La critique des inégalités des économistes se radicalise

par Laurent Herblay
jeudi 25 juin 2015

Déjà, le triomphe littéraire de Thomas Piketty avec son « Capital au 21ème siècle  », avait marqué un coup de barre à gauche par rapport aux analyses de Joseph Stiglitz, pourtant déjà très critique des inégalités. Mais The Economist nous révèle la sortie d’un livre qui accentue encore ce virage.

 
Anthony Atkinson, mentor de Piketty
 
L’hebdomadaire des élites globalisées commence le compte-rendu du livre d’Anthony Atkinson en rappelant la place éminente du livre de Thomas Piketty dans le débat sur les inégalités. Il rappelle que cet économiste britannique de 70 ans travaille depuis 4 décennies sur le sujet, et qu’il a travaillé avec le jeune Piketty pour reconstituer les historiques des hauts revenus et qu’il était son « mentor académique  ». Il vient d’écrire son livre « Inégalités : que peut-il être fait ?  », un livre moins détaillé et moins philosophique que celui de Piketty, mais « qui évite la fadeur grâce à son soutien assumé à une intervention de l’Etat forte  ». Et la particularité de l’auteur est de faire quinze propositions hautement politiques.
 
 
Il propose une taxation plus forte des hauts revenus, qui s’en sont bien tirés depuis 35 ans, entre envolée des plus hauts salaires, et effondrement des taux marginaux d’impôt sur le revenu, comme le montrent les graphiques. Il défend un contrôle des salaires plus strict, incluant salaire minimum et salaire maximum. Il soutient que l’Etat doit intervenir pour pousser des innovations qui favorisent tous les citoyens, et pas les plus riches seulement (l’automatisation détruisant des emplois peu qualifiés). Il semble proposer une sorte de revenu de base à toute personnes contribuant à la société, dans l’économie ou le service public. Et il défend un droit à l’emploi, dans le service public si nécessaire.
 
Vers un marxisme 2.0 ?
 
L’auteur ne se contente pas de faire des propositions tonitruantes. Il fait aussi une analyse de l’évolution de nos sociétés à laquelle The Economist trouve peu à redire, au point de titrer le papier « Attention à l’écart  ». Outre le constat chiffré, il dit que les inégalités « punissent injustement ceux qui n’ont pas de chance. Elles pèsent sur la croissance économique et la cohésion sociale et peut-être le plus important, l’inégalité économique se traduit directement en inégalité d’opportunité personnel  ». De manière très intéressante, il dit que les voitures automatiques pourraient détruire des millions d’emplois peu qualifiés et qu’on pourrait investir dans des outils qui complètent le travail des ouvriers.
 
Il souligne que « le confort et l’opportunité offerte par la richesse compte autant que la consommation que cette richesse permet (…) le pouvoir économique aide à se protéger de manière subtile  » et rappelle que les plus riches font bien davantage passer leurs intérêts (l’inflation contre l’emploi ou une baisse des impôts au lieu d’investissements publics). Bien sûr, The Economist critique l’interventionnisme de l’auteur avec l’argument classique selon lequel la privatisation permet de faire baisser le prix des anciens services publics, en citant le cas du téléphone. Problème : l’éducation supérieure, dont The Economist parle souvent, montre l’exact contraire, comme bien d’autres privatisations
 
 
En lisant cet article, on comprend que le débat sur les inégalités finira tôt ou tard par revenir de manière forte dans le débat public. On peut être surpris que ce ne soit pas encore le cas. Mais la multiplication des publications d'économistes indique que cela ne devrait pas tarder.

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