L’opportunisme d’Erdogan & le laxisme de l’Europe

par Dr. salem alketbi
mardi 10 novembre 2020

Comme beaucoup d’observateurs ont pu le constater, le sultan turc Recep Tayyip Erdogan a fait vibrer la corde sensible au monde musulman autour de la position de la France sur l’Islam et ses fidèles. Reprenant les propos du président français Macron, Erdogan a trouvé une occasion précieuse de le contre-attaquer pour sa position face au plan expansionniste de la Turquie en Libye et en Méditerranée orientale.

Erdogan est bien connu pour son flair pour dénaturer les choses. Il parie sur un large frange de candides gens dont la rhétorique démagogique populiste chatouille les émotions, sans pour autant faire les frais des idées absurdes qu’il promeut et qui sont indignes d’un État responsable adhérant au système des valeurs et législations internationales.

Une analyse des récentes évolutions des relations entre la Turquie et l’UE, avec un accent particulier sur les relations turco-françaises, suggère que le silence, la réticence et le désaccord de l’Europe face à l’insouciance turque adressent un mauvais message au sultan Erdogan. Ce dernier a démontré qu’il ne comprenait que le langage des lignes rouges, un language qui avait réussi à dissuader ses milices de s’introduire sur le territoire libyen.

Le sultan turc a crié au boycott des produits et marchandises français. Puis il a reçu une forte réponse de ses détracteurs turcs. Ses opposants ont soulevé des questions légitimes sur la mesure dans laquelle les appels au boycott s’appliquant à un sac à main de fabrication française porté par l’épouse du sultan turc.

Le sultan veut se faire passer pour le leader du monde islamique au regard de la France et d’autres pays européens, capable de susciter les sentiments de millions de musulmans à leur encontre. Or, c’est parfaitement faux.

Les jeux d’Erdogan sont à découvert pour les Arabes et les Musulmans. Son discours ne passe plus dans les communautés musulmanes.

Le sultan Erdogan a employé la crise des caricatures et les remarques du président français Macron comme Khomeini a utilisé les ouvrages de Salman Rushdie dans le cadre des relations entre le régime iranien et l’Occident. L’Islam et les musulmans sont utilisés pour servir les intérêts des régimes populistes et des dirigeants qui savent brouiller les pistes et faire des acrobaties politiques.

Les deux promeuvent l’antioccidentalisme à certains moments, considérant l’Occident comme un bloc religieux plutôt que politique, alors que le soutien européen à la position française n’a rien à voir avec la religion. Il est incroyable qu’une France laïque, qui défend ses idées séculaires, reçoive un soutien européen sur une base religieuse pour faire gagner une religion contre une autre.

En effet, Erdogan défie une Europe divisée de traiter avec lui. Elle ne peut même pas élaborer une position commune pour appréhender la menace que porte la Turquie d’Erdogan sur les intérêts européens.

En fait, lors d’une récente vidéoconférence d’urgence, l’Union européenne a discuté de la flambée épidémique dans les pays du continent, et non la relation avec la Turquie comme le souhaitait la France.

Les dirigeants européens ont clairement fait savoir qu’ils ne se hâteraient pas de prendre des mesures envers le leader turc Recep Tayyip Erdogan. Ils ont expliqué que l’Union a de nombreux autres problèmes à résoudre au lieu de se focaliser sur la Turquie, qui reste après tout un «  allié  » de l’Europe unie.

Charles Michel, président du Conseil européen, a déclaré que la question turque serait examinée par les dirigeants européens à un moment non précisé, mais dans un avenir proche, «  avant la fin de l’année.  »

Il est vrai que le coronavirus est plus prioritaire que les aventures du sultan turc, étant donné l’ampleur désastreuse de la deuxième vague d’infection dans certains pays de l’UE. Cependant, l’Europe n’a plus beaucoup de cartes en main pour affronter Erdogan après que le rêve de la Turquie de la rejoindre a été entièrement brisé.

Erdogan n’aspire pas non plus à profiter du Trésor européen, même en brandissant la carte de réfugié syrien, étant donné la détérioration des conditions économiques européennes due à la tourmente du coronavirus et la difficulté de fournir un soutien financier pour aider à redresser l’économie turque.

L’Europe reste préoccupée par le recours du sultan à son petit jeu favori, l’ouverture de la frontière turque à des millions de réfugiés syriens en Turquie et la mise des pays européens face à un autre casse-tête.

Il va donc de soi que les divisions et les divergences entre les capitales européennes concernant la sanction de la Turquie pour ses récentes prises de position feront surface. Le résultat évident de tout cela est que le sultan turc continuera à dénigrer les pays de l’UE et à nuire à leurs intérêts stratégiques.

En bref, Erdogan tord le bras de l’Europe. Elle subit les remous de la Covid-19 et les répercussions de Brexit. Mais elle ne s’attendait pas à ce que l’opportunisme d’Erdogan ajoute l’insulte à l’injure.

Les leaders européens doivent adopter une position ferme et décisive, même s’il faut fixer des lignes rouges pour dissuader le sultan turc de poursuivre ses aventures téméraires.


Lire l'article complet, et les commentaires