L’utopie a changé de camp

par Acid World
mardi 27 mars 2012

Pour ceux qui sont vus comme des utopistes dans leur entourage !

Je regardais ce matin mon billet de dix euros. Ce bout de papier froissé, un peu flétri par les mains qui l'ont étreint. Si léger qu'on l'oublierait dans une poche. Tellement moins rassurant qu'une pièce qui vaut dix fois moins mais dont le nickel tinte quand on marche. Sur ce confetti imprimé par la BCE, plein de symboles. Le vieux continent sans ses frontières, une architecture romane standardisée, un cercle d'étoiles en filigrane. Grâce à ce petit torchon, ce 1% de SMIC, je vais pouvoir me faire un restau ou une séance de ciné. A la fin, il ne restera que de la mitraille.

La journée démarre. Je monte dans mon tramway quotidien. Au fond de la rame, regardant côté voie. Les fenêtres latérales donnent sur les panneaux publicitaires. Chaque glissement de regard va vous vendre du rêve tandis que le mp3 ressasse son disque. Du coup je préfère regarder les rails, derrière ou devant le train que j'ai pris. A une station une poubelle est à ras-bord. A terre, un grand gobelet d'une chaîne de fast-food porte les mots :

JUSQU'A PLUS SOIF !

Étant moi-même mélomane jusqu'à l'excès, je pense qu'ils sont une minorité dans la rame à entendre les bruits ambiants. Les oreilles sont occupés, les regards sont fuyants ou envieux de quelque chose, les mines sont graves. Dehors c'est le monde urbanisé des fantasmes matérialistes, un monde d'images entre parfums, automobiles et friandises. Les adultes sont des gosses, il n'y a que le prix des jouets qui changent.

On peut se procurer des kleenex gratuit près des arrêts, qui, moyennant quelques divertissements, nous donne les principales rumeurs du jour. Mais même avec toute la bonne volonté du monde, vous auriez du mal à trouver matière à débat sur ces ramassis de faits divers. Et pour cause : c'est du bruit. Il est toujours étonnant de voir que la population peut s'abrutir et s'enrichir en même temps, surtout quand on vous a appris à l'école que seule l'ingéniosité et le travail permet d'atteindre ses objectifs. Il y a comme un grand vide dans notre monde, qu'on remplit avec de l'argent. On ouvre des centres de neuromarketing pour voir comment mieux nous faire désirer un bout de plastique. Mais quand je vois une pub qui me fait du pied, c'est moi l'objet en plastique malléable. La jeunesse s'ennuie ? On construit un centre commercial plus grand en périphérie. La Terre se meurt sous les déchets humains ? On crée le droit à polluer, pour l'argent que cela rapporte.

Pour le coup, ce sont ceux qui sont en bas qui doivent le moins planer. Je fais appel à ceux qui se sont déjà rendus dans les pays « en voie de développement » pour qu'ils puissent me dire comment les gens perçoivent cette course à l'achat. Sont-ils enthousiastes ou déjà écœurés avec le blues qui touche actuellement les pays gavés ? Leur cache-t-on le fait qu'ils ne pourront jamais atteindre notre niveau avant une catastrophe écologique ?

Oui, je paierai ma dette. La vraie. Celle du massacre de la Terre. Paiement en plusieurs fois avec frais, sur tout ce siècle et au-delà. Celle des génocides et de la colonisation des hommes par la puissance de l'argent. Ils débitent leurs chiffres virtuels et gesticulent pour maintenir le passé sous perfusion. La croissance ne rend pas heureux, le dollar ne se mange pas, et par définition la compétition c'est la guerre. Les lavages de cerveau iront nous convaincre du contraire quitte à faire de nous des suicidaires, mais ne changeront rien à l'équation. Regardez le chômage, les emplois qu'on nous propose, les prêts sur 20, 30, 50 ans, le nucléaire et ses déchets : l'avenir est une poubelle. Tout s'accélère et pourtant on ne voit pas arriver le futur. Et pour cause : on n'était pas réveillés. Les créanciers sont nos boulets, les marchands d'armes sont nos tueurs.

Pour finir, j'ai du mal à croire que notre société est athée. La pensée unique est polythéiste, avec comme figures majeures le dollar, l'euro et le yuan. Si vous considérez toujours ces dieux comme de simples messagers à votre service, vous êtes des hérétiques. Bienvenue au club...

Merci aux personnes qui ont lu. J'espère que nous arriverons, à force d'efforts, à montrer où est la véritable illusion.


Lire l'article complet, et les commentaires