La chute de Pierre

par Gabriel
vendredi 23 juillet 2010

1973, Pierre a son bac avec mention et félicitation du jury. Comme beaucoup, il a cherché un peu sa voie pour finalement à 19 ans entrer chez Peugeot à la chaîne de montage des 304. Grâce à son labeur et aux formations prisent en dehors de ses heures de travail il s’est retrouvé cadre 20 ans plus tard en 1995.

Février 2006, Pierre 50 ans vit avec Jeanne son épouse qui se consacre entre l’éducation de leurs 2 enfants, Marie 14 ans et Ludovic 12 ans, et une association s’occupant de malades en fin de vie. Pierre et Jeanne ont investi dans un pavillon en 1996 avec le Crédit Lyonnais qui leur a accordé un prêt sur 20 ans. Le salaire de Pierre est de 3500 € mensuel ce qui est correct mais ne permet pas de faire des folies lorsque l’on vit à 4 dessus avec un crédit de 850 € mois. La situation que je viens de décrire est des plus banales aussi voici la suite.

Le 23 septembre 2007 Pierre apprend que sa société délocalise l’activité de son service en Hongrie et qu’à cette occasion seul ceux qui acceptent de partir travailler à Debrecen garderont leur emploi avec un nivellement du salaire en rapport au pays (Pour Pierre environ 600 €). Décembre 2007 Pierre est licencié avec ses indemnités (environ 6 mois de salaires et 18 mois de chômage).

Aujourd’hui Pierre aurait du avoir 54 ans seulement voilà, après 427 lettres de candidatures infructueuses, la saisie de sa maison par le Crédit Lyonnais (Il faut bien indemniser les Tapie & Co), le départ de sa femme et de ses enfants, et de 5 mois dans la rue comme SDF, il s’est jeté dans la Garonne ce matin à 06H30. Il avait pourtant voté pour un type qui avait juré que la valeur travail était sacrée, que l’avenir appartenait à ceux qui se lèvent tôt, juré craché promis ! Que son pouvoir d’achat allait progresser, bla bla bla…… C’est vrai nous nous trompons plus nous-mêmes par notre propre crédulité que les autres ne nous abusent par leur imposture.

Combien dans son cas ? Combien à la dérive ? Je ne connaissais pas Pierre mais j’ai l’impression qu’une partie de moi-même a été assassinée ! Il y a des actes et des paroles non tenues qui tuent aussi efficacement que n’importe quelle arme. De nos jours, la plume est aussi puissante que l’épée lorsqu’elle se trouve au service d’un despote. Autrefois, les tyrans se recrutaient parmi les généraux. De nos jours, les tyrans sont des stratèges passés maîtres dans l’art de la communication, des orateurs ou des publicitaires experts en tromperie. Leurs armes sont la radio et la presse, tout autant que la police et la justice quand ils sont à leurs bottes. Lorsque les citoyens se sont laissés berner par la propagande, ils deviennent aussi serviles que lorsqu’ils y sont soumis par la force brutale et alors, ils ne sont plus gouvernés libres et démocratiquement. Il existe aussi une banalité quotidienne du mal que les journaux et la télévision, toujours portés à ce qu’il y a de plus spectaculaire, nous font oublier ou ignorer. Le cas, exceptionnel à tous égards, de l’assassin, ne doit pas nous cacher le fait que l’outil principal du mal n’est pas le couteau mais la parole.

Il y a des crimes qu’il faudra bien payer un jour.


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