L’invasion des Trolls

par mortelune
lundi 4 mars 2013

Dans les légendes d'origine scandinave, le Troll est un géant batailleur, qui agit d'abord et réfléchit (parfois) après, dont l'intelligence est voisine du niveau de la mer, à marée basse. C'est un individu fort en gueule, un "m'as-tu vu" qui tape sans raison ni provocation sur les plus petits et les plus faibles, sans jamais s'attaquer à qui serait, au plus moitié moins fort que lui. On peut encore dire qu'il est bas de plafond, qu'il n'a pas la lumière à tous les étages, surtout ceux du haut. C'est le grand gros brutal pas fin. Au moment où l'UE va débourser 2,5 millions d'euros pour lancer une armée de 'trolls' dans les forums de discussion afin de contrer les 'eurosceptiques' en vue des élection de 2014 (voir article agora février 2013) il est bon de savoir mieux les reconnaitre pour mieux les combattre. Il y a plusieurs catégories de Trolls :

- Le Troll débutant (où le Troll qui s'ignore) : C'est une façon de Troller par ignorance ce la nétiquette et du fonctionnement du forum, sans véritable intension de nuire. On peut considérer comme Troll débutant une personne qui répond au message d'un autre Troll. D'où l'intérêt de bien repérer les Trolls. 

- Le Troll méchant : C'est le Troll le plus connu. Son rôle est consciemment de tuer les forums pour se venger des administrateurs du forum ou parce qu'un sujet lui déplait. Il peut aussi s'en prendre à des membres de la communauté uniquement par jeu.

- Le Troll manipulateur : Le Troll manipulateur a un but bien précis. Il utilise les techniques pour contrôler les forums et l'opinion publique. Voir les techniques secrètes pour contrôler les forums sur internet. L'article est trop long pour le joindre ici cependant je vous invite à le lire car mieux on connait les techniques, moins elles sont efficaces.


L'armée de 'Trolls mercenaires' de l'Europe est composée de soldats entrainés donc instruits de l'utilsation des techniques de Troller efficacement. Ce sont des esclaves cupides et méchants qui profitent d'un environnement favorable pour satisfaire leurs pulsions. N'est pas Troll qui veut et il faut un certain mental pour accomplir l'objectif qui leur est demandé. S'ils sont recrutés parmi les débutants, les méchants ou d'autres, leur profil psychologique est commun.

Ayant les deux premiers Trolls sont faciles à déceler, autant le Troll manipulateur l'est beaucoup moins. 

Dans les forums de discussions et les listes de diffusion, un troll est un importun, un trublion qui perturbe volontairement le fonctionnement pour y semer la dissension, la confusion, le conflit, la chicane, le chaos par perversité. Le Troll empoisonne la vie des gens, par des messages insultants, incongrus ou décalés au sujet du forum ou de la discussion, voire volontairement incompréhensibles ou criblés de fautes volontaires ou non, par des questions oiseuses étrangères au sujet. Ils insistent sur les sujets qui fâchent. Ou toutes autres techniques de déstabilisation et d'agression. Par exemple la moquerie appuyée sur les débutants ou ceux qui se présentent modestement. Ou surtout l'insulte la plus basse et la plus virulente à qui ose lui répondre intelligemment d'aller se faire ... après plusieurs dizaines de messages sans intérêt où il se répète.

Habituellement, hélas, les habitués du forum ne sentent pas - ou pas tout de suite - qu'ils ont affaire à un perturbateur, à quelqu'un qui ne respecte pas les règles explicites (le règlement) ou implicites (la 'nétiquette') du forum. Surtout si le Troll est un peu habile dans la progression de son action. Les résultats sont en général de longues rafales de messages d'invectives réciproques entre gens qui s'estimaient, suivies d'insultes qui font monter le ton, génèrent un malaise, des démissions, puis parfois une mort du forum. Quand il n'y a plus de substance autre que de l'ordure, on s'en va. 


Le Troll présente un dysfonctionnement de l'échange, du lien social, de la relation, de la capacité à supporter un minimum d'attente à son désir, la contrainte de l'existence d'une volonté différente d'un Autre et de son désir indépendant. Il est incapable de connaître et d'accepter des limites à son désir d'expansion. Sa violence imbécile, 'gratuite' et extrême interroge. Il est encouragé dans sa nuisance par l'impossibilité de lui coller son poing sur le nez : pas facile en 'virtuel' ! Il est soupçonné d'avoir une vie intérieure indigente, qu'il ne peut remplir que par ce qui est à sa portée : des quantités déraisonnables de liquides alcoolisés, des centaines ou des milliers de messages sans intérêt. La protestation véhémente du pervers confronté à la responsabilité de ses actes est souvent liée au fait que le Troll d'aujourd'hui ne se sent pas en continuité avec celui qui a hier commis l'infraction (J. Reid Meloy). Ce terme lui est d'ailleurs étranger. Il manque au Troll la norme, au moins théorique, et plus grave encore, la capacité de s'y tenir. Son 'surmoi' (S. Freud) est faible et surtout fragile. Comme le dit si clairement un Troll des forums de l'Arbre celtique, « j'étais ivre ». Un petit rien, un verre de trop, et le vernis dégouline, laissant voir les hideurs de l'individu infantile, dans l'immédiateté de son acte de destruction gratuite, de sa gigantesque mauvaise foi. Encore, s'il se limitait à lui-même... Mais il y a des familles en face de lui sur les routes, il y a des communautés de gens responsables qui tentent de construire, de former ou d'informer, sur le web ou ailleurs. Il ne sait que broyer, casser, détruire, vexer, attaquer pour vivre sa jouissance. Ce trait de comportement, la toute puissance, est classiquement présent dans la paranoïa, mais il en est indépendant et se retrouve dans d'autres maladies mentales, les psychoses, qui sont des désordres majeurs du fonctionnement mental. C'est aussi un trait de caractère plus ou moins en limite du 'normal'. Je ne dis pas qu'un Troll est toujours un malade mental —encore que... Les caractères principaux de la paranoïa sont :

la surestimation de soi,
le sentiment d'être incompris en permanence,
l'orgueil,
la fausseté du jugement,
la pensée paralogique (conclusion délirante, erronée ou fausse, à partir d'un fait réel),
l'impossibilité de se remettre en cause,


le rejet des idées différentes des siennes,
l'entêtement,
le peu de sociabilité.
Etc. Les psychiatres décrivent encore bien d'autres traits, moins pertinents à mon propos et plus mineurs.

Enfin, le parano est très souvent un processif, il fait des procès excessifs et minuscules à tous et pour tout. Et comme « on ne lui rend pas justice », celle qu'il veut à toute force obtenir mais qui lui est refusée, il finit par passer à l'acte et tue. Heureusement, la paranoïa majeure est rare. Sur un plan mineur, beaucoup de dirigeants le sont... et même des gens moins haut situés.

Le Troll ne va pas jusque là. Cependant c'est souvent un pervers, dénommé aussi amoral ou psychopathe : personne qui agit ses troubles, sans pouvoir s'en empêcher, tout en sachant faire mal en général, ou du mal à une personne. Le pouvoir peut procéder de l'excellence, reconnue et alors acceptée ; mais aussi de la plus basse manipulation ou de la brutalité, voire de la terreur.

Il a besoin des autres pour être remarqué, pour se faire valoir, pour être dans la jouissance. De préférence par le moins bon en lui, le pire, plutôt que par ce qu'il a de meilleur. S'il en a, du meilleur...

Certains sont particulièrement habiles, ou épouvantablement cyniques, se réclamant bien fort du droit imprescriptible à la parole, à l'expression d'opinions « différentes » et en fait complètement opposées au forum, ou hors sujet ; ils en appellent à la démocratie et autres hautes valeurs et vertus, afin de mieux les bafouer dans la phrase ou le message d'après. Un auteur du XIXe siècle, Louis Veuillot, avait déjà bien compris la technique : « Je vous réclame la liberté de parole au nom de vos valeurs, et je vous la refuse au nom des miennes » ! On ne peut pas être plus cynique, hypocrite et manipulateur qu'un Troll. La suprême habileté, ou le comble de l'impudence du Troll est d'être clair et 'sincère' : « Si vous n'aimez pas mes messages, ne les lisez pas, et surtout n'y répondez pas » ! Mais l'expérience montre qu'il y a toujours une personne pour répondre, afin de sauver un membre attaqué, d'essayer contre toute évidence de 'faire comprendre', de 'raisonner' —enfin !— le Troll. C'est à la fois de l'humanité, de l'orgueil, de la compassion... Ou encore de l'agacement, de l'exaspération. Un membre peut se trouver être la cible privilégiée du Troll, un souffre-douleur. 


Comment s'en débarrasser ?


Il est clair qu'une communauté de personnes adultes, équilibrées et responsables sur l'Internet ne peut pas accepter ni supporter ce genre de perfidie en son sein. Il est déjà assez difficile de vivre une contestation normale, l'Internet privilégiant la vitesse de réponse au lieu de la qualité, qui demande un peu plus de temps. Le virtuel du réseau contribue à déréaliser et éloigner le Troll, à lui faciliter la tâche, ce qui augmente sa dangerosité réelle. Le pire, pour eux : les ignorer !

Quand le Troll est identifié il ne faut pas lui répondre : les réponses sont sa nourriture. Ne jamais sembler lui donner raison. Par exemple " sur ce point tu as raison mais..."

Cependant Il y a le risque permanent qu'un débutant, ou un autre, réponde ou répondra au Troll, se faisant allumer violemment en retour. C'est ce que le Troll attend. Dans la communauté d'Agora nous savons qu'il y a des Trolls et quelques uns sont discrétement identifiés. Leurs articles ou leurs commentaires sont régulièrement provocateurs et donc 'moinsés' plus que de coutume.


La solution la plus radicale : la dératisation, l'insecticide, le fly-tox ; en pratique : la radiation, l'interdiction matérielle (et définitive) d'accès au forum. C'est la tâche difficile des administrateurs.




Autres textes :

Troll en liberté : 

Techniques pour contrôler les forums

Les catégories de Trolls

http://www.usenet-fr.net/fr-chartes/rfc1855.html

http://web.ccr.jussieu.fr/ccr/Netiquette.html

http://www.sri.ucl.ac.be/SRI/netetiq.html

http://www.infres.enst.fr/ vercken/netiquette/netiquette.html



Article fortement Inspiré d'un article paru dans Sciences et Vie Micro, Serge Courrier, n° 208 d'octobre 2002, pages 78 et 79 et repris par mikhail en 2003.


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