L’olivier est-il menacé de disparition en Italie ?

par Fergus
mercredi 18 mars 2015

Dans la région italienne des Pouilles, les oliviers sont déjà morts ou condamnés sur près de 10 000 ha. Pour lutter contre la propagation de la maladie, une zone de confinement de 23 000 ha a été mise en place pour tenter de contenir l’épidémie. L’Italie est-elle menacée de voir disparaître cet arbre millénaire emblématique ? 

Dans les Pouilles, l’alerte est à son maximum : depuis 2013, date d’apparition des premiers symptômes de dégénérescence, près de 30 000 oliviers du Salento (le talon de la botte italienne) sont morts de dessèchement rapide ou irrémédiablement condamnés, notamment dans deux foyers de la province de Lecce qui ne cessent de s’élargir. Certes, des dizaines d’autres végétaux sont touchés à des degrés divers – notamment les lauriers-roses et les arbres fruitiers –, mais c’est évidemment le sort des oliviers qui est le plus préoccupant, tant cet arbre occupe une place importante dans le potentiel agro-économique de la région, ainsi que dans le patrimoine culturel de la province.

La responsabilité des terribles dégâts qui provoquent la mort irréversible des oliviers incombe à une bactérie dénommée Xylella fastidiosa. Responsable de la « maladie de Pierce », cette bactérie est principalement propagée par des hémiptères, et notamment des insectes suceurs du type cicadelle. Cette bactérie avait déjà été à l’origine de plusieurs épidémies de plus ou moins grande ampleur en Californie où Xylella fastidiosa est endémique dans les zones de culture d’agrumes et dans le vignoble. Mais aucune région d’Europe n’avait été exposée avant l’année 2013. Nul ne sait comment la bactérie est parvenue sur notre continent, mais le fait est qu’elle y est désormais présente.

Aujourd’hui, ce sont les oliviers du sud de l’Italie qui sont attaqués et condamnés à une mort inexorable par dessiccation des feuilles. En accord avec l’exécutif italien et les responsables européens de l’AESA* en charge du problème au niveau continental, les autorités des Pouilles, inquiètes d’un risque élevé de propagation au reste de la région, voire de la péninsule italienne, ont été contraintes de mettre en place des mesures drastiques pour tenter de confiner l’épidémie. Cela passe par différentes mesures : d’une part, l’arrachage systématique de tous les arbres contaminés et leur incinération ; d’autre part, l’utilisation de pesticides et d’herbicides visant à détruire les vecteurs de la maladie ; enfin, par l’interdiction de sortir les moindres fruits et déchets végétaux de la zone contaminée.

Plus spectaculaire encore : un couloir de protection de deux kilomètres de largeur, inspiré du principe des pare-feu, est en cours de mise en place entre la rive adriatique et la rive ionienne du Salento pour isoler la partie orientale des Pouilles du reste de l’Italie, afin d’éviter le déplacement des insectes vecteurs de la contamination. À l’intérieur de ce couloir d’une cinquantaine de kilomètres de longueur placé sous surveillance renforcée, toute la végétation susceptible d’être touchée par l’invasion de Xylella fastidiosa est arrachée et détruite, y compris les arbres sains d’oliveraies centenaires. Quant aux cicadelles, elles sont systématiquement détruites, soit de manière mécanique lorsqu’elles sont encore présentes dans les herbages au sol, soit par l’usage d’insecticides lorsqu’elles ont pris leur envol pour s’installer dans le feuillage des arbres. À cet égard, des garanties ont été données aux associations écologiques : il ne sera procédé à aucun épandage aérien, et dans la mesure du possible, il sera donné la priorité à l’usage d’insecticides bio.

Toutes ces mesures sont évidemment un crève-cœur sentimental pour les habitants de la province de Lecce, très attachés à leur mode de vie ancestral. Elles sont également un désastre économique pour les producteurs d’huile d’olive de l’une des contrées d’Italie restées parmi les plus pauvres, malgré le développement touristique des dernières décennies. Un problème dont les autorités ont conscience : des aides financières seront apportées aux oléiculteurs les plus en difficulté du Salento, et des subventions devraient être débloquées pour les inciter à reconvertir leurs terres dans des cultures alternatives. Cela ne suffira sans doute pas à cicatriser les plaies.

Restent les grandes questions qui inquiètent les pouvoirs publics, de Bari, chef-lieu des Pouilles, jusqu’à Bruxelles, en passant par Rome : L’épidémie pourra-t-elle vraiment être confinée dans le Salento ? Et, faute de savoir comment Xylella fastidiosa est arrivée dans la province de Lecce, ne doit-on pas craindre l’émergence d’autres foyers en Italie, dans la Grèce voisine, ou dans les tout proches Balkans ? Si la réponse à la première question semble devoir être positive, personne n’est en mesure de répondre à la seconde. C’est donc une épée de Damoclès qui est désormais suspendue sur toutes les oliveraies du sud de l’Europe. Il n’est donc pas étonnant que des alertes aient été lancées jusque dans notre propre pays par les DRAAF** des régions potentiellement concernées.

Par chance, le pire n’est jamais sûr. Mais cela ne suffira sans doute pas à rassurer les oléiculteurs de Corse et de Provence.

 

* AESA : Autorité Européenne de Sécurité Alimentaire

** DRAAF : Direction Régionale de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt. Les DRAAF dépendent du ministère de l’Agriculture.


Lire l'article complet, et les commentaires