La chaîne d’alerte & de commandement lors d’un attentat
par Desmaretz Gérard
mardi 14 juin 2016
L'assassinat de masse survenu dans la nuit du 12 au 13 juin 2016 à l'intérieur d'une boîte de nuit d’Orlando (Floride) faisant 50 morts et 53 blessés a pointé du doigt le manque de réactivité des forces d'intervention. Le Special Weapons and Tactics (SWAT) a lancé l’assaut vers 4 heures alors que le carnage avait commencé à 2h 02 ! et il a fallu ensuite près d'une heure aux onze policiers pour en terminer et céder la place aux secours... Le tireur, jeune Américain d’origine afghane de 29 ans avait fait part de son allégeance à l'EI quelques minutes avant le massacre en appelant le 911 (numéro des secours) ! Quelques heures seulement après le massacre, l'État islamique revendiquait la tuerie.
La France, à la suite des attentats de novembre 2015, avait engagé une réflexion sur la rapidité d'intervention et celle de la chaîne de secours dont la presse s'est peu fait l'écho. Le 12 février, Bernard Cazeneuve a déclaré : « La menace terroriste pèse sur l'ensemble du territoire national, et non seulement en région parisienne », d'exiger des : « forces d'intervention rapide à vingt minutes maximum de distance de n'importe quel point du pays afin de riposter à une attaque. »
Une note interne rédigée par la préfecture de la Haute-Garonne avait soulevé plusieurs questions enchevêtrées : « en cas d’attaques multisites et simultanées, les services de police, gendarmerie, SDIS et SAMU pourraient-ils y faire face ? » La note de synthèse rédigée après la réunion des divers services concernés pour la région toulousaine pointait quelques failles : les services de chirurgie pourraient être rapidement saturés, les effectifs et la formation des chirurgiens étaient peu initiés à la médecine de guerre, les bases du RAID les plus proches étaient situées à deux heures de distance. Le groupe de travail chargé d'étudier les améliorations possibles sur la gestion d'un acte malveillant d'établir : « La Haute-Garonne peut compter sur 2 000 sapeurs-pompiers - 1 200 gendarmes - 1 4000 policiers, 8 000 médecins et infirmières. » La modification des régions (fusion) a eu d'importantes répercussions sur l'intervention des forces de police ou de gendarmerie. La région de la Haute-Garonne dépendait jusqu'alors de la zone de défense de Bordeaux relevant de la compétence territoriale du RAID et du GIPN gironde, pour basculer au 1° janvier vers la région Midi-Pyrénées rattachée à la zone de défense de Marseille... Le GIGN présent à : Dijon - Orange - et Toulouse prévoit d'implanter de nouvelles antennes à : Nantes - Rennes - et Tours. Des groupes d'intervention du Raid sont déjà présents à : Bordeaux - Lille - Marseille - Nice - Rennes - et Strasbourg, la BRI compétente sur Paris intra et extramuros.
Le général Philippe Boutinaud, commandant de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris a livré son témoignage devant la commission de la Défense de l'Assemblée nationale le 16 décembre sur une opération qui a mobilisé 680 personnes sur le terrain ce qui en fait : « peut-être la plus importante opération jamais effectuée par les pompiers de Paris si l'on exclut les bombardements de la Seconde Guerre mondiale. » De poursuivre : « Entre 21 heures 30 et 22 heures, nous avons reçu 700 appels, dont certains faisaient état de fusillades, d'autres d'explosions, d'autres de scènes de panique ou de prises d'otages. On nous indiquait de très nombreuses adresses différentes, car, outre les angles de rue, de nombreuses personnes, blessées et échappées du Bataclan par exemple, se réfugiaient sous des portes cochères dans les rues voisines ou montaient dans la première voiture qui passait. (...)
Nous étudiions notamment depuis cet été le cas d'une course mortifère dans Paris. (...) Au troisième attentat, j'ai donné l'ordre de réduire l'envoi des moyens demandés pour plan rouge alpha, afin de ne pas nous trouver démunis. Je craignais en effet que le scénario de Bombay se répète, et que les terroristes aillent dans une gare après avoir visé des gens attablés à des terrasses de café. (...) Je craignais en effet que le scénario de Bombay se répète, et que les terroristes aillent dans une gare après avoir visé des gens attablés à des terrasses de café. (...) Nous avons demandé et obtenu que le stade ne soit pas évacué. En effet, pendant que les spectateurs regardaient le match, dès lors qu’aucune explosion n’avait eu lieu à l’intérieur, les gens risquaient moins dans le stade que dehors, où des kamikazes auraient pu se mêler à la foule pour alourdir le bilan. (...) Tout d’abord, il fallait déterminer si les terroristes se trouvaient toujours dans la zone, car on ne peut pas être pompier et tenir une arme. Un élu local m’a récemment demandé s’il fallait armer les pompiers. Je lui ai répondu qu’un médecin tenait une perfusion et non un fusil lorsqu’il s’occupait d’un soldat blessé. Il n’est donc pas question d’armer les pompiers, car si l’on devait assurer notre sécurité, on ne soignerait plus les gens. »
Deux mois après les attentats de novembre, la Préfecture de police et la Mairie de Paris lançaient un « hackathon » réunissant des « geeks » de : la Croix-Rouge française, des acteurs des nouvelles technologies (Twitter, Microsoft) et des intervenants de la Commission nationale informatique et libertés . Quatre-cent passionnés ont planché tout un week-end sur sur un système d'alerte novateur par SMS : Comment orienter au mieux les blessés vers les hôpitaux ? Comment éviter l'engorgement des plate-formes réservées aux appels d'urgence ? Comment dégager une information fiable à partir de la masse disponible sur les réseaux sociaux ? Comment diffuser des consignes de sécurité de manière ciblée et en temps réel ?
Un des groupes de travail a imaginé un système de coordination en temps réel : « pour orienter les victimes vers les hôpitaux en tenant compte de leur niveau de charge (...) afin de gagner les quelques minutes qui permettent de sauver des vies. » Un autre a travaillé sur la possibilité à : « collecter des données sans intervention humaine, de façon automatisée, universelle, rapide » par l''envoi de SMS géolocalisables. L'envoi du texto lance une transaction permettant : « d'identifier la situation (A. Tirs, B. Incendie, C. Agression, etc.) - la personne (A. Témoin à distance, B. Témoin sur place, C. En danger, etc.) - et de donner des consignes (A. Rester chez soi, B. Pouvons-nous vous contacter, etc.) en attendant une éventuelle intervention. » Tandis qu'un groupe de travail a conçu avec l'assistance de l'Institut national de l'information géographique, un recensement de plans des lieux accueillant du public et de leurs itinéraires d'évacuation. La maire de Paris, Anne Hidalgo, a conclu : « C'est un sacré accélérateur. S'il avait fallu attendre le rythme des nos institutions, dans trois ans, on y serait encore. (...) On a vu qu'en deux jours, on est capable d'avancer sur ces problématiques concrètes et importantes. »
Si la rapidité de réaction reste primordiale lors d'un attentat, cela vaut surtout pour les premiers instants. Tout se joue dans les premières minutes. Un témoin a rapporté : « avoir entendu des tirs continus probablement pendant moins d'une minute. » Sachant qu'un fusil d'assaut qui dispose d'une cadence de tir à 800 coups minute, soit une cadence utile d'environ cent cinquante coups par minute (cinq chargeurs de 30 munitions), on imagine la suite. Il faut peu de temps au tireur pour épuiser ses quelques chargeurs !
Si la sûreté et la sécurité des hommes politiques à l'égard des citoyens étaient leur priorité, il suffirait de l'adoption de quelques mesures attentatoires aux libertés individuelles de quelques individus pour contre-carrer certains projets. L'homme avait a fait l'objet de deux enquêtes préliminaires de la part du FBI en 2013 et 2014 pour ses éventuels liens « avec des terroristes ». Les fédéraux avaient conclu qu'il : « ne constituait pas une menace substantielle à ce moment là ». L'homme que son ex-femme décrit comme un bipolaire, disposait d'un permis de port d'arme grâce à sa profession d'agent de sécurité qu'il exerçait depuis plusieurs années à 200 kilomètres du lieu du drame... L'issue du drame en aurait-elle été différente si l'attaque s'était déroulée au Texas où la majorité des citoyens est armée ?