réels. Augmentation qui va doper la croissance économique (cf. : surchauffe économique (*)) ;

    - et, dans certains pays, au financement du déficit de l'État par recours à la "planche à billets (*)"2.

Les agents économiques disposant alors de liquidités abondantes, leurs demandes de biens et services augmentent plus vite que l'offre de ces mêmes biens et services. In fine, l'équilibre se réalise grâce à la hausse des prix.

l'offre, notamment à travers :

    - une augmentation des coûts de production due à : la hausse des matières premières, la hausse des taxes et droits divers, à l'accroissement des normes et des contraintes réglementaires… mais aussi à la hausse des salaires qui, voulant rattraper l'inflation des prix, va engendrer la spirale ou boucle inflationniste "prix/salaires" ;

    - une hausse du coût des importations lié : à la dépréciation de la valeur de la monnaie nationale sur le marché des changes, à la volonté du ou pays exportateurs… ou encore à la spéculation en occurrence de risque géopolitique, du climat, de guerre, etc.

N.B. : Quand l'inflation est uniquement par les coûts, elle doit entraîner, selon la théorie quantitative de la monnaie, toute chose égale par ailleurs, une baisse de la masse monétaire et, in fine, une baisse générale de la dépense, c'est-à-dire de la demande globale, la monnaie se faisant rare.

Outre les éléments entrevus ci-dessus, l'inflation va engendrer, et cela de manière d'autant plus importante qu'elle sera forte et persistante :

- une diminution de la valeur réelle (en monnaie nationale) des capitaux sous forme monétaire ou financière. Diminution conjuguée à celle concomitante du taux d'intérêt réel, quand il est fixe ;

 De fait, l'inflation, si elle doit perdurer, encourage l'endettement à taux fixe en monnaie nationale (quel qu'il soit : pour investissements productifs ou spéculatifs) et donc l'esprit d'entreprise, mais décourage l'épargnant et l'investisseur ;

- la diminution de la compétitivité des entreprises et plus spécialement des exportations du fait du renchérissement des prix de vente, à moins que le taux de change baisse proportionnellement. Mais, si celui-ci baisse, cela va engendrer un renchérissement du coût des importations et, in fine, si les deux se conjuguent, une baisse… de la croissance économique ;

- une fuite devant la monnaie (perte de confiance) qui, convertie dans l'achat par anticipation de biens et services avant une nouvelle hausse des prix, accélèrera l'inflation ;

- un mécontentement social, réclamant une indexation des salaires nominaux et de toute prestation de transfert et des retraites sur le taux d'inflation, car avec l'inflation, leur montant réel diminue. Ce mécontentement est souvent conjugué à un sentiment d'injustice ressenti par les agents économiques pauvres ou modestes et n'ayant aucune dette. Sentiment réel, que leurs dépenses contraintes augmentent plus vite que l'IPC ;

- une altération de nombreux calculs économiques ou financiers, notamment ceux qui intègrent un taux d'actualisation ;

- une diminution (hors action de la Banque centrale sur les taux) du cours de la monnaie nationale sur le marché des changes et donc un renchérissement de tout actif libellé en devise "réévaluée" ;

- …

- une augmentation des stocks (spéculatifs ou non) des entreprises (surtout celles de négoce) dans l'attente d'une nouvelle hausse des prix de vente ;

- mais aussi, une stimulation à court terme des recettes de l'État − outre l'allégement du fardeau d’une part de sa dette publique, si émise à taux fixe −, car elles voient la valeur nominale de leur assiette augmentée (la TVA notamment). Effet, qui peut même réduire un déficit budgétaire existant, car les dépenses de l'État sont assez rigides et ne suivent généralement pas intégralement l'inflation.

La plupart des gouvernements − mêmes ceux qui ont une la dette publique importante (l'inflation leur est globalement profitable) − suit donc l'inflation avec une attention très particulière. Même si certains, souvent ceux des pays en développement, essaient parfois, en truquant les chiffres, de masquer son importance à leur population, ainsi qu'à leurs investisseurs… ignorant volontairement qu'une inflation non maîtrisée peut avoir des méfaits négatifs incommensurables (cf. : hyperinflation (*)).

Les Banques centrales des pays développés ont pour mission statutaire de combattre l'inflation, donc de veiller à la stabilité des prix et pour cela avoir explicitement une cible d'inflation (cf. : indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) (*)) inférieure à 2%, en se gardant toutefois de la déflation 3 avec une inflation trop inférieure à cette cible. Leur instrument est la mise en œuvre d'une politique monétaire adéquate associant un taux directeur conforme à leur attente, parfois associé à un surcroit de réserves obligatoires afin de retirer, de geler une certaine quantité de monnaie. Cela, malgré le risque de voir croître, à court terme, le chômage (cf. : courbe de Phillips (*)) et un ralentissement de la croissance économique 4.

 

N.B. : divers termes accompagnent celui d'inflation, notamment : l'inflation rampante quand il s'agit de quelques pour cent par an, durant plusieurs années ; l'inflation galopante... de plusieurs dizaines de pour cent, annuels ; l'inflation explosive ou l’hyperinflation de plusieurs centaines de pour cent par an ; l'inflation masquée dans laquelle le prix du produit ne progresse pas, mais sa qualité et/ou son contenu diminuent… et l'inflation perçue. Cette dernière montre que le consommateur a le sentiment que l'inflation qu'il subit est toujours supérieure à celle mesurée et publiée par les autorités du pays. Toutes les études 5 montrent que le consommateur retient davantage la hausse d'un prix plutôt que la baisse d'un autre, qu'il se focalise sur ses achats fréquents plutôt que sur ceux occasionnels, qu'il perçoit l'inflation de manière individuelle et à court terme alors que l'IPC est une mesure générale et qu'il doit être apprécié sur un an, etc. 

 

1. John Maynard Keynes (1883-1946) : La réforme monétaire, Chap. I-I-3, p. 48.

2. Milton Friedman (1912-2006) : Inflation et systèmes monétaires, première partie, chapitre 1, L'inflation, mal incurable, p. 67 et 79 (planche à billets). Friedman parle aussi d'imposition indirecte pour qualifier l'inflation (p. 76).

3. "Ainsi, l'Inflation est injuste, la Déflation est dangereuse. [...]. Il est pire en effet [...], de causer du chômage que de duper le rentier." (Keynes, Id. Chap. I-II, p. 57).

4. "J'ai déjà souligné quels pouvaient être les effets indirects du remède contre l'inflation. [...] un ralentissement de la croissance et un chômage important." (Friedman, Id., p. 84).

5. Qu'est-ce que l'inflation ? (ecb.europa.eu).

 

(*) prochain article.

 

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