La candidature de madame Hidalgo

par Octave Lebel
lundi 13 septembre 2021

La candidature de madame Hidalgo me fait irrésistiblement penser à celle de monsieur Hollande.

Devant chacun l’essentiel de leur parcours à leurs mérites qui s’appellent persévérance, travail laborieux, sens de la tactique et du placement et capacité à bénéficier de l’opportunité des circonstances.

Portés tous deux sur leurs fonds-baptismaux politiques par des mentors et champions animés d’une volonté profonde servie par une intelligence redoutable et munis de talents aguerris dans des luttes difficiles, ils ont tous deux pour leur part profité du sillage engendré par ces énergies ainsi que des moments propices où les jeux des ambitions personnelles et les ruses de palais de leurs concurrents achevaient de les décrédibiliser et où surtout, ils furent eux-mêmes favorisés et valorisés comme par miracle par la petite histoire. Celle de leurs adversaires politiques encore plus maladroits que les précédents qui n’ont pas fini de se déchirer depuis qu’ils ont abandonné l’ADN républicain que leur avait insufflé dans une tradition perdue et ramassée à partir de la mémoire de Clémenceau le Chef de La France Libre puis de la France Combattante porté par le Conseil National de la Résistance, fondateur d’une république dont il ne reste aujourd’hui pour nous intermittents et otages de quelques rites démocratiques que les inconvénients.

 Il aurait fallu avoir pour ces derniers le courage d’assumer, la hargne et la volonté d’une Margaret Thatcher qu’heureusement nous n’avons pas eue ici lorsque l’on voit les effets sur un pays pensant progresser lorsque la classe dirigeante sacrifie la cohésion et la solidarité avec le reste de la société. Paradoxalement nous avons eu ici un hybride de la haute fonction publique et de la finance pour tenter de finaliser l’opération avec retard, déguisé en prêcheur et bon samaritain mais n’hésitant pas à manier le fouet. Comme prévu il a attiré des ambitieux de tous bords prêts à servir un nouvel évangile qui s’écrit et se gomme au gré des courants d’air et des bourrasques. Bonne navigation. Ces aventuriers n’avaient pas prévu que la majorité de la population renâclerait. 62% du corps électoral n’a pas voulu apporter de caution à l’Assemblée Nationale. Mince alors ! Ils imaginent pouvoir résoudre l’équation grâce à leur habileté de se jouer des processus électoraux puis régler plus tard le problème par le juridisme surplombant de l’UE qu’ils ont déjà une fois imposé par effraction. On dirait que cela devient difficile. Que de temps perdu pour le pays.

Autant dire qu’avec cette nouvelle péripétie nous sommes ici maintenant loin, très loin des problèmes du pays et des préoccupations, attentes et espoirs de nos citoyens. Difficile alors de produire une candidature avec un peu de cohérence, de convictions et de consistance. Faut-il parler de crédibilité ? Allons-nous assister à une chasse aux papillons grâce à d’anciens filets recyclés et aromatisés aux goûts présumés du jour, détectés et scrutés par des spécialistes de l’opinion expérimentés parce qu’ils travaillent successivement et indifféremment pour l’un et l’autre bord de la politique aux apparences incompatibles.

Enfin ne soyons pas trop injuste envers la personne, c’est toute candidature émanant du PS actuel qui est entachée d’un manque de crédulité faute d’avoir à temps reconnu les erreurs et s’être laissé emporté par un mélange de médiocrités, d’ambitions gonflées principalement d’amour propre et d’une soumission plus ou moins heureuse devant les événements et les rapports de force. Soyons juste, comme toujours il y eut des hommes et des femmes courageux voire très courageux et compétents dans le cadre qui leur était donné, fidèles comme cela est souvent le cas au-delà du raisonnable quand on voit l’attitude et les petits calculs de ceux qui aujourd’hui président à la vie de la préservation d’une franchise et de ses franchisés.

 

Dans notre société où actuellement dominé par les puissances d’argent, notre système électoral notamment par le financement des partis et campagnes (1) et notre système médiatique sont hors de portée d’un arbitrage démocratique (pour mémoire, Londres est la ville qui a apporté la plus contribution au financement de la campagne de l’actuel président…), nous aurons droit une nouvelle fois à un spectacle baroque où nous aurons l’impression de visionner une série avec son scénario multiforme, ses rebondissements et surprises, ses suspens, ses cliffhangers, mis au point par des équipes talentueuses et redoutables, hybridées de politiques, journalistes, publicitaires et communicants de tous poils qui mettent leur expérience et le savoir précieux des sciences sociales au service d’ ambitieux qui paient et récompensent bien (en principe). Si nous nous y laissons prendre, nous en serons pour longtemps les figurants malgré nous et sauf notre respect les couillons de service.

A quoi bon discuter alors, à quoi bon s’énerver, à quoi bon voter ? Pas facile de dépasser l’écœurement, le sentiment d’impuissance, la perte de confiance qu’insinuent en nous le spectacle de la politique, la rareté des débats politiques contradictoires et honnêtes, la dimension partiale des discours dominants aux meilleures heures d’écoute concernant l’économie et les problèmes sociaux, le traitement non neutre ou équilibré des grands leaders politiques par les médias, la relation trop souvent spectaculaire d’événements avec des formules marquantes tenant lieu d’explication bien loin de la complexité des situations et de l’enchaînement des responsabilités. Autant d’imprégnations quotidiennes qui nous font une opinion à l’insu de notre plein gré. Qui nous assignent d’être pour ou contre dans des controverses biaisées ou artificielles. Comment être un citoyen éclairé dans ces conditions et non pas un électeur sous influence ?

Vous conviendrez que dans ce cadre, dans ce théâtre médiatique auquel il est difficile d’échapper, dans un scrutin à deux tours, il n’est pas difficile de multiplier les candidatures, disperser les voix au premier tour afin de, si chacun joue bien le jeu attendu, ramasser la mise qui consiste à opposer deux candidats dont l’un a été poussé pour rassembler et hystériser les mécontentements dans leur expression brute et l’excès afin de valoriser l’autre, qui grâce à son habilité dialectique et bien sûr la sommation faite aux perdants du premier tour de se distinguer du boute-en-train qui a de toute façon toujours été minoritaire dans notre cœur lorsque la raison était interrogée.

Je reconnais qu’après avoir avalé plusieurs fois ce genre d’hameçon puis devoir subir ensuite arrogance, maltraitance et leçons de démocratie, il est difficile de se remobiliser et de reconnaître que nous avons participé pour beaucoup d’entre-nous à laisser ouvert le chemin à ceux qui n’oublient jamais de voter en ne perdant surtout pas de vue leurs intérêts à chaque fois protégés comme par miracle avec le culot de se cacher derrière une leçon de morale.

 

Qui va encore vouloir gaspiller sa voix au premier tour ou rester à la maison pour favoriser une fois de plus ce type de scénarios dont le cahier des charges ne varie pas ? Sauver les apparences d’une démocratie en promettant des changements (devenus soudain nécessaires et urgents en fin de mandat) afin de préserver les structures profondes de nos sociétés qui viennent d’être installées en quelques dizaines d’années et dont les gens ont dangereusement commencé à se rendre compte de la responsabilité dans leurs difficultés et incertitudes. Je conviens que cela devient pénible et difficile mais comme nous pouvons compter comme toujours sur la combattivité de ceux qui ont le pouvoir et sont résolus à ne rien lâcher sur le fond, peut-être ne faut-il pas trop leur faciliter la tâche. Ils n’ont pas fini de renforcer et développer la position que leur donne l’UE qui si tout va bien les dispensera bientôt de devoir jouer ces comédies électorales fatigantes et consommatrices de temps et énergies. A nous de voir.

Pas de découragement pour autant. Ces messieurs-dames à force de nous tendre les mêmes pièges électoraux, même en changeant les scénarios, les dialogues, les péripéties, la nature des premiers et seconds rôles, finissent quand même à leur insu par permettre au plus grand nombre de percevoir les impostures du 1er tour, les jeux de billard à bande et comment ils sont arrivés jusqu’ici à se saisir du pompon au nez médusé du corps électoral. Comme on dit, à bon entendeur salut.

(1).Le financement des partis politiques par Julia Cagé 18 déc. 2018

https://www.youtube.com/watch?v=oxJQ2Dewyfo


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