L’ONU dénonce des crimes de guerre à Gaza

par Olivier Bonnet
mercredi 16 septembre 2009


Dépêche d’actualité sur le site du Parisien tout à l’heure à 16 h 40 : "Israël a fait un usage disproportionné de la force et violé le droit humanitaire international lors de son offensive dans la bande de Gaza l’hiver dernier, estiment les auteurs d’un rapport de l’ONU dévoilé mardi. L’Etat hébreu "ne s’est pas entouré des précautions nécessaires requises par le droit international pour limiter les pertes en vies humaines, les blessures occasionnées aux civils et les dommages matériels", dit le document. Il cite "les tirs d’obus au phosphore blanc sur les installations de l’UNRWA" (agence de l’ONU chargée des réfugiés palestiniens), "la frappe intentionnelle sur l’hôpital Al-Qods à l’aide d’obus explosifs et au phosphore" et "l’attaque contre l’hôpital Al-Wafa" comme autant de "violations du droit humanitaire international". Ce rapport a été présenté à New York par le président de la mission du Conseil des droits de l’homme de l’ONU chargée d’enquêter sur les violations commises lors de l’offensive israélienne contre la bande de Gaza, Richard Goldstone." Comment croyez-vous que réagit l’Etat hébreu ? "Israël n’a pas jugé utile de coopérer avec la Mission d’enquête (de la commission Goldstone) car son mandat était clairement partial et a ignoré les milliers d’attaques à la roquette du Hamas contre des populations civiles dans le sud d’Israël qui ont rendu nécessaire l’opération contre Gaza, stipule un communiqué du ministère des Affaires étrangères repris par l’AFP. Le mandat de la Mission et la résolution qui a établi celle-ci ont préjugé du résultat de l’enquête et donné une légitimité à l’organisation terroriste Hamas". Manque de chance, "Un résumé de son rapport de 600 pages souligne que les tirs de roquettes par des militants palestiniens sur des cibles non militaires en territoire israélien constituent aussi des crimes de guerre, voire des crimes contre l’humanité", précise Le Monde. Il est façon plus efficace de donner "une légitimité" au Hamas ! L’accusation de partialité lancée par Israël est donc pure mauvaise foi. Mais ni le contenu du rapport de l’ONU, ni son rejet par Israël ne sont surprenants.

Le 2 juillet dernier, Amnesty International avait déjà publié un "rapport accablant", comme le titrait 20 minutes : "L’organisation accuse l’armée israélienne de n’avoir pas « distingué entre cibles civiles et militaires » alors qu’elle ne pouvait ignorer la présence de civils dans les secteurs visés, avec pour résultat la « mort de centaines de civils désarmés dont 300 enfants, 115 femmes et 85 hommes âgés de plus de 50 ans ». Elle accuse en outre l’armée israélienne de s’être servie de civils, y compris d’enfants, comme « boucliers humains » en les forçant à rester à proximité de positions qu’elle occupait ou même de les avoir obligés à examiner des objets suspects risquant d’être piégés." Les dirigeants de Tel Aviv avaient alors "reproché à Amnesty d’avoir présenté « une version biaisée des évènements qui ne répond pas aux critères professionnels d’objectivité ». Amnesty International rejette ces arguments, soulignant qu’à ce jour, les autorités israéliennes « se sont abstenues de mener une enquête indépendante et impartiale sur la conduite de leurs forces », l’armée s’étant bornée à des enquêtes internes sur des bavures commises durant l’opération, pour conclure qu’elles n’avaient jamais été intentionnelles." Toujours la même chanson : des accusations précises, étayées, et Israël qui persiste dans le déni. Même lorsque ce sont des soldats de la tsahal qui témoignent : "Accusé par Amnesty International, Human Rights Watch et l’ONU d’avoir causé des pertes civiles et des destructions injustifiables en décembre et janvier dans la bande de Gaza, l’Etat d’Israël a toujours rejeté ces attaques. Plusieurs soldats de Tsahal ayant participé à cette opération affirment aujourd’hui que leurs chefs militaires les ont incités à tirer d’abord et à se préoccuper ensuite de distinguer les combattants des civils, écrit Le Monde le 15 juillet, repris par le site Middle East watch. Selon ces trente soldats, dont les témoignages anonymes ont été recueillis par l’ONG Breaking the Silence — financée par des associations israéliennes de défense des droits de l’homme ainsi que les gouvernements britannique, néerlandais et espagnol et l’Union européenne — et sont relayés par le quotidien Haaretz, la priorité de l’armée était de minimiser ses pertes afin de s’assurer du soutien populaire israélien à l’opération. "Mieux vaut atteindre un innocent qu’hésiter à viser un ennemi" : c’est en ces termes qu’un soldat résume la façon dont il a compris les instructions répétées durant les briefings préliminaires et durant l’intervention, qui a duré vingt-deux jours, du 27 décembre 2008 au 18 janvier 2009. "Dans le doute, tuez. La puissance de feu était insensée. On arrivait et les explosions étaient hallucinantes. Dès l’instant où on arrivait à nos positions, on commençait à tirer sur tout ce qui était suspect", raconte un autre. L’objectif annoncé de l’opération "Plomb durci" était de mettre fin aux tirs de roquettes des activistes islamistes du Hamas vers le sud d’Israël. Selon une ONG palestinienne, le bilan des combats côté palestinien s’établit à 1 417 tués, dont 926 civils. L’armée israélienne parle de 1 166 morts, dont 295 civils. Côté israélien, dix soldats et trois civils ont péri. Des rues entières de Gaza ont été rasées pour réduire le risque des tireurs embusqués et des pièges explosifs. Selon les Nations unies, les quelque 600 000 tonnes de gravats commencent à peine à être déblayées, six mois après la fin de l’opération. L’armée israélienne, qui repose essentiellement sur la conscription, interdit formellement à ses soldats de parler aux médias. Le rapport de 112 pages du rapport de Breaking the Silence contient le témoignage de trente soldats "ayant servi dans tous les services impliqués dans l’intervention". "La majorité (…) sont encore en service dans leurs unités et, profondément alarmés par la dégradation morale des Forces de défense israéliennes, se sont tournés vers nous. [Leurs témoignages] suffisent à mettre en doute la crédibilité de la version officielle de l’armée", peut-on lire dans ce document." Et devinez quoi ? "Dans un communiqué, l’armée israélienne rejette ces critiques, qu’elle estime "basées sur des on-dit", mais s’engage à enquêter en cas de plainte formelle pour exactions, tout en assurant que ses soldats ont respecté le droit international durant "des combats difficiles". Enquêtes qui n’ont évidemment jamais débouché.

Pour corser l’affaire, le gouvernement israélien, allié à l’extrême droite, poursuit la colonisation des territoires occupés : "Faisant fi du concert de protestations internationales entraîné par l’annonce d’une relance de la colonisation, il vient de donner son feu vert à la construction de 455 nouveaux logements en Cisjordanie, annonce Le Monde du 8 septembre. Le ministre de la défense, Ehoud Barak, a confirmé, lundi 7 septembre, que ces habitations seront réparties sur six implantations, incluses pour l’essentiel dans des "blocs de colonies" qu’Israël a l’intention d’annexer définitivement, quel que soit le futur accord de paix." Ben voyons. Et que se passe-t-il ? Des sanctions internationales peut-être ? Vous plaisantez ! Voilà pourquoi, aujourd’hui, la seule solution pour faire plier l’Etat hébreu est le boycott, défendu notamment par l’essayiste canadienne Naomi Klein, auteure du formidable best seller La stratégie du choc : "Boycott, Désinvestissement et Sanctions ; c’est une technique dont l’objectif est très clair : forcer Israël à se conformer au droit international, explique-t-elle dans une interview reproduite par Info-Palestine. Il ne s’agit pas de boycotter les Israéliens. C’est boycotter l’illusion que tout est normal en Israël , chose que les producteurs culturels sont habituellement invités à faire. On a terriblement déformé la campagne de boycott en prétendant qu’elle vise les Israéliens, ou les juifs, ou qu’elle est antisémite. Avec cette tournée, nous essayons de dissiper ce malentendu. Nous suivons des règles claires : nous ne participons pas à une foire du livre patronnée par l’État ; par exemple, j’ai refusé des invitations à venir en Israël pour parler dans des festivals de films patronnés par l’État ou à des événements de ce type. Mais si je boycottais les Israéliens, je ne serais pas ici, en Israël, à avoir des contacts avec eux. Je serais restée chez moi. Une des choses que nous essayons de dégager de cette tournée est que pour des étrangers comme moi, quelle que soit la manière dont je choisis de venir en Israël, je fais des choix et je prends parti. Il est possible de prétendre que vous ne prenez pas parti, mais c’est uniquement parce qu’Israël réussit à rendre le conflit invisible dans une bulle soigneusement aménagée. Dans mon livre, il y a un long chapitre sur Israël et la construction de l’État sécuritaire. Ce chapitre examine de près les entreprises qui construisent les murs, barrières et postes de contrôle high-tech et qui maintiennent les Palestiniens dans les territoires occupés sous une surveillance permanente. C’est à cause de l’efficacité du secteur de la sécurité intérieure qu’il est possible de venir dans des villes comme Tel-Aviv et d’oublier presque totalement ce qui se passe à Ramallah et à Gaza. Cet État est comme une gigantesque enclave privée. Il a perfectionné l’art de construire une bulle de sécurité et c’est dans un certain sens sa marque de fabrique. C’est un label qui est vendu aux juifs de la diaspora comme moi. Il dit : «  Avec nous, vous serez en sécurité ; nous pouvons créer pour vous, dans un océan d’ennemis, une bulle de sécurité afin que vous ayez de merveilleuses vacances à la plage, que vous alliez à des festivals de films et à des foires du livre- et cela alors même que nous bombardons Gaza, que nous transformons la Cisjordanie en une chaîne de mini-bantoustans entourés de murs, que nous étendons les colonies et que nous construisons des routes auxquelles les Palestiniens n’ont pas accès  ». Ce sont les deux faces de la même pièce : la bulle de normalité d’une part, et la brutalité de l’enfermement d’autre part. Profiter de la bulle n’est donc pas un acte politiquement neutre."


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