La bataille de Lutèce d’après le De Bello Gallico (interprétation E. Mourey)
par Emile Mourey
jeudi 15 octobre 2015
Lutèce, mot magique pour ma génération, et pourtant, je ne suis pas Parisien ! Or, pour les nouveaux archéologues, la Lutèce des origines serait à situer à Nanterre à et non dans l'Île de la Cité. C'est ce que la télévision nous affirme encore récemment. De quoi réveiller un mort !
J'ai donc réouvert mon vieux De Bello Gallico. J'ai confronté le texte latin à la traduction qu'en donne le site très documenté de M. Philippe Remacle. J'en donne ici la reproduction en indiquant en italique gras souligné les corrections que je propose et en l'illustrant par des croquis. Je ne prétends pas à l'exactitude mais il me semble que c'est ainsi qu'il faut comprendre cette première étonnante bataille qui ensanglanta Paris.
Premier schéma.
Labiénus ayant laissé à Agédincum (Sens), pour la garde des bagages, les recrues récemment arrivées d'ltalie, se porte avec quatre légions vers Lutèce (1, flèche rouge en bas). Cet oppidum appartient aux Parisii et est situé dans une île de la Seine (2). Au bruit de son arrivée, un grand nombre de troupes ennemies se réunirent des pays voisins. Le commandement en chef fut donné à l'Aulerque Camulogène, vieillard chargé d'années, mais à qui sa profonde expérience dans l'art militaire mérita cet honneur. Ce général ayant remarqué que tout le lieu était entouré d'un marais qui confluait à la Seine, et protégeait merveilleusement le lieu, y répartit ses troupes dans le but de nous disputer le passage. (3)
… Labiénus, au milieu de si grands changements, sentit qu'il fallait adopter un tout autre système que celui qu'il avait jusque-là suivi ; il ne songea plus à faire des conquêtes ni à harceler l'ennemi, mais à ramener l'armée sans perte à Agedincum. Car d'un côté, il était menacé par les Bellovaques (9), peuple jouissant dans la Gaule d'une haute réputation de valeur ; de l'autre, Camulogène, maître du pays, avait une armée toute formée et en état de combattre ; enfin le grand fleuve éloignait les légions de leurs bagages et de la garnison qui les gardait (10). Il ne voyait contre de si grandes et si subites difficultés d'autre ressource que la valeur militaire et la bravoure.
Deuxième schéma.
Ayant donc, sur le soir, convoqué un conseil, il engagea chacun à exécuter avec promptitude et adresse les ordres qu'il donnerait ; il distribua les bateaux, qu'il avait amenés de Metlosédum, à autant de chevaliers romains, et leur prescrivit de descendre la rivière à la fin de la première veille, de s'avancer en silence jusqu'à quatre mille pas (de sa position : 1500 m x 4 = 6 km) et de l'attendre là (11). Il laissa pour la garde du camp (8) les cinq cohortes qu'il jugeait les moins propres à combattre, et commanda à celles qui restaient de la même légion de remonter le fleuve au milieu de la nuit, avec tous les bagages, en faisant beaucoup de bruit (12). (Note importante : confirmation qu'en 8, il n'y a qu'une légion, soit dix cohortes que Labienus divise en deux). Il rassembla aussi des nacelles et les envoya dans la même direction à grand bruit de rames. Lui-même, peu d'instants après, partit en silence avec trois légions (5), et se rendit où il avait ordonné de conduire les bateaux (11). Note importante : il faut comprendre ici que Labienus a rejoint les trois légions de 5.
Au point du jour et presque au même instant, on annonce aux ennemis qu'il règne une agitation extraordinaire dans le camp romain (8), qu'un corps considérable de troupes remonte le fleuve (12), qu'on entend un grand bruit de rames du même côté, et qu'un peu au-dessous des bateaux transportent des soldats (11). À ce récit, persuadés que les légions s'en vont de trois endroits, et que l'effroi causé par la défection des Héduens précipite notre fuite, ils se partagent aussi en trois corps. Ils en laissent un vis-à-vis de notre camp (8) pour la garde du leur ; le second est envoyé vers Metlosédum (Melun), avec ordre de s'avancer aussi loin que les bateaux, et ils marchent contre Labiénus (5) avec le reste de leurs troupes.
Au point du jour, toutes nos troupes avaient été transportées (11 et 13) et l'on vit celles de l'ennemi rangées en bataille (16). Labiénus exhorte les soldats à se rappeler leur ancienne valeur et tant de combats glorieux, et à se croire en présence de César lui-même, sous la conduite duquel ils ont tant de fois défait leurs ennemis, puis il donne le signal du combat.
Troisième schéma .
Croquis d'origine pris sur le net, e.histoire.net et plan ancien ?
Note : Dans mon interprétation de la Gaule, je fais toujours une distinction entre les mots oppidum et urbs. C'est bien l'Île de la Cité que César désigne comme oppidum et comme capitale. Il n'évoque pas de urbs (ville) bien que je pense que la ville gauloise existait déjà dans la ville dite gallo-romaine. Nanterre ne peut en être qu'une dépendance (cimetière ?). Pour ceux que cela intéresse, voyez mes interprétations des autres grandes batailles de César en Gaule, contre les Helvètes, contre les Germains, contre les Nerviens, bataille de Gergovie, bataille d'Alésia, bataille d'Uxellodunum, qu'Agoravox a bien voulu publier. Vous y trouverez des schémas explicatifs que vous ne trouverez pas ailleurs, ni dans les ouvrages récents des spécialistes, ni même au musée d'Alésia, ce qui est un comble.
Emile Mourey, 15 octobre 2015