La belle peinture des chars de Kadhafi... cache de belles magouilles (II)
par morice
mardi 12 avril 2011
Hier, nous avons vu qu'une firme privée américaine a réussi à détourner littéralement le don de 77 vieux chars de l'ère soviétique en contrat sonnant et trébuchant pour elle. Avec semble-t-il l'accord des autorités américaines, alors que juridiquement le contrat qu'elle avait signé avec le gouvernement irakien, que l'on peut considérer comme étant sous tutelle américaine, était hors-la-loi. Et ce n'était pas tout : derrière cette firme se cachait un homme politique US qui n'a eu de cesse ces dernières années de jouer avec le feu. Or on apprend aujourd'hui que c'est le même qui a souhaité rencontrer Kadhafi pour qu'il quitte le pays... fortune faite, serait-on tenté d'écrire, à voir l'étendue de ses détournements financiers. Curieux télescopage de l'actualité avec les hommes de l'ombre qui agissent sans qu'on ne sache très bien quels sont leurs buts et qui ils soutiennent, véritablement. Enfin pas toujours : associé à l'ancien général Mc Caffrey, notre homme ne peut être que le représentant d'une droite extrême vivant des subsides de l'état américain accordés aux entreprises d'armement.
Une question restait en suspens depuis hier : au-delà de chars gratuits devenus subitement payants, rappelons-nous, pourquoi donc les irakiens avaient-ils signé un tel contrat qui favorisait tant leur revendeur, s'interroge Wired ? "Ce n'est pas clair, mais Ziad Cattan, l'homme qui a été choisi par les États-Unis pour surveiller les marchés de défense de l'Irak, a signé le contrat. Comme l'a rapporté depuis le Los Angeles Times, Cattan, a depuis été accusé de corruption massive, mais cela ne concernait pas les cas des soumissions de contrats pour l'équipement de l'ère soviétique". Car c'était cet homme qui avait en prime supervisé ces achats : or, comme tout bagage intellectuel ou économique, ce polonais d'origine avait auparavant vendu des fleurs ou des automobiles, rappelle justement CorpWatch ! On est bien dans le cas d'un second cas Diveroli, une affaire dont je vous avais aussi déjà entretenu il y a bien longtemps... ici-même (en novembre 2007 !). On nage dans le plus pur surréalisme : « Avant, je vendais de l'eau, des fleurs, des chaussures, des voitures - mais pas d'armes », a déclaré Cattan, qui a signé la plupart des 89 contrats militaires d'une valeur de près de 1,3 milliard de dollars pour équiper les forces de sécurité irakiennes, selon des documents. "Nous ne connaissions rien à propos des armes," ajoutera-t-il. Près d'un milliard et demi d'armements doivent leur transfert à un ex-fleuriste !
Résultat, on s'en doute, les armements d'occasion reçus se sont révélés catastrophiques. "Car bien entendu, l'état des chars s'est révélé désastreux. Ce qui en fait arrangeait beaucoup Defense Solution, qui gagnait sur les coûts supplémen taires avant tout ! "Les pièces telles que les ventilateurs, les adaptateurs pour gaz d'échappement ou les garde-boue ont été trouvés manquants sur les tanks, et le prix pour les remplacer a été de plus en plus élevé. Parce que le contrat était lié au coût, plus les frais, le seul choix des Irakiens était sans hésiter de payer les coûts supplémentaires, en s'appuyant sur les estimations de coûts fournies par Défense Solutions . Ainsi, par exemple, dans un rapport intermédiaire, Défense Solutions indique un prix de 824 $ par tank pour les seuls ventilateurs. Est-ce trop payer ? Personne ne pouvait le savoir, parce que c'était le coût cité par Défense Solutions !" précise Wired. Personne ne connaissant le prix d'une pièce de tank de l'autre côté de l'ancien rideau de fer, on pouvait indiquer celui qu'on désirait... de l'arnaque, dans les grandes largeurs ! Dans un forum connu sur les questions militaires, un intervenant résume : "Ces T-72 ont été donnés, mais sont en cours de reconstruction en vertu d'un contrat avec le ministère irakien de la Défense. Les chars T-72 ont été initialement donné à l'Irak par le gouvernement de la Hongrie. Defense Solutions effectue ce travail sous une licence du Département d'Etat américain. Si ce n'est pas gratuit, les T-72 donnés à l'origine sont donc indésirables. Je sens la corruption là-derrière." C'était un excellent résumé : la firme de Weldon, indubitablement, a bénéficié de soutiens très haut placés... pour transformer ainsi cette donation véritable en dollars verts.
Et au final, cela tourne au désastre : "le rapport se termine par cette dernière note :. "Enfin, une information que j'ai signalés dans le rapport d'activité de du 24 juin est inexact j'avais indiqué que, avec les pièces de rechange que nous venons de recevoir, nous pourrions obtenir plus de 50 systèmes de lutte contre les incendies de travail à un coût minime. Il semble aujurd'hui que les éléments données ne contient pas les éléments nécessaires pour permettre la réparation de ces systèmes de contrôle de tir. " Bref, chaque rapport intermédiaire était l'occasion d'augmenter les frais ou de tenter de fourguer autre chose que prévu initialement dans le contrat ... et donc d'augmenter notablement la part de bénéfice de Défense Solutions ! Voilà comment les irakiens ont hérité de chars... dont la plupart ont leur moteurs ou leurs transmissions quasi fichus mais qui possèdent une belle peinture extérieure... aussi brillante que celle des chars de Kadhafi... ou de ses BMP (les irakiens ayant reçu eux aussi 36 BMP hongrois en plus des 77 chars).
Malgré tout cela et l'enquête du FBI, le patron de Defense Solutions n'est en rien inquiété : à la télévision US, en 2009, il vient même tranquillement expliquer dans l'émission "TechWatch" que le refurbishing des tanks irakiens a été une "fantastique opération"... un comble ! Une de ces publicités le présente même comme "investissement patriotique" !!!
Que lui valait cet honneur ? C'est simple, il suffit d'aller le chercher dans le CV ronflant que ce même Timothy s'était lui-même tressé sur son site propre d'armement. Attention, accrochez-vous, les chevilles du sieur Ringgols sont démésurées : "Immédiatement après les attaques terroristes de Septembre 11, 2001, l'Administration Bush a appelé les compétences largement reconnues de Tim, son sens politique, et son expertise de la sécurité nationale pour rédiger en 2002 pour la Maison Blanche une étude, "Critical Infrastructure Protection" (Classified).A ce titre, Tim a aidé à influencer les priorités nationale au lendemain des attaques terroristes du 11 septembre". L'homme qui repeint au rouleau les chars soviétiques aurait eu une influence sur la politique des USA depuis 2002 ? Première nouvelle ! En fait, c'est bien d'un baratineur, dont il s'agît, qui finit par l'avouer lui-même d'ailleurs deux lignes plus loin : "Tim est un écrivain prolifique et un conférencier qui peut communiquer efficacement avec un public large et gagner son soutien. Il est appelé souvent à titre de conférencier et panéliste sur la sécurité intérieure, les questions de politique de défense, la transformation militaire et est apparu sur CNN, Fox, et les réseaux de télévision CNBC. De 2004 à 2008, il a été le chroniqueur du Homeland Security et un membre du magazine de l'Advisory Board for Security Products et il continue à servir, commeil l'a depuis 2003, le conseil d'administration de la National Infantry Association".
A rappeler que ce général Mc Caffrey, en froid avec Rumsfeld, qu'il détestait, est toujours sous l'accusation du massacre de Rumaila. Deux jours après le cessez-le feu de 1991, avait froidement abattu des prisonniers irakiens. Il aurait aussi été impliqué dans l'horreur de "l'autoroute de la mort", au Koweit, les 26 et 27 février 1991. Les photos du massacre avaient choqué toute la planète. Un carnage inimaginable ! L'armée US avait mis du temps à montrer ce qu'elle avait fait : on ne devait pas révéler cette horreur, expliquée au départ comme un bombardement d'objectif militaire ordinaire... ceux qui avaient réussi à fuir de leur voiture avaient tous été abattus par des tirs d'Apache, comme on a pu le découvrir après également.
Le pire encore dans cette histoire qui semble sans fin avec le 6 avril dernier une énième apparition du principal protagoniste : on apprend ainsi récemment, par une dépêche d'agence, qu'un "parlementaire américain" souhaite rencontrer Muammar Kadhafi, l'entourage d'Obama s'empressant de dire "qu'il s'agissait d'une initiative privée". Ne cherchez pas très loin qui en était l'auteur : Curt Weldon, bien entendu, pas trop désireux sans doute d'être pris la main dans le pot de peinture de char... le même Weldon qui avait tant tenu à rencontrer Kadhafi en 2004 "pour oublier le passé", avant de lui proposer ses services de peintures de chars, comme notre leader maximo à minima à nous avait pu le faire en le recevant avec sa tente plantée en plein Paris...
Les Etats-Unis de Bush avaient nettement profité du réchauffement des relations diplomatiques avec Kadhafi pour lui fourguer du matériel militaire, les chiffres bruts en attestent, mais ils n'avaient pas été les seuls : l'Europe les avait largement devancés : "dans l'ensemble, les livraisons de défense des États-Unis à la Libye sous Obama et Bush ont été bien sélectionnés, ces dernières années. Les ventes américaines ont été éclipsées par une marée d'armes vendues par les alliés européens. Les pays de l'union européenne ont approuvé la vente de 470 millions de dollars d'armes aux militaires de Kadhafi dans la seule année 2009 - une vente d'avions militaires italiens, d'armes de petit calibre maltaises et de munitions britanniques, selon un rapport de Janvier de l'UE sur la maîtrise des armements. Par comparaison, le pic des États-Unis était de 46 millions de dollars dans les ventes de défense, approuvées lors de la dernière année de l'administration Bush en 2008 - en hausse de 5 millions de dollars en chiffre d'affaires à la défense libyenne par rapport à l'année précédente. 46 millions de dollars, dont 1 million de dollars dans les explosifs et les agents incendiaires, (auxquels on peut ajouter) que département d'Etat a approuvé les transferts de cartouches d'explosifs utilisé dans l'exploration pétrolière. D'autres responsables américains se sont dits préoccupés que de tels agents explosifs pourraient être convertis en munitions brutes de champ de bataille". Les italiens ont en effet fourni des hélicoptères Agusta AW139, en deux exemplaires, le second ayant été livré en 2010. Des engins construit par la "Libya-Italian Advanced Technology Company" (ou LIATEC), un joint-venture entre l'industrie Libyenne et Agusta/Westland. L'avion décrit n'est autre que le Typhoon, le rival du Rafale, construit par un consortium dont l'Italie fait part : la version italienne de l'appareil avait été montrée en show devant un parterre de généraux libyens en 2009. Le 21 mars dernier, un appareil de ce type effectuait sa première mission de guerre en bombardant... la Libye.
Comment une firme privée US est-elle devenue la représentante principale d'une firme de chars ukrainienne, c'est un autre mystère.. la même année, l'Irak, curieux hasard, en commandait 420 exemplaires (soit entre 630 et 840 millions de dollars de contrats...). "Le plus gros contrat de son histoire", titre fièrement le 11 décembre 2009, Ria Novosti, annonçant 550 millions de dollars, moins qu'affiché par Defense Solutions. Un contrat de 400 machines, au final, plus "une dizaine d'Antonov-32"... le modèle irakien étant le BTR-3E. Et pour la deuxième fois donc de l'argent tombé dans l'escarcelle de Defense Solutions ! Un Defense Solutions qui changeait de registre le 28 janvier 2010 avec l'annonce de la conclusion d'un accord de 60 millions de dollars de contrats pour la fourniture cette fois de... nourriture à l'Irak !
L'informateur de Weldon s'appelait le Lt. Col. Anthony Shaffer, et il déposera lui aussi en révélant qu'Able Danger avait bien cerné la cellule terroriste autour d'Atta, en avait fait part à sa hiérarchie, mais que toutes les informations contenues dans le dossier, faisant plusieurs giga-octets de données avaient été détruites... sur ordre de cette même hiérarchie. Dedans, les dossiers sur Mohamed Atta, Marwan al-Shehhi, Khalid al-Mihdhar et Nawaf al-Hazmi, notamment. Shaffer avait TOUT trouvé AVANT que ça ne se produise. TOUT.
PS : Le dimanche 10 avril, l'Otan abîmait encore 25 chars a la peinture neuve. Onze près Ajdabiya et 14 à Misrata. Les ordres de BHL, sans doute...