L’innocence de Rousseau

par Clément
jeudi 27 août 2015

Quand est ce que la gauche comprendra à nouveau que l’État et le droit sont les instruments de notre liberté ? Une relecture de Rousseau s'impose. 

 

(Je ne suis ni historien des idées, ni philosophe. Pour prétendre à ce titre, il faudrait encore que je termine mes études et exerce cette activité à plein temps dans le cadre universitaire. Néanmoins, même sans cette légitimité je reste persuadé que tout homme conquiert sa liberté par le travail et qu'une étude profonde d'une question permets à chacun d'exercer son esprit critique et d'objectiver au mieux sa réponse.)

 

« L'homme par nature est bon, c'est la société le rend mauvais ».

Cette phrase servant aujourd'hui à justifier une politique pénale laxiste est maladroitement souvent attribuée au citoyen de Genève. Caricaturée, sa pensée est difficilement dissociable de ce mythe du « bon sauvage ».

Rousseau est un homme incompris : rangé du coté des philosophes des lumières alors que celui-ci les critiques de l'intérieur et condamné par l’Église catholique alors qu'il en défend les principes généraux contre l'athéisme extrémisme de Voltaire et ses amis. Finalement le conflit qui oppose les deux hommes et par extension celui de Rousseau avec la philosophie des lumières peut être résumé par Goethe : « Avec Voltaire un monde s’éteint, avec rousseau un autre commence ».

Le mythe du « bon sauvage » n'est pas infondé, mais survient d'une lecture trop rapide de Rousseau. Si le philosophe parle en effet d'un « age d'or de l'Homme », il décrit et imagine par la suite sa décadence.

A l'inverse des grecs qui imaginaient une société politique naturelle et immuable, l'auteur du Contrat social s'inspirant d'Hobbes imagine l'acte de fusion des hommes donnant naissance aux sociétés politiques. Pour se faire il utilise une fiction, le contrat social : l'Homme à l'état de nature doit s'associer aux autres pour survivre par l'intermédiaire de la société politique.

Rousseau va dans un premier temps décrire les hommes tels qu'ils sont avant l'apparition de la société.

Le contrat social développe la pensée de l'auteur de l'état de nature déjà présent dans le Discours sur les sciences et les arts (1750), Le discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité entre les hommes (1755) et indirectement l’Émile (1752).

L'état de nature est d'abord un « age d'or ». La nature est supérieure à la civilisation. Le philosophe explique que « l'Homme est né libre et partout il est dans les fers ». La liberté que l'humanité possède dès sa naissance, s’oppose à la contrainte, dans laquelle elle vit actuellement. Dans cet état de nature, les hommes vivent en « heureuses brutes ». Ils sont dispersés, n'ont pas de culture et ignorent ce qu'est la collectivité. L'homme est presque réduit à son état d'animalité car il n'a que des besoins et aucun plaisir. Il ignore ce qu'est le bien et ce que signifie le mal.

Rousseau s'oppose donc très distinctement au contractualisme d'Hobbes. Pour Rousseau, l'Homme n'est pas fondamentalement mauvais, car il a aucune idée de ce qu'est le mal en dehors de la société. En outre, l'état de nature est à l'origine un état de paix, ou les hommes qui ont tous la même nature et les mêmes droits vivent de manière égalitaire. Tout état dans lequel règne l'égalité est assimilée à un paradis chez Rousseau.

Pourtant cet état paradisiaque ne va pas durer. Il va basculer des fautes de l'homme, se hiérarchiser de manière arbitraire selon les seules loi de la nature.

Comme dans la Genèse, les hommes sont responsables de la destruction de leur paradis originel.

La situation initiale de l'état de nature se détériore en raison d'une capacité que l'Homme a en lui : la création, l'innovation. L'homme invente le progrès. La raison de l'homme va produire de la richesse et donc des inégalités. A l'inverse d'une gauche bien-pensante, le philosophe pense que la capacité de l'homme a créer le « progrès » va créer la propriété individuelle qui génère l’inégalité, la convoitise et donc la violence. L'Homme créer les conditions de sa propre violence. A cause de la propriété, l'accumulation des inégalités sociales entraîne l’assujettissement des plus faibles : ceux que le philosophe des lumières veut défendre. A partir de ce moment, la guerre se généralise. L’inégalité devient la source des maux du monde. Le droit est alors attribué aux seuls possédants.

Pour Rousseau, cet état de guerre et d'injustice ne peut et ne doit plus durer. Les hommes doivent absolument se doter d'une société positiviste pour protéger les plus faibles d'entre eux de la guerre généralisée. Ce constat amène la théorie du contrat social.

L'Homme si il ne créer pas le contrat social est donc voué à l'échec. Les hommes vont donc s'associer, négocier le renoncement de leur liberté originelle pour mettre fin à l'état d'anarchie et de guerre de l'état de nature en échange de lois sauvegardant la pérennité du corps social. La liberté s'inscrit désormais dans le cadre d'une volonté générale puisque la condition de ma liberté, de ma propriété et de ma sécurité n'est possible que par l'acte de fusion des hommes devenus alors citoyens. L’État est donc l'instrument de ma liberté. Ne pas obéir à la loi c'est donc renoncer à la volonté générale, à la liberté.

Le pacte va donc donner une égalité morale et légitime à ce que la nature avait pu mettre d'inégalité physique entre les hommes. Les hommes deviennent égaux par convention de droit.

 


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