La calamiteuse déclaration de candidature de Mme Aubry
par Paul Villach
jeudi 30 juin 2011
Une déclaration de candidature à la présidence de la République est, on le suppose, mûrement réfléchie. Tous les mots sont pesés. À quel trébuchet Mme Aubry, Première Secrétaire du Parti Socialiste a-t-elle soupesé les siens ? La déclaration qu’elle vient de faire le 28 juin, est calamiteuse.
Des stéréotypes baignant dans une flatterie chauvine
Une suite de stéréotypes en constitue la trame. En gros, les Français sont malheureux, Mme Aubry a les recettes de leur bonheur « (Elle veut) redonner à chacun le goût de l’avenir et l’envie d’un destin commun ». Elle leur trouvera du travail, un logement, les moyens de s’éduquer comme de se soigner, et leur assurera la sécurité, une fiscalité juste et « des services publics rénovés attentifs à chacun ». Qui ne souscrirait pas à ces promesses qui font croire que demain on rasera gratis ?
Et pour faire bonne mesure, la candidate n’a pas lésiné dans la stimulation de la flatterie chauvine la plus éculée : « On ne préside pas la France, s’est-elle écriée, j'en suis convaincue, sans porter haut ses valeurs et son identité, qui ont fait, il faut le dire, l’admiration du monde entier. » Elle ne s’est pas montrée moins prodigue envers « sa ville de Lille », comme si les fiefs médiévaux avaient encore cours et autorisaient toujours une appropriation des territoires par les seigneurs : « Je le dis dans ma ville de Lille, a-t-elle chanté, capitale d’une région industrielle où rien n’a jamais été donné, où tout a toujours été conquis par le courage et le travail des femmes et des hommes. Lille, cette terre d’hospitalité pour ceux venus d’ailleurs, qui contribuent aujourd’hui à notre prospérité. Lille, que j’aime tant, qui m’a tant donné et qui m’a tant appris. »
Trois professions de foi peu crédibles
Dans cette logorrhée stéréotypée, surnage, d’autre part, comme des yeux de graisse sur un brouet, trois professions de foi difficiles à prendre au sérieux.
1- La Laïcité
L’une célèbre la Laïcité : « Pour moi, a-t-elle proclamé, la laïcité est une valeur inestimable que nous devons protéger précieusement. » Comment expliquer alors la violation de la Laïcité qui a conduit la municipalité lilloise à accepter des plages horaires de piscine réservées au femmes ? Il a fallu la pression de l’opinion publique pour qu’elle y renonce. Drôle d’attachement à la la Laïcité que celui qui compose avec ses ennemis islamistes et ne cesse de le faire que contraint et forcé ! (1)
2- L’Europe
L’autre profession de foi est en faveur de l’Europe. Mme Aubry promet de se battre « aussi pour l’Europe ! Vous le savez bien, a-t-elle expliqué, c'est presque dans mes gênes, l’Europe est pour moi un combat de toujours ». L’allusion est transpartente : la fille de Jacques Delors revendique l’héritage de son père, ancien président de la Commission européenne de 1985 à 1994. Mais n’est-ce pas sous sa présidence que la déréglementation néo-libéraliste a été mise en œuvre pour livrer les États européens à la curée des marchés financiers dont la Grèce offre le spectacle tragique aujourd’hui ? Que dirait aujourd’hui Victor Hugo, l’auteur de « L’enfant grec, l’ enfant aux yeux bleus » humilié qui à sa proposition d’assistance lui avait répondu : « Ami (…), je veux de la poudre et des balles » ? (3)
3- La Morale
La troisième profession de foi est celle de la morale. Mme Aubry a vanté « les valeurs transmises par (sa) famille : la morale, le sens de la justice, le goût des autres et le courage. » On n’en doute pas. Mais où est passée cette morale quand elle a été élue en novembre 2008 Première Secrétaire du Parti Socialiste au terme d’une élection notoirement entachée de fraudes, avec 102 voix de plus que Mme Royal ? Ne se devait-elle pas, au nom de la Morale dont elle se réclame aujourd’hui, de renoncer à une telle parodie d’élection ? Le crime contre la démocratie est imprescriptible.
Deux formules inquiétantes
Quel crédit accorder à quelqu’un qui par ses actes passés a démenti ses paroles présentes ? Deux formules relevées dans cette déclaration tendent même à confirmer la défiance qu’inspire son auteur.
1- Une tautologie révélatrice comme toujours
L’une est une sorte de tautologie dont la fonction est de soulever un problème sous couvert d’énoncer une évidence : « Je le dis comme je le pense », assure Mme Aubry pour convaincre son auditoire de sa conviction selon laquelle « on ne peut pas innover, créer, soigner, éduquer, et soumettre ces nécessités vitales aux seules lois du marché. » Qu’a-t-elle besoin de souligner l’adéquation entre sa pensée et sa parole ? Est-ce que cela ne va pas de soi ? Une discordance serait-elle concevable ? Oui, si on en croit Talleyrand, un expert en leurres, qui prétendait que « la parole a été donné à l’homme pour qu’il déguisât sa pensée ».
2- Un engagement absurde
L’autre formule malheureuse clôt la déclaration de candidature calamiteuse : « Avec votre soutien, avec votre confiance, a conclu Mme Aubry, je prends aujourd’hui devant vous l’engagement de la victoire en 2012. » Or, peut-on s’engager à remporter une victoire ? C’est absurde ! À l’impossible nul n’est tenu ! On peut tout au plus s’engager à tout faire pour gagner, mais non à gagner, sauf à jouer les prophètes charlatans qui prétendent connaître l’avenir. De cet emploi à contre-sens, le mot « engagement » ressort galvaudé et jette le discrédit sur les autres promesses de la candidate.
Stéréotypes, flatteries chauvines et paroles démenties par les actes passés forment la trame de la déclaration de Mme Aubry. Quand en plus le doute est jeté sur la conformité entre sa pensée et ses paroles et que la candidate s’engage de façon absurde à remporter la victoire, inutile d’en jeter davantage ! La cour est pleine ! Mme Aubry ne pouvait prononcer déclaration de candidature à la présidence de la République plus calamiteuse. Paul Villach
(1) Libération, « Le discours de la déclaration de candidature de Martine Aubry », 28 juin 2011
(2) La Voix du Nord, « Lille : la mairie tourne la page des horaires de piscine réservés aux femmes à Lille-Sud » 22.01.2009.
(3) Victor Hugo, « L’enfant grec », Les Orientales, 1829.