La culture de l’Homme armé, le sempiternel débat entre les pro-armes & les abolitionnistes

par Desmaretz Gérard
lundi 3 octobre 2016

L'arme, symbole de l'autorité ou de puissance peut être utilisée pour : protéger une vie - accomplir un méfait - une vendetta - se suicider - se confronter à l'ordalie (roulette russe) - combattre pour une vie meilleure - appliquer une sentence de mort - ou plus aristocratique, laver un affront. En France et dans la plupart des pays Européens, la détention, à ne pas confondre avec le port d'arme, est sévèrement réglementée. En France, on accorde plus facilement une détention d'arme pour protéger des biens ou des valeurs que pour la sauvegarde d'une vie !

Après chaque fusillade aux États-Unis, les mêmes discours resurgissent car tout ce qui concerne ce pays est chargé d'émotions. Pour nombre de personnes, l'Amérique est l'incarnation du Diable. Tout le monde croit savoir ce qu'est l'Amérique, mais savez-vous que les États-Unis se classent non pas au premier rang des pays pour les crimes par armes à feu mais au 13° rang ? Conséquences de suite de malentendus et d'idées toutes plus fausses les unes que les autres et de stéréotypes répandus par médias interposés et colportés par des conversations de comptoir.

Au grand dam des abolitionnistes, la vente d'armes à feu connait après chaque tuerie une envolée. De nombreux citoyens semblent alors réaliser soudainement que le gouvernement ne peut assurer leur sécurité en tout lieu ni à chaque instant. Au mois de novembre 2003, une loi a imposé aux habitants de la petite localité de Geuda Spring (Kansas) de posséder une arme et les munitions adéquates, la ville ne disposant d'aucune force de police locale. Les contrevenants encourent une amende de dix dollars.

La vérité est multiple, après l'assassinat de masse de Newtown (décembre 2012), les associations opposées à la vente d'armes présentaient les chiffres des morts par arme à feu, 8 775 par an, « oubliant » d'en différencier les homicides criminels des suicides et des accidents par armes à feu... Pour l'année 2006, le taux de suicides par arme à feu était supérieur au taux de crimes par armes à feu, 57 % contre 41 % pour les meurtres, et 3 % des homicides sont non intentionnels. Autre chiffre rarement évoqué, aux États-Unis, le nombre de mort par armes de poing est en net recul ! Après un pic en 1994 avec 14 000 morts, le nombre est retombé à son étiage qui avoisine les 8 000. Le nombre d'armes en circulation n'explique pas forcément mieux le phénomène, puisqu'au Canada aussi les armes sont légion et pourtant le pays ne compte chaque année que quelques 200 morts par arme à feu. Pour Michael Moore : « Tuer est notre façon de résoudre les problèmes qui nous font peur. (...) Depuis que Caïn a pété les plombs et zigouillé Abel, il y a toujours eu des humains qui, pour une raison ou une autre, perdent temporairement ou définitivement la boule et commettent d’indicibles actes de violences.  »

Est-ce la « culture de l'homme armé  » qu'il faut incriminer ? Selon Larry Pratt, de l'association Gun Owners of America qui compte 300 000 membres, les militants d'un encadrement plus strict des armes à feu ont : « le sang des enfants sur leurs mains », et l'Alan Gottlieb de la Fondation pour le second amendement de déclarer : « Mais il y a un bon côté aux armes qu'on ne doit pas oublier. Ce qui me reste en travers de la gorge, c'est que tous ces crimes complètement fous se sont déroulés dans des lieux où il est interdit d'avoir des armes. (..) Je suis sûr que la personne qui a commis cet horrible crime savait qu'il pouvait y aller et que personne ne pourrait l'arrêter.  »

Au niveau mondial, 37,8 % des armes appartiennent aux Forces Armées, 2,8 % aux forces de police, et la grande majorité, 59,2 %, est entre les mains des civils. La Suisse est sans conteste avec Israël, le pays au monde qui compte le plus d'armes au kilomètre carré et par habitant (entre 21 et 40 millions d'armes) dont 60 % seraient des armes militaires. A titre de comparaison, la France en compte 20 millions d'armes en circulation mais seulement 3 millions sont officiellement recensées pour plus de 66 millions d'habitants. Les principales raisons invoquées par les possesseurs d'armes aux États-Unis sont : à 41 % se défendre - 39,5 % pour chasser - 8 % pour le tir sportif - 11,5 % divers. Autre piste de réflexion, toujours aux USA : 40 % des possesseurs d'armes sont des ruraux - 25,5 % des habitants des petites villes - 19,5 % des urbains des grandes villes - et 30 % sont des conservateurs - 21 % des libéraux. Voilà des chiffres capables de venir rebattre les cartes.

Il existe au moins 639 millions d'armes légères dans le monde, soit une pour dix habitants de la planète affirme un rapport annuel de l'institut de hautes études internationales. « Au moins 59 % des armes à feu (soit 378 millions) sont légalement entre les mains de civils. (...) Plus de 70 % de ces armes ont été fabriquées aux États-Unis et dans l'Union européenne. En tout, plus de mille sociétés dans 98 pays produisent de telles armes. Mais le marché est dominé par 13 pays : Allemagne - Autriche - Belgique - Brésil - Chine - Espagne - États-Unis - Russie - France - Israël - Italie - Royaume-Uni - Suisse. »

Si la vie n'a pas de prix, elle a un coût. Le Français est un être paradoxal qui accepte de vivre à côté d'une poudrière ou d'une usine classée Sevéso, de produire des armes et munitions à l'export capables de massacrer d'autres homo sapiens. Un emploi vaut-il une vie ? Dans l'affirmative, cela pose la question de la valeur d'une vie. Chaque jour, 1 000 personnes meurent par balle dont 250 dans des guerres. Sachant que huit balles sont en moyennes tirées pour tuer une personne et qu'une balle de kalachnikov se vend une cinquantaine de centimes d'euros sur le marché noir, il n'en coûte donc que quatre euros pour ôter une vie humaine.

L'arme n'est pas la cause première du problème, elle correspond à l'arbre qui cache la forêt. Existe-t-il des sociétés, des populations, des ethnies, plus criminogènes ou perturbées mentalement que d'autres ? Comment les déceler et prévenir la survenue d'un geste meurtrier ? Des réponses ont déjà été avancées par des psychiatres, des criminologues, les administrations pénitentiaires, et des statisticiens, mais les publier tomberaient sous le coup de la loi. Beaucoup de choses se disent et peu se savent. Quoi qu'il en soit, confronté à un individu armé dangereux, des citoyens ordinaires préféraient pouvoir agir dans le cadre de l'article 122-5 du code pénal (N'est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d'elle-même ou d'autrui, sauf s'il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l'atteinte.) et dégainer un PSA garni de munitions panachées ;-) plutôt qu'un téléphone cellulaire..., s'ils en ont le temps ! Que cette réflexion ne nous empêche pas de nous interroger, l'insécurité réelle ou ressentie ne serait-elle pas le fiel de nos sociétés, et à qui la faute en est-elle imputable ?

 


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