La Chine est-elle un pays communiste ?

par Rantanplan
jeudi 20 juin 2019

Il n’est pas rare qu’un expert breveté SGDG (1) soit invité sur le plateau d’un de ces talk-shaws médiatiques unanimistes pour nous expliquer d’un air profondément convaincu et bardé d’arguments que l'essor économique spectaculaire de la Chine aurait commencé quand ce pays a "abandonné" le communisme pour se convertir à la seule vraie foi révélée, celle du capitalisme.

C’est tellement simple que c’est imparable, et pourtant… c’est faux.

La politique opportuniste de la Chine depuis la mise en œuvre du Gǎigé kāifàng (littéralement : « Réforme et ouverture ») a consisté à entretenir avec l'Occident capitaliste des relations avantageuses pour la Chine plutôt que de se scléroser derrière la grande muraille et rendre un culte à ses principes dans les temples de la Cité Interdite. Si l’ordre occidental est néolibéral, la Chine commerce avec l'occident dans son contexte néolibéral.

Pour communiquer avec d’autres puissances, les Chinois ont appris leurs langues (le chinois étant réputé indéchiffrable, les occidentaux n’ont même pas essayé de l’apprendre), mais ce n’est pas pour ça qu’ils abandonnent la-leur, ou plutôt les-leurs (la Chine est une fédération de peuples aux idiomes multiples utilisés à des niveaux différenciés, sommaires ou savants).  De la même façon, ce n’est pas parce que la Chine a appris à commercer avec des états où dominent des systèmes économiques différents du sien, plus ou moins adeptes du « néolibéralisme » (ou capitalisme sans entraves) que ce pays va adopter pour son propre usage, intégrer, intérioriser les politiques économiques « néolibérales ».

Si la Chine était capitaliste, alors il s’agirait d’un « capitalisme bureaucratique ». Mis à part le marché noir impossible à quantifier et quelques étals de fruits et légumes, il n’existe pas de « marché » en Chine. La règle de la concurrence et la loi de l’offre et de la demande ne sont pas les deux premiers des dix commandements.

Il existe des banques privées, mais elles sont strictement réglementées, ce qui n’a pas empêché de se développer système bancaire parallèle et un réseau souterrain dans lesquels toutes sortes de transactions douteuses peuvent s’opérer.

Le foncier appartient à l’État, même les terrains sur lesquels les maisons et immeubles privés (qui eux existent) sont construits. Un bail emphytéotique de 99 ans le permet.

La principale activité d’échanges commerciaux avec l’étranger consiste à sous-traiter pour le compte des sociétés occidentales qui cherchent à délocaliser leur production, que ce soit en installant leurs propres usines en Chine ou en passant un contrat avec une usine chinoise. La liste de « donneurs d’ordre » n’en finirait pas ! Même les « magasins d’usine » (ce qui ne signifie pas « produits locaux) des zones industrielles du textile économiquement sinistrées vendent ces produits dans des locaux jouxtant l’ancienne usine locale désaffectée (quand elle existe encore).

Cette volonté des dirigeants Chinois de refuser l’adoption du système économique néolibéral et un système politique alternatif justifiant l’approfondissement des inégalités par le principe de « liberté » (les troisième des dix commandements) a une explication simple : si Staline a servi d’idéal du moi à Mao et si l’URSS a été la matrice de la RPC, Xi Jinping n’est pas le frère siamois de Poutine et le passage de l’Union Soviétique à la CEI a donné matière à réflexion aux héritiers du Céleste Empire. La glasnost et la pérestroïka n’étaient rien d’autre que l’adhésion feutrée à un capitalisme à part entière qui a provoqué un pillage de l’économie par les membres de la nomenklatura qui détenait déjà les leviers et qui, sans personne ni rien pour les contrôler, sont devenus du jour au lendemain des oligarques, mais qui a provoqué aussi l’implosion d’une puissance et d’un statut géopolitique que la Russie actuelle a perdus.

En 2017, un sondage IPSOS publié par « Visual Capitalist » a montré que 90% des Chinois pensaient que leur pays allait dans la bonne direction, contre 37% des Britanniques au Royaume-Uni et 35% des américains aux États-Unis et 12% des Français en Macronie.

Le chiffre du Royaume-Uni devrait être encore plus bas aujourd'hui après le fiasco du Brexit, de même que celui des États-Unis dont la population ne partage pas unanimement les visées de son président sur le Vénézuéla et l’Iran. Pour ce qui est de la France, l’épopée des gilets jaunes montre à elle seule la faillite du projet « en marche ».

En attendant, pour répondre à la question posée dans le titre, si « bureaucratie » et « optimisme de la population » sont synonymes de « communisme », Alors la Chine parait bien répondre à ce qualificatif.

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(1) « Breveté SGDG » était en France une mention légale dégageant l'État de toute responsabilité sur le bon fonctionnement effectif du dispositif breveté.


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