La cohérence de la politique étrangère de Sarkozy

par rigas
mercredi 2 janvier 2008

Les déclarations en Egypte et à Kaboul de Nicolas Sarkozy confirment la nouvelle politique étrangère de la France, une politique d’alignement idéologique à la politique américaine.

Ce dont on avait peur au moment de la campagne électorale [1], à savoir le déraillement de la politique internationale, son alignement sur les positions des Etats-Unis, son abandon de la volonté de trouver des solutions négociées, a bien lieu. Un certain nombre redoutaient ce moment arriver : c’est maintenant fait. Alors qu’il faisait un voyage de pure frime en Egypte, en emmenant sa nouvelle petite amie, nous en avons encore eu la preuve.

Tout ce cirque médiatique [2]autour du voyage de Nicolas Sarkozy permet de ne pas s’attarder sur les véritables positions du président.  [3] Or ces positions sont étrangement nouvelles. Sans parler des déclarations inquiétantes au Vatican, il a fait un pas de plus en déclarant en conférence de presse en Egypte avec Hosni Moubarak qu’il interrompait toute relation avec la Syrie. Stupéfiante attitude qui a rendu les Libanais perplexes. Ou encore quand il affirmait à Kaboul : "Il se joue ici une guerre, une guerre contre le terrorisme, contre le fanatisme que nous ne pouvons pas et ne devons pas perdre". Bush ne l’aurait pas mieux dit.

Pareil alignement idéologique sur la politique étrangère américaine est effectivement une rupture par rapport à la politique étrangère de la France jusqu’ici. L’alignement derrière le jusqu’au-boutisme des conservateurs américains qui s’est incarné dans cette « guerre au terrorisme » est très inquiétant. La question n’est pas tant celle de savoir s’il faut ou pas envoyer des renforts en Afghanistan. Le président aurait pu le faire sans annoncer son accord à cette idéologie de « la guerre contre le terrorisme ».

Faut-il rappeler à quel point cette politique est aujourd’hui remise en cause par les Américains eux-mêmes ? Au nom à la fois de son inefficacité et de la réduction des libertés publiques qu’elle entraîne. Car la guerre contre le terrorisme n’a donné jusqu’ici n’a que des piètres résultats : guerre en Irak, Guantanamo, désordre politique, tolérance politique de la torture... Elle a aussi entraîné un éloignement de la réalité, remplaçant l’idéologie au diagnostic en fondant une politique étrangère au service de cette idéologie et non en réponse à une réalité.

Plus grave, cette déclaration remet en cause de manière très explicite le multilatéralisme. Sarkozy ne parle que de la relation bilatérale entre la France et la Syrie, il ne mentionne à aucun moment le rôle des institutions internationales ; la négociation internationale n’a aucun sens pour notre président. Seuls comptent « son » point de vue, « son » appréciation de la situation. Etrange projection au niveau international de ce désir de s’imposer au niveau national. Ce qui a de grave ici n’est pas la volonté de protagonisme, mais plutôt la négation des autres. Les Syriens, le peuple syrien, les intellectuels, les opposants au régime, ont énormément souffert et souffrent encore énormément de la mise à l’index de leur pays (décidée par Chirac rappelons-le) et surtout de l’isolement. Ce que propose Sarkozy est donc un renforcement de cet isolement. Comment alors pourra-t-on concevoir cette fameuse politique méditerranéenne si la Syrie n’en fait pas partie, si la relation complexe entre Israël et la Syrie n’est pas discutée ? Comment fera-t-on pour pousser le régime à se démocratiser si on le laisse s’enferrer dans une logique de refus ? La politique de Bush c’est cette politique du refus : Sarkozy, l’homme de Bush, [4] l’a adoptée.

Malheureusement notre nouveau président est totalement d’accord avec la politique du refus, de l’isolement et de la négation des négociations. Un bien étrange refus de la parole politique dans le domaine de la politique étrangère. Ce même renoncement de la négociation aura été le sceau de la politique étrangère de G.W. Bush et Sarkozy, disciple de Newt Gingrich, voudrait la faire sienne. La cohérence de la politique étrangère de Sarkozy se trouve à Washington. Et cette politique sera bientôt orpheline : Sarkozy va rester le dernier néo-conservateur quand ceux-ci vont disparaître aux Etats-Unis.

Epilogue : les vœux pour 2008

J’avais écrit ce texte avant le message présidentiel des vœux. Plusieurs affirmations de ce message qui non seulement me scandalisent, mais qui démontrent encore une fois l’idéologie néo-conservatrice.



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