La conversion forcée des Morisques

par Jacques-Robert SIMON
jeudi 10 octobre 2019

 

 En 632, date de la mort de Mahomet, les musulmans attaquent l’empire romain d’orient et envahissent la Palestine en égorgeant une partie de la population locale. La Syrie, l’Égypte et une partie de l’Afrique du Nord ne tardent pas à suivre. Les gens du livre (zoroastriens Iran ancien, les chrétiens, les juifs) sont autorisés à conserver leur foi mais sont sujets à des taxes plus élevées que les musulmans. Les Omeyyades (sunnites), une dynastie arabe de califes, connaissent une défaite à Poitiers en 732 mais conservent la péninsule ibérique.

 L’Espagne est alors partagée entre l’Orient musulman et l’Occident chrétien. L’Espagne musulmane est intégrée dans un bloc assez homogène qui va de l’Indus à l’océan Atlantique ; on trouve partout la même religion, la même langue, la même loi. Au lendemain de la conquête, la totalité de l’Espagne est sous la férule musulmane mais l’extension se réduit au fil des siècles, pour ne comporter à la seconde moitié du XIIIe siècle, que le seul royaume de Grenade.

 Al-Andalus, nom donné aux territoires sous contrôle musulman, représentait des villes prospères tournées vers le commerce (verre, soieries, cuir…). Les souverains musulmans toléraient généralement les chrétiens comme les juifs et encourageaient la diversité culturelle. Les lettrés musulmans espagnols, tel Averroès, étudièrent les œuvres des philosophes grecs, qui furent traduites avant d’être diffusées dans le reste de l’Europe.

 La reconquête de l'Espagne musulmane par les royaumes chrétiens s'achève en 1492. Les conversions forcées des musulmans d'Espagne sont décidées par une série d'édits interdisant l'islam en terres d'Espagne au début du XVIe siècle, de 1500 à 1526 selon les royaumes. La population musulmane de la péninsule s'élève à environ 600 000 personnes. Le terme « morisque » désigne ces musulmans espagnols convertis au catholicisme durant cette période.

 La ‘Pragmatique Sanction’ de Philippe II d'Espagne (1567) prend des mesures pour faire perdre aux Morisques leur identité religieuse et culturelle : interdiction du voile et de la langue arabe, destruction des textes arabes (400 000 livres et encyclopédies de sciences, médecine, philosophie ont été brûlés). Ces lois seront appliquées avec fermeté conduisant dans la nuit de Noël 1568 à un soulèvement dans la région. La révolte est pacifique mais des exactions sur la population musulmane sont commises par les forces catholiques (viols, vols, massacres, pillages). 

 Après avoir pris le dessus sur les insurgés, la monarchie décide de disperser plus de 80 000 d'entre eux dans divers points de la péninsule Ibérique afin d'éviter à l'avenir que leur concentration facilitât de nouvelles rébellions. La régence d'Alger envoie dès 1568 une quarantaine de galères chargées d’armes et de soldats pour aider les morisques. L'expédition fut un échec.

 En 1608, le Conseil d'État envisage l'expulsion des indésirables et la recommande au souverain. Un décret ordonne l'expulsion des Morisques, en commençant par Valence. On permet à ces derniers de prendre ce qu'ils peuvent emporter mais leurs maisons et terrains sont octroyés aux seigneurs locaux, ils sont ensuite menés vers les différents ports du royaume où ils doivent payer eux-mêmes le trajet. Les Morisques de Valence sont principalement expulsés vers Oran avec l’aide des Ottomans. Les Morisques débarqués sur les côtes maghrébines auraient eu droit à un accueil sanglant de la part des autochtones : « Même pas le quart aurait survécu. Nombreux furent jetés par-dessus bord par les patrons des bateaux. D'autres naufragèrent. Les Arabes (enfin) en tuèrent un nombre infini ! »

 Au début de 1610 a lieu l'expulsion des Morisques aragonais, suivie de celle des Morisques catalans en septembre. La mise en œuvre du décret dans les territoires de Castille est une tâche plus ardue, étant donné que les morisques sont éparpillés dans le royaume. Les derniers Morisques partiront finalement vers le Maroc en 1614.

 L'accession au trône de Philippe IV en 1621 met fin la politique de brimades des Morisques.

 Il y aurait eu entre 300 000 et 400 000 Morisques en Espagne, pour une population totale de 8,5 millions d'habitants. Dans les royaumes d'Aragon, ils représentent près de 20 % de la population ; 40 % dans le pays de Valence. De façon générale, les terres riches et les centres urbains sont majoritairement chrétiens, tandis que les Morisques occupent une grande partie des terres intérieures, pauvres et montagneuses, et se concentrent dans les ‘banlieues’. Il s'ajoute à cela une croissance démographique des musulmans nettement supérieure à celle des chrétiens.

 Plus d'un siècle après leur conversion forcée au christianisme et bien que devenus physiquement indiscernables des « chrétiens », une grande partie des Morisques se maintient comme un groupe social cloisonné du reste de la société espagnole, en dépit de la perte de l'usage de l'Arabe andalou, de leur connaissance très pauvre des rites de l'islam, religion qu'ils continuent toutefois de pratiquer en secret.

 Les morisques ont été baptisés de force, ils ne purent plus avoir d’esclaves, porter des vêtements arabes, parler arabe, beaucoup de leurs femmes furent vendues aux Baléares, les hommes survivants expulsés en Afrique du nord. Il est donc possible de retrouver une unité religieuse à ce prix.

 Il y aurait environ 6 millions de musulmans en France (9%). La Courneuve en Seine-Saint-Denis, au nord de Paris, compte environ 40 000 habitants, dont près de la moitié est de confession musulmane. Ils sont principalement de rite sunnite, une moitié à moins de 24 ans, 70 % des personnes interrogées affirment suivre le ramadan. Une pierre de touche de l’acceptation de la société moderne occidentale est la question de l’homosexualité : les jeunes musulmans sont plus nombreux que les autres à ne pas y voir une façon normale de vivre sa sexualité. Les parents des jeunes musulmans appartiennent majoritairement à des milieux modestes et sont peu diplômés. La faible insertion professionnelle des pères résulte du chômage (près du double de la moyenne), et au fait que beaucoup d’entre eux sont à la retraite. Les jeunes musulmans sont sous-représentés dans l’enseignement privé et surreprésentés dans les zones d’éducation prioritaire, deux caractéristiques qui se maintiennent à origine sociale égale. Comme beaucoup d’autres populations issues de l’immigration, leurs difficultés scolaires sont plus importantes que la moyenne. Fait tout aussi remarquable, depuis 20 ans, on observe la radicalisation des « deuxième génération » de musulmans et des convertis « de souche », ce qui ne permet pas d’être optimiste pour l’intégration des musulmans au sein d’une population française très majoritairement athée ou agnostique en plus d’avoir des comportements sexuels non contraints par les us et les coutumes.

 Que faire ?

 Avant toute chose il faut être conscient de la politique générale menée par les occidentaux vis-à-vis des pays musulmans : bien plus terrible que celle des chrétiens espagnols, il s’agit de la technique du ‘brûlis’. L’Irak (de l’ordre de 1 million de morts), la Syrie, la Palestine, le Pakistan, l’Afghanistan, le Yémen, le Soudan, la Somalie… ont tous été violemment bombardés, non pas pour gagner une guerre, mais pour rendre impossible toute espèce de constitution d’un gouvernement stable. Il est postulé que dans quelques générations émergeront les leaders démocratiques dont la région a besoin, le monde a besoin, les industriels de la pétrochimie ont besoin et, plus récemment, pour faire oublier ce qui ne s’oublie pourtant jamais : la perte de ce qui restait de l’honneur des pays occidentaux en faisant combattre les kurdes à leur place pour les laisser affronter seuls les pires périls ensuite.

 Dont acte !

 Il n’est pas certain qu’en France, qui que se soit décide de quoi que ce soit, et pour nommer ces dirigeants nébuleux j’utiliserai le mot ‘élite’, vide de sens sans une précaution liminaire. L’élite donc propose comme attrape-nigaud, comme attrape-prolo, comme attrape bobo, le sexe sous toutes ses formes, principalement, pour marquer une rupture avec l’ancien monde, à travers l’homosexualité. Les plaisirs de l’instant ruinent le bonheur, même si Rimbaud et Verlaine semblent montrer l’inverse, mais encore faut-il dans ce cas être poète. Le sexe sert de ‘jeux du cirque’, le pain étant fourni par la FNSEA. Pour prendre la relève de hiérarques masculins considérés comme avachis et libidineux, ‘l’élite’ met en avant le féminisme. Il est certain que les femmes (en général) sont moins libidineuses, moins sujettes aux poussées de testostérone, moins physiquement agressives et plus portées aux compromis que la gent masculine. C’est aussi considéré comme un excellent moyen d’enfoncer un coin dans la rigidité des mœurs musulmanes, et donc de l’islam, et donc des islamistes. Il n’en reste pas moins que ce n’est pas avec une mini-jupe et le ‘mariage pour tous’ que l’on pourra affronter la montée des périls religieux qui se profile partout dans le monde. Non pas parce que le monde ne serait pas agréable à vivre dans un cadre plus féminin mais seulement car d’autres, beaucoup d’autres, veulent en faire tout autre chose. Le sexe, même avec des femmes libérées de toute entrave patriarcale, sociale, morale, ne fournit pas un ‘Sacré’ qui puisse s’imposer à tous. Le seul sacré envisageable, le seul à notre portée, le seul qui pourrait fédérer l’essentiel de la population, le seul sacré possible est l’idéal républicain : Liberté, égalité, fraternité… laïcité. Démocratie et République ne se ressemblent en rien, l’une est un droit, l’autre est un devoir, l’une est nécessaire, l’autre est indispensable, l’une s’accommode d’approximations, l’autre pas. La République donc avec pour arme, la fonction publique, sa police, son personnel pénitentiaire, ses infirmières, ses pompiers, ses professeurs, ses instituteurs, ses agences, ses commissariats, ses industries… qui ne doivent plus être considérés comme des nuisibles mais tout au contraire comme la nouvelle aristocratie, celle qui pourra bâtir la société du futur, celle qui saura mettre en oeuvre la nécessaire transition énergétique loin des spectacles et des shows médiatiques, celle qui pourra réclamer des efforts de tous.

 Mais quelquefois il faudra choisir entre République et Démocratie. Un seul signe, ridicule tant il est petit, permettrait de vérifier si l’exigence républicaine est respectée : est-on prêt à interdire les abattages rituels, casher comme islamique, pour respecter nos propres lois et qui sont actuellement tolérés par dérogation ? 

 


Lire l'article complet, et les commentaires