L’UPM a pris un mauvais cap

par Henri Diacono
vendredi 23 mai 2008

La Méditerranée, ou si vous préférez, l’Union pour la Méditerranée, bouée tant désirée par Nicolas Sarkozy, s’est-elle soudain engagée sur un mauvais cap ? La teneur des dernières dépêches d’agences de presse diffusées à la suite du voyage éclair en Algérie du ministre des Affaires étrangères français le laisserait, hélas, supposer.

Rencontre « prometteuse » a-t-on dit du côté français. « Oui… mais » aurait répondu en écho l’Algérie. Ce « mais » n’augure rien de bon et suppose que les initiateurs du projet s’y sont une nouvelle fois mal pris. Comme ils l’avaient fait en lançant cette idée sans avoir consulté leurs partenaires européens.

Avant de pousser leurs pions sur la rive Sud, ils auraient dû réfléchir ou plutôt s’informer ou bien encore « tourner sept fois la langue dans leur bouche avant de parler » comme aurait dit ma mère. Car là-bas les susceptibilités existent, tout comme en Europe d’ailleurs. Elles sont plus aiguës encore, car orientales et émanant de nations, ou plutôt de dirigeants, qui se savent en position de force.

Je vous fiche mon billet que ce « mais » algérien ne concerne nullement l’éventuelle coopération économique entre les deux rives, ou les projets présentés par l’Europe par la voix française, mais bel et bien le… futur secrétariat général de l’Union. Une question de prestige pour celui qui en héritera, voyons. En la circonstance, par les visites et discours de son président, la France, censée pourtant bien connaître « la diplomatie nord-africaine », a mis grossièrement les pieds dans le plat. Une fois de plus, en espérant qu’il ne s’agira pas d’une fois de trop.

Ici et là, aux Egyptiens, puis aux Marocains et aux Tunisiens, il ne fallait surtout pas promettre, haut et fort, « qu’on pensait à eux pour le poste de secrétaire général ou pour le siège de cette fameuse Union » qui n’était qu’au stade de l’ébauche. En agissant ainsi on donnait un camouflet aux deux poids lourds de la région que sont la Libye et l’Algérie, deux contrées qui contiennent justement les richesses si utiles (pour ne pas employer un autre terme) aux Européens. Et puis là n’était pas le rôle de la France. Ce sera à l’UPM une fois constituée de décider.

En outre, dans le but d’apaiser, son propre peuple, nul n’était besoin de faire publiquement état de « ventes ou d’implantations françaises » dans chacun des pays visités en voyageur de commerce, au risque de réveiller de bien mauvais souvenirs de marchands colonialistes. Encore que ces ventes ou implantations ne sont que promesses et qu’on ignore encore comment elles seraient financées.

Si elle avait su être digne du prestige (culturel surtout) qui, contre vents et marées, est encore le sien en Afrique du Nord, la France aurait pu ou dû, avant tout, jouer d’une diplomatie discrète afin d’y former un noyau dur d’adeptes à l’Union, qui aurait eu le pouvoir d’attirer à celle-ci toute la région. Ce noyau existe. Il crève les yeux de tous les Méditerranéens. Il est formé des Mauritanie, Maroc, Algérie, Tunisie et Libye. Si ce quatuor n’est pas soudé en dépit des différends qui existent encore entre les trois premiers nommés, l’UPM coulera avant d’être mise à flots, laissant ainsi la voie libre et large, aux Etats-Unis d’Amérique déjà bien implantés, en Egypte et Israël notamment.

Et puis il y a la Turquie, Monsieur le président ! Elle aussi est déjà bien plantée sur la branche que vous souhaitez accrocher à cette Union, tout comme la Chine discrète et les pays du Golfe beaucoup plus ouvertement.

Bon courage et rendez-vous au… mois de juillet prochain. En espérant, car tel est le souhait de millions de Méditerranéens, trouver à cette date - le 13 je crois- un accord bien ficelé et viable plutôt qu’une réunion en trompe-l’œil à la Louis XIV.


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