La compagne de voyage

par Gabriel
mardi 26 août 2014

 Certains parlent d’égalité des sexes, c’est de mon humble avis une ineptie. Je crois que rien n’est plus pervers que de vouloir mettre sur un pied d’égalité homme et femme qui, vu leurs différences naturelles, conduit forcement à l’aliénation de la personnalité. Bien que l’idée exprimée au départ soit évidement bonne, c’est le terme d’égalité qui ici est mal employé. Celui d’équité me semble plus approprié.

 Ainsi, voilà pourquoi je ne serais jamais l’égal de cette femme qui m’accompagne depuis le début du voyage. Je n’ai pas sa patience, sa force et sa tolérance. Bien sur par instant, la fatigue due aux aléas de la vie la rend irritable mais, même dans ces moments là, mieux que moi, elle sait gérer et effacer ses ennuis par une écoute attentive à la souffrance d’autrui.

 Elle est mon fleuve, la rivière qui étanche ma soif, mon océan pacifiant, ma mer de la tranquillité. Lorsque le feu de la folie frappe à ma porte, je pose la tête sur son épaule et mon esprit retrouve enfin son calme, son équilibre. Elle fuit toutes polémiques stériles, controverses injustifiées et injustifiables car, lorsqu’il est question de l’essentiel elle a le don de ne dire que le strict nécessaire. Jamais agressive, rarement complaisante, toujours juste. L’important étant parfois invisible à mes yeux, d’un simple sourire elle m’ouvre le cœur. Son érotisme enfantin et joueur est le supplément d’âme qu’elle injecte à ma sexualité d’ado au cerveau reptilien car, si mon corps est adulte, dans ma tête les années de retards se cumulent.

 La vue matinale de ce petit corps batifolant sous la douche comme un moineau dans une flaque d’eau me redonne foi en la magie de cette vie. Bien qu’un peu maladroite parce que rêveuse, elle a des gestes calmes et une attitude posée. Petite fourmi en action, elle est belle naturellement, sans posture, sans far. Depuis toutes ces années que je l’observe, elle a gagné en charme et son rayonnement, sa lumière n’ont jamais faibli en intensité. Ni aveuglante ni pâle, juste un halo dans lequel, ascète volontaire, je m’y complais cloîtré.

 Petite fée toujours prompt à voyager, découvrir, curieuse de l’inconnu. Quelle que soit la destination, jamais déçue, elle rayonne, jubile et, avec la grâce des elfes, chemine entre les ruelles d’un village perdu ou sur les avenues d’une capitale inconnue.

 Son petit nez plongé dans un livre, elle se passionne pour des histoires qui, une fois le volume achevé et refermé, s’envolent aussitôt de son esprit. Ne lui demandez pas le nom des auteurs, elle s’en fiche car elle a compris depuis longtemps que l’œuvre réalisée était plus importante que le patronyme de l’écrivain.

 Elle ne parle pas de métaphysique ou de philosophie et, ceux qui la croisent pourraient faire l’erreur de penser que c’est par manque d'intérêt, de culture mais ils se tromperaient lourdement. C’est par simplicité et efficacité qu’elle ne s’épanche pas en conversation de salon. Pendant que d’autres palabrent effets de manche à l’appui, elle vie réellement et intérieurement son histoire.

 Cette petite femme est un concentré de douceur et d’amour pour sa famille. Elle est mon phare dans la tempête de la vie, mon radeau de survie. Je m’interroge parfois sur la chance de l’avoir comme compagne de voyage moi, le funambule en perpétuel équilibre et recherche d’une vérité inaccessible, rongé par le doute et jouant les forts pour cacher mes nombreuses faiblesses, ma multitude de lacunes.

 Quand le ciel vire au gris, que l’impression d’avoir mille ans pèse sur mes épaules, que le stress, la vitesse et l’agressivité ambiante m’encerclent, elle est ma cure de jouvence, mon pacte faustien journalier, le saint Graal de mes nuits.

 Voilà, c’est aussi bête que ça. Peut être que c’est ringard, has been ou autres qualificatifs du même tonneau, ces quelques lignes à la femme qui depuis tant de saisons partage mon quotidien et, me protège de cette lancinante envie parfois d’en finir avec ce cirque humain, ce bordel terrestre mais, je l’assume avec cœur. J’ignore la longueur et le temps restant du chemin à parcourir et je cache ma frayeur d’avoir à le finir sans sa bienveillante présence aussi, s’il mettait refusé de partir avant elle, je souhaite, luxe extrême, qu’ensemble nous accomplissions l’ultime trajet vers la destination finale.

 Ici s’achève ce maladroit et modeste petit texte. Il est vrai qu'au milieu d'une actualité guerrière où les rois du monde nous guident tout droit vers la troisième guerre mondiale, où les hommes égorgent leurs frères en mondiovision pendant que les bombes made in occident dégringolent sur les enfants d'orient, ou les politiciens véreux et carriéristes mentent et volent leurs concitoyens cela peut vous paraître bien dérisoire, puéril mais, c’était bien le moindre hommage que j'avais à lui rendre pour lui dire simplement et éternellement merci.

 Ce soir je vais sortir au jardin, voir la nature que l'homme n'a pas encore détruit, sa danse magnifique et son anarchique folie créatrice. Réaliser qu’avec une graine, un peu de terre, d’eau et de soleil rien n’arrête la vie et que, si un tour supplémentaire est obligatoire dans cette dimension, c’est avec la même personne que je désire l’accomplir.

 Je souhaite à tous mes congénères d’avoir la chance de trouver la compagne de voyage, celle qui malgré le gros temps vous tiendra toujours la main au milieu des pires tempêtes. Celle qui sera à la fois femme, maîtresse et amie…


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